Gabon : contre vents et marrées, Ali Bongo assume sa politique d’austérité

Le président gabonais a confirmé assumer la cure d’austérité que le gouvernement a imposé comme thérapie, sous pression du FMI, pour l’assainissement des finances publiques. Dans le discours à la nation qu’il a prononcé ce 16 Août, veille de la célébration de la fête nationale, Ali Bongo a fait fi des critiques et menaces d’embrassement social que font miroiter les syndicats qui bénéficient du soutien d’une opposition aux aguets. A quelques mois des prochaines législatives, le risque politique est pourtant certain.
(Crédits : DR)

Les gabonais auront tout le loisir d'en débattre avec leur président, qui s'est décidé à se prêter au jeu des « échanges citoyennes » sur les réseaux sociaux et médias publics, mais Ali Bongo Ondimba a déjà tout dit sur la situation politique et surtout socio-économique du pays.

Dans le message à la nation qu'il a prononcé ce jeudi 16 août à la veille de la célébration du 58e anniversaire de l'indépendance, le chef de l'Etat est largement revenu sur les priorités du moment avec en trame de fonds, les risques de crise sociale qui se profilent à l'horizon, conséquence de la politique d'austérité que son gouvernement a adoptée en juin dernière pour faire face à la conjoncture économique.

Des mesures d'austérités qui vont se traduire par des coupes dans les salaires des fonctionnaires et une réduction drastique du train de vie de l'Etat avec le gel de recrutement dans la fonction publique ainsi que le report de plusieurs investissements.

Le président Bongo a tenu à assumer cette politique imposée par le FMI et dont le gouvernement dirigé par le premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, tente vainement de motiver les raisons afin d'atténuer un éventuel risque d'embrasement social qui se profile, avec la levée de boucliers des syndicats qui n'entendent pas payer le lourd tribut de ce qu'ils considèrent comme la conséquence de la mauvaise gouvernance du régime.

« J'ai fait le choix de renforcer notre politique sociale et de lutter contre les gaspillages, et j'assume cette position », a déclaré le chef de l'Etat dans le message à la nation qui a été retransmis en direct sur la télévision publique. Avec un ton des plus solennelles, Ali Bongo a expliqué qu'en cette période de recherche d'une meilleure efficacité budgétaire, « nous devons soit renoncer à notre devoir de solidarité, soit accepter de porter les réformes douloureuses mais nécessaires pour lutter contre les gaspillages et les dépenses moins opportunes que d'autres ».

« J'assume totalement cette position. Certains de mes détracteurs m'ont accusé de folie, d'engager ces réformes à quelques mois d'un scrutin électoral. Ils ne sont pas le Chef de l'Etat et ils n'assument pas mes responsabilités. Je dois répondre du bien-être de tous mes concitoyens et je suis prêt pour cela à endosser la responsabilité de réformes parfois impopulaires mais que j'estime nécessaires à notre bien collectif », a expliqué le président Ali Bongo.

Opération déminage

Bien qu'il affirme assumer la politique d'austérité, le président Ali Bongo a pourtant bien conscience du risque politique que le contexte social fait courir au pays et surtout à son régime. Les élections législatives attendues depuis 2016 ont été finalement fixées pour le mois d'octobre prochain et vont se tenir dans un contexte politique déjà tendu depuis la dernière présidentielle qui a vu sa réélection encore contestée par une partie de l'opposition.

La fronde sociale en vue amplifie donc l'incertitude sur les perspectives du pays comme l'a mis récemment en évidence un rapport de l'agence internationale de notation financière Fitch Rating. C'est ce qui explique d'ailleurs que dans son discours, le chef de l'Etat s'est lancé dans une sorte d'opération de déminage, en justifiant les mesures prises mais aussi en chargeant ses détracteurs.

« J'ai fait le choix d'imposer la gratuité des frais d'accouchement, de rééquiper les écoles publiques et d'éclairer des quartiers laissés à eux même » a déclaré le président gabonais, expliquant par la suite que « pour financer ces mesures, j'ai demandé à ce l'on paie seulement les salaires des fonctionnaires qui travaillent réellement et sont présents à leur poste, et de supprimer les doubles salaires et les avantages indus ».

Lire aussi : Gabon : le mauvais présage de Fitch pour Ali Bongo

Dans son message, le chef de l'Etat est revenu sur sa « politique de rupture » et a défendu ses réformes. Selon lui, au-delà de simples mesures, l'objectif visé est surtout une révolution des pratiques : la bataille contre le gaspillage qui doit cesser, la lutte contre la corruption que je compte éradiquer, le combat contre la mauvaise gouvernance que j'entends stopper.

