Gabon : 10.000 emplois par an, la promesse d’Ali Bongo qui fait débat

Le président gabonais a promis la création à partir de 2018, de 10.000 emplois par an en faveur des jeunes. Pour ce faire, Ali bongo a annoncé une série de mesures incitatives pour les employeurs même si la promesse est loin de convaincre l’opinion. En plus des initiatives similaires qui ont échoué par le passé, certains analystes mettent en avant le contexte économique peu favorable.

C'était le cadeau de nouvel an du chef de l'Etat gabonais à la jeunesse. Estimant, lors de ses vœux du 31 décembre dernier que, « nulle cohésion sociale n'est possible dans un pays miné par le chômage », Ali a décidé de faire de l'emploi, « une priorité absolue ». C'est pourquoi une série de programmes destinés à favoriser l'emploi, en particulier l'emploi des jeunes a été annoncé par le président avec comme objectif phare, la création de 10.000 emplois par an à partir de 2018. Pour un pays de moins de 2 millions d'habitants et avec un taux moyen officiel de chômage de 20 % estimé en 2016, la promesse a de quoi séduire surtout qu'elle est accompagnée de mesures incitatives.

 « En 2018, j'ai décidé la mise en œuvre urgente d'un certain nombre de mesures clés, telle que la mesure d'exonération temporaire de cotisations sociales pour toute création nette d'emploi à compter du 1er janvier 2018. Cette mesure sera réservée à l'embauche dans tous les secteurs d'activités de gabonaises et de gabonais. Elle devra permettre de créer 10 000 emplois nouveaux par an ». Ali Bongo

Selon les premiers détails donnés par le président,  l'employeur bénéficiera de plusieurs avantages notamment 50% d'exonération de charges sociales à la première embauche, 75% à la deuxième embauche et 100% à partir de la troisième embauche. Dans le même sens et afin de mieux appuyer ses engagements, Ali Bongo a annoncé d'autres mesures destinées à préparer la jeunesse aux emplois de demain, ce qui nécessite un système d'éducation et de formation adapté. « L'économie mondiale est en effet de plus en plus une économie de la connaissance » a rappelé le président.

Le gouvernement à pied d'œuvre pour contrecarrer les critiques

L'annonce du président gabonais a été diversement appréciée dans le pays. Au niveau du gouvernement, on s'attelle déjà à la concrétisation de ces engagements ainsi que d'autres pris par Ali Bongo lors de son discours. Le premier ministre Emmanuel Ossoze Ngondet a déjà réunit son cabinet en fin de semaine dernière afin de préparer, sur instructions du Chef de l'Etat, une feuille de route destinée à rassurer les gabonais sur la viabilité des mesures annoncées, et « la capacité de l'équipe gouvernementale, à les mettre en œuvre dans les délais qu'il a fixés ». D'autant que Ali Bongo a pris soin de préciser à l'endroit du gouvernement, qu'il attend des résultats dès cette année.

Du coté des opposants, on se limite à rappeler qu'il ne s'agit pas de la première annonce du genre qui reste lettre morte. « Où est passé l'engagement du président à travers l'initiative un jeune, un métier ?» se demande par exemple un opposant pour qui ce ne sont que des « promesses électorales à la veille des législatives comme c'est le cas avant ».

L'annonce d'Ali Bongo ne manque en effet pas de soulever des interrogations quand à la réalisation des nombreuses promesses et surtout par rapport à la création de 10.000 bouveaux emplois par an. En 2016 par exemple lors d'une visite dans la zone économique spéciale de Nkok, le président avait annoncé la création de 20.000 emplois par an. Avec l'installation de plusieurs géants de l'agroalimentaire notamment Olam, des postes d'emplois ont été certes créés mais leur nombre est loin du chiffre promis par le président.

Il est vrai que le contexte économique était à l'époque assez délicat et c'est justement sur cet aspect que s'appuie par exemple l'économiste Mays Mouissi pour remettre en cause cette nouvelle promesse présidentielle. Dressant une genèse de l'évolution de la création d'emplois au Gabon ces dernières années, l'analyste estime que si l'allègement des charges peut avoir un effet positif sur les créations d'emplois, « il est cependant peu probable que le gouvernement gabonais parvienne à créer 10 000 emplois nets par an en raison de la corrélation entre emplois et croissance d'une part, de l'écosystème nécessaire à la réalisation de cette promesse qui est aujourd'hui absent et de la structure de l'économie du Gabon dont le secteur pétrolier peut avoir, selon le contexte du marché, un effet moteur ou déflateur pour l'économie ».

En outre, poursuit l'économiste, les mesures d'accompagnement annoncées pour favoriser les créations d'emplois comme l'exonération des charges sociales n'ont qu'un effet de levier limité sur les principaux secteurs qui structurent l'économie du pays. « C'est particulièrement vrai dans le secteur primaire où la véritable variable d'ajustement des emplois est le prix des matières premières à l'international » analyse Mays Mouissi pour qui cependant l'objectif est réalisable avec une autre approche.

« Pour parvenir à créer 10 000 emplois, il faut bien plus que des discours incantatoires, mais une stratégie économique ciblée qui tienne compte des spécificités de l'économie nationale, de la nature de sa croissance, si peu inclusive, du caractère structurant du secteur pétrolier sur les autres secteurs d'activités, etc. Se limiter à des actions isolées, comme la seule réduction des charges sociales, serait une erreur qui entrainera un nouvel échec des politiques nationales de l'emploi. L'État se doit d'apporter des solutions d'ensemble au problème global qu'est celui du chômage ». Mays Mouiss, économiste

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