107 pages, une élaboration par 40 experts africains provenant de groupe d'étude ou de recherches, avec le soutien de la Fondation Rosa Luxembourg et la Fondation Rockefeller, c'est l'étendue d'une publication dénommée Rapport alternatif sur l'Afrique (RASA). Présentée comme un « Rapport pour l'Afrique et par l'Afrique », la publication qui est à son édition zéro, a fait une ambitieuse mise au point sur les innombrables rapports traitants de l'Afrique et publiés chaque années mais qui « souvent ne se préoccupent de refléter les réalités vécues par les Africains ».
« Ainsi, ces rapports, la plupart du temps, ont du mal à déchiffrer véritablement les mutations et les transformations qui s'opèrent en Afrique ou à définir les véritables priorités du continent », indique un communiqué de presse de l'équipe du RASA précédent sa publication. Selon la même source, ce Rapport alternatif se révèle comme un produit de l'engagement, des idées et des observations du réel et du ressenti des Africains sur leurs trajectoires individuelles et collectives vers le progrès économique et social du continent.
Initiative des organisations dont Enda Tiers Monde, Forum du Tiers Monde, Codesria ou encore l'Association des Femmes Africaines pour le Recherche et le Développement (AFARD), le RASA a pour objectif de « contribuer de manière décisive à la consolidation des transformations à l'œuvre dans les sociétés et institutions africaines vers l'autonomie et la souveraineté », précise-t-on. En ayant un regard sur la panoplie d'instruments de mesures avec des critères et indicateurs exogènes et néo libéraux (Doing Business, Banque Mondiale, FMI), il vise « le renversement idéologique et épistémologique des analyses sur le continent, l'approfondissement et la diversification des enjeux et domaines adressés, et des indicateurs de mesure des progrès et de la souveraineté des africains », indique le communiqué. Le RASA propose par exemple, de dépasser le PIB pour parler de bien-être en Afrique.
Laisser le PIB pour l'Approche par les Capabilités (AC)
Dans son exigence de revoir les instruments de mesure du développement en Afrique, le RASA propose effectivement de ne pas s'arrêter au Produit intérieur brut qui selon les chercheurs ne rend pas fidèlement compte du bien être sur le continent. « Nous voulons faire du PIB, comme auraient dit les sophistes, la mesure de toute chose : performance, bien-être, qualité de vie, alors qu'il ne représente qu'une mesure de l'activité économique marchande », font remarquer Stiglitz, Sen et Fitoussi cités dans le rapport. Ainsi, explique le document, avec le PIB ou le PIB / tête, l'objectif de croissance économique a été assimilé à celui du bien-être social. Aujourd'hui, pour remédier à la situation, répondant à la question de savoir « au-delà du PIB, comment mesurer le bien-être », le RASA propose plutôt de faire intervenir l'Approche par les Capabilités (AC) de l'économiste et prix Nobel d'économie Amartya Kumar Sen.
Pour les experts du RASA qui s'appuient sur les exemples, anglais, français et allemands, l'AC permet de penser les questions sociales comme la pauvreté et le progrès social. « Ainsi cette approche permet de penser et d'évaluer le bien-être suivant la réalité des contextes ou des pays. C'est la raison pour laquelle nous la proposons comme cadre théorique pour une réflexion alternative du bien-être dans le contexte africain », dit le RASA. « En effet, nombreux sont les aspects socioculturels, comme les liens sociaux, valorisables qui ne sont pas pris en compte dans le PIB ou dans les indicateurs de développement humain des pays africains. L'AC permet de construire les indicateurs qui intègrent ces aspects et d'avoir ainsi un indicateur de bien-être qui traduit les choses qui comptent et non uniquement ce que l'on compte », ajoute-t-il.
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