Arise IIP s’engage dans la structuration de l’industrie textile au pays des « Nanas Benz »

Par Marie-France Réveillard, envoyée spéciale à Lomé  |   |  1287  mots
(Crédits : Marie-France Réveillard/LTA)
Le 6 juin, Arise IIP a officiellement inauguré la première plateforme industrielle intégrée du Togo « PIA », d'une superficie de 400 hectares. Ce partenariat public-privé (PPP) d'un montant de 200 millions d'euros dans sa première phase accompagne les grands travaux infrastructurels engagés par le pays pour soutenir sa diversification économique. « PIA » entend notamment renforcer la filière du coton « Made in Togo » pour booster ses exportations.

Il est 17h30, les invités installés sous un grand chapiteau blanc patientent, tandis qu'à l'extérieur, quelques dizaines de personnes attendent le président Faure Gnassingbé dont c'est l'anniversaire. Tee-shirts aux couleurs du président et drapeaux de la précédente campagne présidentielle s'agitent sur les trottoirs. Un hélicoptère sillonne le ciel pour sécuriser la zone. « C'est un jour spécial pour nous », déclare Gagan Gupta, cofondateur d'Arise Integrated Industrial Plateforms (ARISE IIP), (une joint-venture entre Africa Finance Corporation et Olam International Ltd), à la manœuvre dans la réalisation du tout nouveau parc industriel togolais. Hasard du calendrier, le président du Togo inaugurait officiellement le 6 juin dernier la plateforme industrielle d'Adétikopé (PIA), conçue, financée et gérée par ARISE IIP et située à quelques encablures de la capitale togolaise. A cette occasion, Gagan Gupta s'est dit « très enthousiaste à l'idée de rassembler les acteurs de l'industrie locale et de mobiliser des investisseurs étrangers pour créer un écosystème compétitif de traitement du coton ».

« C'est une vision qui se concrétise et se renforce », s'est quant à lui félicité Kodjo Adedze, ministre togolais du Commerce, de l'industrie et de la consommation locale devant plus de 300 invités triés sur le volet pour l'inauguration du parc industriel. Parmi, l'assistance, d'influents membres du comité consultatif d'ARISE IIP se distinguaient, à l'instar de Carlos Lopes (économiste du développement), Donald Kaberuka (ex-président de la BAD), Colin Coleman (ex-DG de Goldman Sachs), Sérgio Pimenta (vice-président de la Société Financière Internationale de la Banque mondiale), Bruno Delaye (ancien ambassadeur de France au Togo), Coralie Gevers (directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Togo), Serge Ekué (président de la BOAD) ou encore Laureen Kouassi-Olsen (fondatrice de Birimian). L'inauguration de « PIA » s'est achevée sur une séquence spectaculaire avec plus de 400 drones aux couleurs du Togo qui ont illuminé le ciel d'Adétikope à la nuit tombée.

Structurer une industrie textile de qualité

L'agriculture représente 40 % du PIB du Togo et « plus de 60% de la population active », a rappelé Victoire Tomegah-Dogbe, la Première ministre du Togo qui se réjouit que le parc industriel multisectoriel permette au pays de transformer ses matières premières pour produire davantage de valeur ajoutée. La structuration industrielle de la filière du coton sera prioritaire (égrenage, filature, tissage, teinture, finissage et confection). S'adressant à Harouna Kaboré, le ministre du Commerce burkinabè qui avait fait le déplacement à Lomé, elle a exprimé sa « profonde compassion » suite aux attaques de Solhan de samedi dernier (qui ont fait 160 morts), avant de revenir sur le potentiel de « PIA » qui ambitionne de devenir la plateforme industrielle de référence de l'Interland. Le Burkina Faso frontalier est également un producteur de coton avec lequel « des synergies » peuvent se créer et des « pourparlers sont en cours », explique Sani Yaya, ministre togolais de l'Economie et des finances du Togo, au lendemain de l'inauguration.

