Niger : arrangement à l’amiable entre L’Etat et la société Africard pour solder un vieux litige

L’Etat du Niger et la société Africard ont finalement trouvé un arrangement à l’amiable qui met définitivement fin au litige à multiples rebondissements qui les oppose depuis 2013 et qui est relatif à la rupture d’un contrat de production de passeport biométrique. En contrepartie du versement par l’Etat du Niger, d’une somme de 8,3 millions d’euros, Africard s’engage à opérer une main levée sur les saisies qu’elle a effectué sur des biens appartenant au pays. Les deux parties ont également décidé de se désister mutuellement de toutes les procédures judiciaires qu’elles ont engagées, ce qui n’est pas du goût de la société civile.
Au plus fort du contentieux, le ministre nigérien des Finances, Hassoumi Massaoudou, avait qualifié les responsables d'Africard, de "bandes d'escrocs".

Cette fois, c'est le bon arrangement entre l'Etat du Niger et la société libanaise Africard CO, spécialisée dans la conception de documents d'identité biométrique. Au terme de nouvelles négociations, les deux parties sont parvenues à un accord transactionnel qui met fin et de manière définitive, au contentieux qui les oppose depuis 2013, à la suite de la rupture d'un contrat de production de passeport biométrique. L'accord a été signé le 27 juin dernier, mais il a fallu attendre ce samedi 11 Août, pour qu'il soit rendu public à l'occasion d'une conférence de presse, des avocats de l'Etat du Niger.

« Au terme des négociations engagées, les deux parties ont convenu de mettre un terme, à l'amiable et de manière définitive, à leur litige. Pour ce faire, un protocole d'accord transactionnel a été signé, aux fins de préciser les concessions réciproques que les deux parties se sont mutuellement consenties, et ce sans aucune reconnaissance de responsabilité de l'une des quelconques des parties » a expliqué, Mainassara Maidadji, le directeur général de l'Agence judiciaire de l'Etat (AJE) en charge de la gestion du contentieux de l'Etat.

Concessions réciproques

Ainsi, selon les termes de l'accord, l'Etat du Niger a payé depuis le 19 juillet et comme il s'est engagé, la somme de 5 millions d'euros à titre de règlement forfaitaire, transactionnel et définitif de toutes les réclamations de Africard CO. Cette somme s'ajoute aux déjà 3,3 millions versés par le Niger en 2016 au titre d'un précédent accord amiable partiel, ce qui porte le montant total de la contrepartie financière versée par le Niger à 8,3 millions d'euros soit quelques 5,4 milliards de FCFA. Par ailleurs, ont expliqué les avocats, leur client s'est désisté de sa constitution de partie civile au près du tribunal de Niamey depuis le 27 juillet 2018, et « sans attendre la mainlevée complète des saisies ». Egalement, l'Etat du Niger s'est engagé à ne pas porter plainte ou se constituer partie civile contre Africard CO devant toute juridiction n'importe où dans le monde en relation avec ce litige.

De son côté, la société Africard s'est engagée à donner main levée, à ses frais, de l'intégralité des mesures d'exécution qu'elle a engagée sur les biens et avoirs, de toute nature que ça soit, de la République du Niger. Selon les avocats du Niger, Africard a déjà mis à la disposition du Niger, 70 PV de main levée de saisie portant sur divers immeubles et la société s'est également engagé « à ne pas procéder à aucune nouvelle mesure ou procédure d'exécution ou de contrainte, quelle que soit, sur un quelconque bien ou avoir du Niger quelque pays que ce soit en lien avec le présent litige ».

Un contentieux à multiples rebondissements

Tout est bien qui finit bien donc, à en croire les avocats de l'Etat du Niger qui se réfèrent aux dispositions du code civil, lesquels stipulent que « la transaction fait obstacle à l'introduction ou la poursuite entre les parties en vue d'une action ayant le même objet ».

Le contentieux qui oppose le Niger à Africard remonte à 2011 avec un marché de production de passeports biométriques signé entre les autorités nigériennes de l'époque et l'entreprise libanaise dirigée par Dany Chacour. Le marché portait sur 16 milliards de Fcfa mais alors que son exécution n'a pas encore commencé, les autorités qui viennent de prendre fonction à la suite de l'élection de Mahamadou Issoufou, ont résilié unilatéralement le contrat qui d'après elle, contrevenait à la loi sur les Partenariat Public Privé (PPP) que le pays vient de se doter.

Pour Africard, il s'agit d'une « rupture unilatérale et abusive de contrat » et l'entreprise avait d'abord saisi les tribunaux nationaux, où elle a obtenu gain de cause, puis avait porté l'affaire, en avril 2013, devant la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA) de l'OHADA à Abidjan. Là aussi, l'Etat du Niger a été condamné à verser quelques 27 milliards de Fcfa à titre de dommage et intérêts pour Africard.

Le gouvernement nigérien s'est bien sûr opposé à ce premier arbitrage et sur la base des décisions de justice, les avocats de Africard CO avaient opéré des saisies de biens et des avoirs du Niger en France et aux Etats Unis notamment des résidences à usage diplomatique à Paris et à New York, des créances destinées au financement des projets de développement auprès de Areva ainsi que le Mont Greboun, l'avion présidentiel.

Le contentieux a pris, à plusieurs reprises, des relents politiques car le gouvernement nigérien n'a eu de cesse de contester la décision des arbitres, accusant même certains magistrats de corruption. Au plus fort du litige, le ministre nigérien des finances, Hassoumi Massaoudou, a même qualifié Africard et ses avocats de « bande d'escroc », tout en promettant que « le Niger ne versera pas un kopeck à cette société ». L'arrangement entre les deux parties est d'ailleurs intervenu alors que plusieurs dossiers sont en instance devant des juridictions nationales, auprès de la CCJA ainsi qu'en France où le Niger avait, il y a quelques mois, pu obtenir par décision judiciaire, la levée de la saisie de certains de ces biens.

Pour les avocats de l'Etat du Niger, c'est une bonne affaire au regard de la somme payée, 5,44 milliards alors qu'Africard réclamait plus de 24 milliards de Fcfa sans compter les frais inhérents aux différentes procédures judiciaires. « Un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès », a d'ailleurs commenté, Me Illo Issoufou, avocat de l'Etat du Niger qui fait remarquer qu'en plus de l'économie pour les caisses de l'Etat, ce procès a permis au pays de mettre à jour son patrimoine immobilier avec la découverte d'au moins deux (2) immeubles à usage diplomatique actuellement utiliser par deux missions consulaires de deux pays voisins, le Mali et le Bénin. Cependant, le deal n'est pas du goût de la société civile pour qui le pays a perdu des fonds en raison des erreurs commises par certains responsables qui devraient être poursuivi pour répondre de leurs actes.

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