Aide publique au développement : l’Afrique s’affranchit progressivement de la stratégie de la main tendue

Alors que le montant de l’aide publique au développement (APD) s’est relativement stabilisé en 2017, les fonds perçus par les pays africains ont augmenté de 3% l’année dernière par rapport à 2016. Selon l’OCDE qui vient de publier son rapport annuel sur les fonds consacrés par les pays développés en faveur des pays les moins avancés, les dons constituent toujours l’essentiel de l’aide publique au développement mais les prêts en faveur des pays les moins avancés, particulièrement en Afrique, enregistrent également une hausse ces dernières années.
(Crédits : Reuters)

Selon un proverbe africain, « donner du poisson à celui qui a faim c'est bien, mais lui apprendre à pêcher c'est encore mieux ». C'est du reste l'argument qui sied à ceux, et ils sont nombreux, parmi les économistes spécialistes du continent qui doutent de l'efficacité de l'Aide publique au développement (APD) si l'on se réfère aux résultats enregistrés par rapport aux montants investis depuis des années.

En somme, l'Afrique devrait apprendre à s'affranchir de l'APD au profit d'autres mécanismes plus efficients pour financer son développement. On en est certes loin, mais la dynamique constatée ces dernières années s'inscrit sur cette tendance comme en témoigne les derniers chiffres sur l'APD que vient de publier, ce lundi 10 avril à Paris, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE).

Au delà des chiffres qui portent sur le bilan de l'année 2017 et qui restent relativement stables par rapport à leurs niveaux de 2016, l'un des faits marquants du rapport, c'est l'augmentation croissante du volume de prêts accordés aux pays en développement notamment en Afrique. Selon l'OCDE, l'APD demeure principalement acheminée sous forme de dons, mais le volume de prêts accordés à des pays en développement a augmenté en 2017, de 13% et pour certains donneurs, les prêts concessionnels ont représenté plus du quart de l'aide bilatérale.

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L'Afrique tend donc progressivement à pêcher au lieu d'attendre à ce qu'on lui donne du poisson, ce qui constitue une nouvelle donne dans le financement du développement sur le continent. D'autant que même si le montant de l'APD reste encore en dessous de l'objectif de 0,7% de leur revenu national brut, sur lequel se sont engagés les pays développés, le montant perçus par l'Afrique progresse.

Bon cru pour le continent

Si de manière général, l'aide au développement est resté stable en 2017 pour les pays bénéficiaires, l'Afrique enregistre une relative hausse du montant perçus. Selon les premières données officielles recueillies par l'OCDE, l'aide extérieure dispensée par des donneurs publics a atteint 146.6 milliards USD en 2017, soit un léger recul de 0,6 % en termes réels par rapport à 2016, marqué par une diminution des dépenses consacrées aux réfugiés dans les pays donneurs et par une augmentation des apports consacrés aux pays ayant le plus besoin d'aide.

De manière détaillée, l'aide bilatérale aux pays les moins avancés a augmenté de 4 % en termes réels, culminant à 26 milliards USD après plusieurs années de baisse. L'aide à l'Afrique en général a augmenté de 3 % pour s'établir à 29 milliards USD et s'agissant spécifiquement de l'aide à l'Afrique subsaharienne, elle a progressé dans les mêmes proportions pour atteindre 25 milliards USD. De son coté, l'aide humanitaire a augmenté de 6.1 % en termes réels, passant à 15.5 milliards USD. « Il est encourageant de constater que davantage de ressources vont aux pays qui en ont le plus besoin, mais ce n'est pas encore assez. Trop de donneurs restent bien loin de l'objectif de 0,7 %, », a estimé le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría, lors de la cérémonie de présentation des chiffres pour 2017.

« Soutenir les pays en développement par le biais de l'aide publique au développement est le moyen le plus rapide de faire prévaloir la stabilité et la croissance inclusive. Pour ces pays, elle sera essentielle à la réalisation des Objectifs de développement durable. Les pays donneurs devraient mettre à profit la période de croissance économique actuelle pour intensifier leurs efforts, pour augmenter leur niveaux d'aide au développement et assurer que cette aide aille aux pays ayant le plus besoin ».  Angel Gurría, secrétaire général de l'OCDE

Levier de croissance

Globalement, en 2017 l'aide publique nette totale s'est accrue dans 11 pays, les hausses les plus fortes ayant été enregistrées par France, l'Italie, le Japon et la Suède. L'APD a par contre baissé dans 18 pays, souvent en raison de la baisse des arrivées de réfugiés, les replis les plus marqués ayant été observés en Australie, en Autriche, en Espagne, en Grèce, en Hongrie, en Norvège, en Slovénie et en Suisse. Selon le rapport, parmi les non-membres du Comité d'aide au développement (CAD) qui communiquent à l'organe de l'OCDE des données sur leurs apports d'aide, ce sont les Émirats arabes unis qui ont notifié le rapport APD/RNB le plus élevé en 2017 (1,31 %) et la Turquie arrive en deuxième place (0,95%).

« Il est encourageant de constater que l'APD acheminée vers les pays les moins avancés augmente, et j'appelle les membres du CAD à poursuivre leurs efforts. Nous devrions toujours avoir pour objectif de réserver l'APD à des investissements de long terme dans les pays qui en ont le plus besoin, et bien réfléchir avant de l'utiliser sous forme de prêts en faveur de pays à revenu intermédiaire » Charlotte Petri Gornitzka, Présidente du Comité d'aide au développement (CAD)

En 2017, cinq membres du Comité que sont le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni - ont atteint l'objectif fixé par les Nations Unies de maintenir l'APD à un niveau égal ou supérieur à 0.7 %. Après avoir atteint l'objectif en 2016, l'Allemagne est repassée en 2017 au-dessous du seuil fixé, rejoignant les 24 autres donneurs du CAD dont le rapport APD/RNB est inférieur à 0.7 %. Les statistiques de l'OCDE font ressortir que l'APD représente plus des deux tiers du financement extérieur affecté aux pays les moins avancés, et le Comité d'aide au développement s'emploie à faire en sorte « qu'elle soit mieux utilisée comme levier pour mobiliser l'investissement privé et accroître les recettes fiscales intérieures dans les pays pauvres, et contribuer ainsi à la réalisation des objectifs de développement durable fixés par l'ONU ».

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S'ils ne sont pas les seuls, les pays africains sont  presque tous bénéficiaires de l'APD. Ces derniers sont en effet répartis entre les pays les moins avancés (PMA), les pays à faible revenu ainsi que les pays à revenu intermédiaire. Cette année et à l'occasion du réexamen de la Liste, le CAD a approuvé la radiation de la Liste du Chili, des Seychelles et de l'Uruguay, lesquels seront retirés de la liste des pays bénéficiaires à compter du 1er janvier 2018, en attendant la prochaine révision en 2020 pour espérer peut-être voir une autre économie du continent sortir de la liste. In fine l'objectif visé, c'est que le continent finance de lui-même son développement en recourant aux mécanismes et instruments internationaux qui sont désormais légion.

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