Le monde post-Covid favorisera-t-il la relocalisation des chaînes de valeur en Afrique  ?

Les 5 et 6 octobre, Business France organisait au ministère français de l'Economie et des Finances, la 3e édition d'Ambition Africa, sous le haut patronage d'Emmanuel Macron. Plus de 1 200 entreprises ont répondu présentes à ce rendez-vous business de la rentrée, pour relancer la dynamique des relations commerciales entre la France et le continent, sur fond de pandémie de Covid-19.
(Crédits : Ambition Africa)

« Cette édition a lieu et c'est déjà une réussite ! », se félicite Christophe Lecourtier, directeur général de Business France au premier jour du forum Ambition Africa qui ouvre une semaine de rencontres africaines en France, en amont du salon BIG organisé par BPIfrance et du Sommet Afrique France de Montpellier. Pendant 48 heures, plusieurs centaines d'entrepreneurs français et africains se sont croisés au ministère de l'Economie et des Finances à Paris, pour appréhender l'avenir post-Covid-19.

« Nous attendions 900 entreprises et finalement 1 200 se sont enregistrées. Il n'y a pas eu de difficultés majeures pour que les entrepreneurs africains viennent à Paris. Les Français aussi sont venus des quatre coins de France et de Navarre », précise Christophe Lecourtier. « On n'imaginait pas une telle présence étant donné les conditions sanitaires », abonde Franck Riester, le ministre français du Commerce et de l'attractivité, dans la matinée du 5 octobre.

Plus de 350 PME et ETI, startups et groupes français, 414 entreprises venues d'une quarantaine de pays d'Afrique, 17 ateliers sectoriels et transversaux et plus de 1 000 rendez-vous B2B ont ponctué ce rendez-vous business dédié à l'Afrique.

La santé, l'agriculture, les technologies, le sport ou encore l'urbanisation étaient au programme de ces rencontres de haut niveau. Paula Ingabire, la ministre rwandaise de l'Information et des communications, de l'Innovation et des technologies ; Carlos Lopes, l'économiste et ancien secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique ; Mossadeck Bally, fondateur du groupe Azalaï ; Laurent Goutard, responsable de la région Afrique de la Société Générale ; Isabelle Bébéar, directrice des affaires internationales et européennes de la Banque publique d'investissement française ou encore Didier Acouetey, président d'Afrisearch sont quelques-unes des têtes d'affiche qui ont marqué cette 3e édition d'Ambition Africa, après une année blanche.

Retour en force de l'Afrique sur fond de pandémie de Covid-19

« L'Afrique a-t-elle le loisir d'entrer dans l'industrialisation ? Ne sommes-nous pas déjà en train de rater la fête ? », interroge Carlos Lopes avant de revenir sur les atouts du continent pour faire face aux enjeux de demain.

« Nous sommes producteurs de matières premières et nous avons des minerais essentiels pour accompagner la transition écologique. Par ailleurs, nous disposons d'une main-d'œuvre importante à un moment-clé de l'histoire de l'humanité qui enregistre un vieillissement très rapide de la population. Nous sommes les consommateurs de demain ! », a-t-il avancé.

En effet, selon les Nations unies, la population africaine devrait passer de 1 milliard d'habitants à 2,4 milliards d'ici 2050, soit 25 % de la population mondiale.  Parallèlement à ce réservoir de main-d'œuvre jeune qu'il faudra former - En 2050, plus de la moitié de la population africaine aura moins de 25 ans - le continent bénéficie aujourd'hui d'un contexte mondial qui a recentré les objectifs des entrepreneurs français vers de nouvelles géographies.

« Le contexte met beaucoup plus l'Afrique au centre des stratégies d'entreprises qu'avant la crise. Au niveau des grandes opportunités en Chine, la page est tournée. L'Amérique latine est en berne et l'Asie du Sud-est est complètement barricadée derrière ses frontières », explique Christophe Lecourtier.

Alors que la main-d'œuvre vient à manquer en Europe de l'Est et que la pandémie de Covid-19 a révélé les fragilités des économies du nord consécutives à leur dépendance vis-à-vis de l'Asie, les entreprises françaises cherchent de nouvelles alternatives reposant sur la relocalisation des chaînes de valeur.

« Il y a eu une première vague de régionalisation en Afrique du Nord il y a une dizaine d'années, au niveau des industries manufacturières. Tous les éléments sont réunis aujourd'hui pour qu'il y ait une seconde vague. Nous sommes dans une phase de « new deal » mondial [...] Nous voyons dans l'Afrique du Nord et au-delà en Afrique subsaharienne, le complément d'une industrie européenne en matière de chaîne de valeur », estime-t-il.

Entre Safran, Airbus, Renault, Alstom et les nombreuses franchises des groupes du CAC40, le Maroc qui dispose d'un environnement des affaires particulièrement attractif et d'une main-d'œuvre qualifiée, est devenu en quelques années, un véritable Eldorado pour les PME françaises. Du côté de la Tunisie, l'industrie textile a également le vent en poupe. Cette tendance à la relocalisation des chaînes de valeur en Afrique devrait donc prendre un tour nouveau dans le monde post-Covid-19.

Un retrait temporaire chinois pour reconquérir des parts de marché

« En vingt ans, les investissements français en Afrique ont été multipliés par dix. D'autres pays ont peut-être fait mieux, mais il serait faux de dire que la France a déserté l'Afrique », déclare Christophe Lecourtier. Avec 22,3 milliards d'euros d'exportations en 2020, la France se positionnait comme le 1er pays européen exportateur vers l'Afrique - 34 000 entreprises françaises ont exporté vers l'Afrique l'année dernière -. Malgré ces chiffres, la France perd du terrain face à la concurrence accrue de nouveaux acteurs comme la Chine. D'après l'Observatoire de la complexité économique, les exportations françaises vers l'Afrique ont doublé entre 2000 et 2017, passant de 13 milliards de dollars à 28 milliards de dollars, mais la taille du marché a quadruplé (de 100 milliards de dollars à 400 milliards de dollars d'exportations). En 2017, la France perdait sa place de 1er fournisseur européen en Afrique au profit de l'Allemagne, selon la Coface. Depuis 2000, les parts de marché de l'Hexagone ont été divisées par deux, chutant de 11 % à 5,5 % en 2017. Simultanément, la Chine voyait ses parts de marché passer de 3% en 2001 à 18 % sur la même période. Néanmoins, la situation sanitaire pourrait bien rebattre les cartes géopolitiques du business mondial, selon Christophe Lecourtier.

« Les orientations chinoises ne vont pas dans le sens d'une ouverture aux entreprises étrangères, sans compter que la Chine est toujours fermée aux visiteurs étrangers », explique-t-il, suggérant que cet espace laissé temporairement vacant par « l'Empire du Milieu » pourrait bénéficier aux entreprises tricolores. Encore faudra-t-il convaincre les investisseurs de parier sur le continent en dépit du facteur risque. « Si on veut se faire peur avec l'Afrique, c'est très facile, car elle cumule tous les risques. La majorité des établissements bancaires européens ont quitté l'Afrique. Ce n'est pas notre cas ! », s'est félicité le directeur Afrique de la Société Générale, Laurent Goutard, rappelant que les risques étaient à la mesure des opportunités...

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Commentaire 1
à écrit le 08/10/2021 à 21:18
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La main mise de multinationale sous couvert d'une production locale n'est qu'un leurre, le relais en sont les États et la perfidie de leur gouvernement... comme en Europe!

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