Dette africaine  : que faut-il faire de ce « fardeau » ?

Soutenabilité, utilisation de la signature des partenaires financiers pour assurer de nouvelles levées de fonds et réorientation des ressources vers les secteurs sociaux et de développement. Voilà un des scénarios de gestion de la dette africaine. Décryptage.
Mounir El Figuigui
(Crédits : LTA)

365 milliards de dollars. C'est pratiquement le montant global que doivent rendre les 54 pays du continent au reste du monde : 35 % à des créanciers privés, 32 % des institutions multilatérales, 20 % à la Chine, et le reste, soit 15 %, aux bilatéraux. Mais comment solder aujourd'hui un service de la dette et une charge en intérêts importants, alors que les finances des Etats sont mobilisées pour supporter les aides d'urgence aux populations, sans oublier le recul net des recettes fiscales et à l'export ?

Aujourd'hui, entre partisans de l'annulation de la dette et défenseurs de la mobilisation de liquidité nouvelle avec un remake de l'après-crise de 2008, à quels scénarios doit-on s'attendre alors que les Etats africains subissent de plein fouet les effets de la crise de Covid-19 ? Pourquoi un moratoire, plutôt que l'annulation de la dette ? Pourquoi ni l'un ni l'autre, mais plutôt une nouvelle liquidité pour amortir le choc de la crise actuelle ? Et si les institutions financières sous-régionales étaient finalement capables de lancer des programmes de rachat de la dette ?

En fait, la dette africaine est devenue un des principaux sujets de débats à l'international des créanciers : le Club de Paris, le G20, la Conférence de Dakar,... La question de la dette a également fini par arriver dans l'agora des économistes et de la société civile et surtout dans les discours des chefs d'Etat et des responsables africains des politiques publiques.

Dans son message introductif adressé le 30 juin dernier aux participants au premier Forum Digital de La Tribune Afrique et dont la lecture a été donnée par Abdelmalek Alaoui, CEO de Guepard Group, le président du Sénégal Macky Sall a rappelé que « l'annulation de la dette bilatérale constituera une bouffée d'oxygène pour les pays les plus vulnérables. Ce sera au cas par cas. Je reconnais que cela prendre du temps, mais sera faisable ». Que propose donc et surtout quelle approche défend le président sénégalais pour rendre soutenable la dette ?

« En attendant d'y arriver, il faudra innover sur la dette commerciale pour soulager les pays en trouvant des arrangements leur permettant de payer les services de la dette. C'est pourquoi nous soutenons l'idée de créer un véhicule ad hoc garanti par nos partenaires telle que l'Union européenne et certains pays du G20 pour lever des fonds et prêter aux Etats à des conditions préférentielles sur de longues durées pour aider certains pays à payer le service de cette dette commerciale », a expliqué le président Macy Sall dans son discours introductif.

Face au tarissement des sources de financement dans le contexte actuel et compte-tenu de l'importance du service de la dette dans le budget des Etats, un allégement de la dette resterait alors « total et de nature mécaniquement à libérer les ressources » qui pourraient être réorientées vers le financement des efforts de lutte contre la pandémie, soutient pour sa part Fathia Bennis, CEO de Maroclear, dépositaire central des valeurs mobilières au Maroc qui gère le système de dénouement, pour les transactions de bourse et la filière  de gré à gré.

« Les Etats africains n'auront d'autre alternative que de développer leur marché de la dette domestique en mobilisant les différentes ressources », ajoute Fathia Bennis.

Au fait, ne pas réagir dans le contexte actuel à la fois fermement et en tenant compte des contraintes exogènes liées à la pandémie risque fortement de mettre un trait sur les actions et les progrès réalisés au cours des vingt dernières années par les Etats et gouvernement africains, avertit Romuald Wadagni, ministre de l'Economie et des finances du Bénin.

« Nous évoluons aujourd'hui dans un monde où il y a de l'argent, avec des taux négatifs appliqués sur de longues durées », constate celui-ci. Mais alors pourquoi les Etats africains trouvent-ils des difficultés à y accéder ? « Ce sont les primes de risques que nous payons ; cette perception négative qui perdure, avec des notations parmi les pires pour des Etats comme le Bénin ou le Sénégal qui ont consenti de grands efforts durant ces dernières années », explique Wadagni. Pour remédier à cet état de fait, le ministre béninois des Finances propose l'utilisation de la signature des partenaires financiers, comme l'Union européenne et le Banque mondiale. « L'une des pistes que peut être mise en œuvre rapidement est l'utilisation de la signature de nos partenaires qui sont notés "triple A", capables de lever de l'argent à 0% presque sur 30 ans pour apporter ses financements ».

Mounir El Figuigui

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Commentaire 1
à écrit le 07/08/2020 à 12:46
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Pas grave, les gros creanciers se paieront en nature. Bois, mineraux etc....Le continent est riche.

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