« C'est également une révolution des mentalités : la fin de la culture du tout m'est dû, le recul d'un certain penchant pour l'oisiveté, la disparition de la culture du tout-fonction publique ou encore celle du tout attendre de l'Etat » a expliqué le chef de l'Etat.

Avis présidentiel aux détracteurs

Le chef de l'Etat n'a pas manqué de décocher des flèches à l'endroit des syndicalistes qui lui promettent des mauvais lendemains si les mesures d'austérités sont maintenues. Il a en ce sens dénoncé les grèves et autres conflits sociaux qui ont déjà paralysé pendant plusieurs jours ou semaines des secteurs entiers de l'administration publique mais aussi du secteur privé. « Ces blocages, signes d'un conservatisme, fussent-ils le fait d'une minorité, sont d'autant plus injustifiables qu'ils visent, d'une part, à défendre les intérêts de quelques-uns au détriment du plus grand nombre » a estimé Ali Bongo.

Particulièrement virulent à l'égard des contestataires de la fonction publique, ceux qui « ayant manifestement la mémoire courte, ont bénéficié d'une augmentation de près de 30 % de leur rémunération pour certains », le président s'est interrogé sur la performance de l'administration et des services publiques qui laissent encore à désirer selon lui.

Les magistrats et les médecins dont les débrayages réguliers ont fait l'actualité sociale cette année en ont pris pour leur grade dans le discours du chef de l'Etat qui a annoncé qu'il n'entend point revenir sur le train de réformes engagées.

« Gouverner, c'est prévoir. Gouverner, c'est tenir un langage de vérité - dénoncer ce qui ne fonctionne pas - et prendre ses responsabilités pour y remédier. Nous ne pouvons pas continuer à dépenser plus que ce que nous gagnons. Nous ne pouvons pas laisser la masse salariale de l'Etat sans cesse augmenter. Sinon quoi ? Est-ce nos enfants qui paieront ? Car le fardeau de la dette, il faudra bien le supporter. Et si on ne rembourse pas cette dette, un jour, nos partenaires, qui nous ont accordé leur confiance, risqueraient de nous la retirer. Voilà la réalité », a justifié Ali Bongo.

Selon le président, le plan d'optimisation des finances publiques était donc nécessaire et indispensable. Il a expliqué, un brin pédagogue, que la réduction du train de vie de l'Etat touche d'abord les postes au sommet et que l'essentiel de l'effort en matière d'assainissement des finances publiques reposent sur les plus hauts salaires. « Ces réformes, nous les mènerons à leur terme. Nous sommes déterminés. Je suis déterminé, car nous sommes sur la bonne voie. J'en veux pour preuve, notre stratégie a été saluée sans ambiguïté par le FMI et encouragée par les autres bailleurs internationaux » s'est presque félicité le président Bongo.

Afin de mieux répondre à l'opposition qui ne manquera certainement pas de saisir la brèche, comme le démontre le soutien qu'elle apporte déjà à la contestation sociale, Ali Bongo a été sans concessions. « Nous irons jusqu'au bout de notre réforme, quand bien même une infime minorité tente d'en perturber la mise en œuvre. Ces professionnels de la contestation se reconnaîtront », a lancé le locataire du Palais du bord de la mer. « A ceux-là, je voudrais dire que la démocratie, ça n'est pas la rue, la démocratie, c'est le dialogue, y compris le dialogue social. Que ceux qui contestent fassent assaut de meilleures propositions pour améliorer et réformer, qu'ils soient réellement les agents de changement qu'ils prétendent être et ils nous trouveront à leurs côtés pour faire avancer le pays », a proféré comme un défi à l'égard de l'opposition, un président Ali Bongo presque requinqué d'avoir eu enfin une tribune par excellence pour s'expliquer sur sa gestion.

Il reste à savoir si les gabonais seront convaincus de la légitimité de cette politique qui peine à porter ses fruits et finalement à avaler la pilule. C'est là tout l'enjeu et c'est pour cette raison que le chef de l'Etat a tendu la main aux jeunes et aux couches vulnérables, ceux qui avant tout, serviront d'arbitre dans la confrontation politique et sociale vers laquelle le pays s'achemine au regard de la montée des risques.

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