« Les discussions autour de la création d'un parc industriel avaient commencé en 2017-2018 et se sont poursuivies jusqu'en février-mars 2020. Le gouvernement a prospecté en Asie pour trouver des partenaires, mais rien n'a abouti [...] Il n'est plus possible d'exporter les matières premières brutes, car cela ne génère ni recettes fiscales, ni emplois », estime Shegun Bakari, ministre-conseiller du président, en charge de la feuille de route 2020-2025. « Le Sri Lanka n'est pas producteur de coton, mais il est pourtant devenu l'un des grands exportateurs de textile au monde. Il nous appartient aussi de créer notre propre modèle. Arise nous a proposé tout un écosystème qui nous a convaincus », poursuit-il.

En juin 2020, OLAM annonçait le rachat de la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT), prenant une participation de 51% dans le capital de l'entreprise. Un an plus tard, « PIA » voyait le jour. Malgré la baisse des cours de l'or blanc (la campagne de 2019-2020 représentait 116 000 tonnes de coton graine alors que le gouvernement table sur 200 000 tonnes par an d'ici 2023), le secteur du coton demeure la première culture de rente du pays et représente près de 4% du PIB.

Si des « synergies » sont avancées entre le Burkina Faso et le Togo, pour l'heure, rien n'est défini concernant le voisin béninois (leader du coton sur le continent avec 728 000 tonnes produites sur la campagne 2020-2021), qui devrait prochainement accueillir sa propre plateforme également gérée par ARISE IIP (Glo-Djigbé Industrial Zone).

« Le coton togolais a été classé parmi ceux de haute qualité selon les experts », explique Shegun Bakari, pour souligner une certaine complémentarité entre les 2 pays, à l'heure de l'intégration régionale. C'est également l'avis de Gagan Gupta pour qui « le Bénin pourrait se spécialiser dans des industries annexes, chimiques ou dans la production d'accessoires, par exemple ». Les deux premières usines de textile devraient ouvrir mi-2023 et à terme, « PIA » accueillera cinq unités textiles.

Pour en finir avec les exportations de matières premières brutes

« PIA » accompagnera la création de chaînes de valeur locales, inscrite dans la stratégie nationale. Le site représente « la solution adaptée à la diversification économique », considère Kodjo Adedze qui  appelle les investisseurs à mettre la main au portefeuille pour profiter des opportunités offertes par le parc industriel (infrastructures logistiques et exonérations fiscales).

En première phase, « PIA » s'étend sur 400 hectares et comprend une zone industrielle et une zone commerciale, un parc d'une capacité de 12.500 conteneurs, un parking de 700 places pour les camions, un port sec, des entrepôts, des unités de stockage pour les produits agricoles, une caserne de pompier, un guichet unique pour faciliter les démarches réglementaires... Pour l'heure, de vastes lopins de terre rouge délimités laissent deviner l'aménagement futur des différentes unités de production. Des employés du bâtiment, disséminés sur cette étendue de terre rouge, s'activent sous un soleil de plomb. Six opérateurs sont prêts à construire leur(s) usine(s) (2 pour le textile, 1 pour le soja, 1 pour le bois, 1 pour les motos électriques et une dernière pour le marbre). L'objectif affiché par ARISE IIP est de créer quelques 35.000 emplois directs locaux. La réussite de « PIA » dépendra surtout de l'intérêt des investisseurs et de son inclusivité qui se mesurera en particulier, en fonction des conditions d'achat des matières premières, des contrats proposés aux salariés et de l'empreinte carbone du parc industriel. ARISE IIP assure que son approvisionnement énergétique proviendra à 90 % de sources renouvelables.

Afin de disposer d'une main-d'œuvre locale qualifiée, le Togo mise sur la formation. Classé parmi les pays les plus réformateurs au monde selon le dernier Doing Business de la Banque mondiale, le pays peut compter sur l'appui des partenaires internationaux, à l'instar de la GIZ qui a financé un centre de formation dont la première pierre sera posée la semaine prochaine, en présence de Gerd Müller, le ministre fédéral de la Coopération. Les 2 premières usines textiles seront opérationnelles dès l'année prochaine, estime Shegun Bakari.

Parallèlement au coton, l'agro-transformation de « PIA » concernera les filières du riz, du soja, de la noix de cajou, du café, du cacao, du maïs, du sésame, des arachides, de la mangue et des ananas. Enfin, les secteurs des cosmétiques, de l'automobile, de la volaille, de l'emballage, du recyclage, mais aussi des produits pharmaceutiques, sont autant de cibles identifiées par la plateforme industrielle pour soutenir la diversification inscrite sur la feuille de route nationale...