Stratégie : la Tanzanie s’active pour faire passer l’agriculture à 50% du PIB d’ici 2030

Avec une économie considérablement fondée sur l’agriculture (pourvoyeur de 70% de ses emplois), la Tanzanie -qui importe notamment 90% de sa consommation de blé- est de ces pays qui pâtissent de la guerre Ukraine-Russie. L’Etat a lancé ce lundi un plan stratégique prévoyant la métamorphose du secteur au terme de la décennie en cours. Au programme : élargissement des terres arables irriguées, renforcement technique en vue de booster la productivité, investissements industriels…
Ristel Tchounand
(Crédits : DR)

C'est un projet que le gouvernement tanzanien veut « ambitieux ». Sous le lead de la présidente de la République, Samia Suhulu Hassan, l'Exécutif a lancé lundi 4 avril, le plan de transformation agricole qui vise à métamorphoser le secteur et hisser sa contribution à 50% du PIB d'ici 2030, contre 27% actuellement.

Pour y parvenir, le plan stratégique piloté par le ministère de l'Agriculture prévoit une série de mesures dont l'élargissement des terres arables sous irrigation à 10 millions d'hectares à terme, contre 600 000 hectares actuellement. Il est également question d'équiper les petits agriculteurs et travailler sur les techniques agricoles afin de moderniser la pratique et décupler la productivité. Dans les semaines à venir, un fonds renouvelable pour les intrants et le développement agricoles verra le jour.

Des zones spéciales agricoles devraient être mises en place à travers le pays avec des unités industrielles pour la transformation des produits agricoles, en vue de promouvoir l'agro-business. Les autorités ont à cet effet lancé un appel aux banques commerciales pour la réduction des taux appliqués aux prêts octroyés aux entrepreneurs du secteur. L'Etat qui lance en outre une campagne de sensibilisation dans un pays où l'agriculture emploie 70% de la population active, a commencé la distribution de plus de 6 000 motos, de kits d'analyse du sol, de tablettes et autres équipements.

Connue pour être une destination touristique prisée en Afrique de l'Est et pour ses richesses minières qui ont longtemps attiré les compagnies occidentales, la Tanzanie est d'abord un pays agricole. Le maïs -céréale la plus consommée- mais aussi le sorgho, le riz, le blé, le millet, le manioc, les bananes, les pommes de terre et les haricots sont les principales cultures vivrières. Dans la case des cultures de rente se trouvent le café, le thé, la noix de cajou, le coton, le sisal et le tabac.

La crise chez les partenaires, alors que la campagne agricole s'annonçait déjà compromise

Depuis plus d'un an, la Tanzanie prévoyait déjà une campagne agricole 2021/2022 compromise notamment par « des précipitations inférieures à la moyenne », selon un document du ministère. Mais il est clair que la guerre en Ukraine et son incidence sur les cours des matières premières représentent un véritable handicap. Et pour cause : le pays s'approvisionne beaucoup à l'extérieur pour répondre à la demande intérieure.

Si la Tanzanie arrive à exporter une partie de sa production de maïs vers ses voisins dont la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda, le Burundi ou le Kenya, l'approvisionnement à l'étranger pour combler ses besoins est impératif. Ainsi, les importations de maïs -généralement sous forme de semences, huile de maïs, maïs jaune pour l'alimentation animale et les céréales du petit déjeuner- arrivent de l'Union européenne (UE), d'Afrique du Sud, des États-Unis et d'Ukraine.

Pour ce qui est du blé, le pays qui s'attendait déjà à une baisse de 22% de sa production locale, reste fortement dépendant de l'extérieur : la Tanzanie importe 90% du blé qu'elle consomme. Ici, le blé vient de Russie, d'Ukraine, d'Australie, du Canada et de l'UE.

Si la Tanzanie fait partie des pays africains qui ont opté pour la neutralité dans le conflit ukraino-russe, le gouvernement s'active en interne pour limiter l'impact de cette guerre sur son économie et ses ménages. Le ministère de l'Agriculture mène actuellement des pourparlers avec les importateurs de blé en vue d'encadrer les prix.

La mobilisation financière, une étape cruciale

Cependant la Tanzanie n'en est pas à son premier programme de développement agricole. Un des gros talons d'Achille de type de projet a toujours été le financement, avec notamment des parts du budget de l'Etat allouées à l'agriculture souvent jugées « faibles ». Le ministère des Finances a prévu de rectifier le tir, en donnant la priorité au secteur agricole dans le budget 2022-2023. Mais face aux « dépenses récurrentes » qui constituent parfois plus de 70% du budget, l'investissement étranger est également prisé par les autorités.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement multiplie les appels auprès des investisseurs pour dynamiser le secteur agricole et l'inscrire sur la trajectoire d'une véritable industrialisation. « La Tanzanie est le meilleur endroit pour la production alimentaire... nous avons été un exemple au sein de la Communauté de l'Afrique de l'Est et de la Communauté de développement de l'Afrique australe », déclarait fin mars Pindi Chana, ministre d'État au cabinet du Premier ministre, après une rencontre avec des organisations internationales.

Certains bailleurs de fonds estiment stratégique l'investissement dans l'agriculture tanzanienne. C'est le cas notamment de la France qui vient de débloquer 81 millions d'euros (dont 1 million sous forme de don et 80 millions sous forme de ligne de crédit) en faveur de la Banque de développement agricole de Tanzanie (TADB), afin notamment de catalyser le financement des entreprises du secteur. L'accord y afférent constitue l'un des éléments du protocole signé en marge du One Ocean Summit en février, par l'Etat tanzanien et l'Etat français et l'Agence française de développement (AFD).

Après la pandémie de Covid-19 et alors que les réalités climatiques persistent, la crise ukraino-russe ne fait que conforter l'idée selon laquelle les pays africains devraient prendre à bras le corps la problématique de l'insécurité alimentaire. Après le lancement d'un plan stratégique comme celui de la Tanzanie, l'opinion attendra les résultats.

Ristel Tchounand

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