Algérie : Ouyahia justifie le recours à la « planche à billets »

Attendu sur plusieurs sujets socioéconomiques qui tiennent actuellement le pays en haleine, le chef du gouvernement algérien s’est voulu plutôt rassurant et présenté un plan de sortie de crise articulé autour de plusieurs axes. Ce dimanche, Ahmed Ouyahia a entamé devant les députés, la présentation suivie de la discussion de son programme de mandat, lequel s’inscrit dans l’ensemble dans la continuité des actions déjà annoncées depuis la dernière élection présidentielle de 2014 sans que l’Algérie sorte véritable de la conjoncture économique difficile engendrée par la baisse des cours du pétrole.

C'est à un véritable jeu d'équilibriste que s'est livré Ahmed Ouyahia ce dimanche devant les députés de l'assemblée nationale populaire (ANP) où il présentait son plan d'action. Tant dans le contenu du document qui décline les principales mesures qui seront mises en œuvre pour sortir l'économie de crise que dans sa prestation du haut de la tribune parlementaire, le chef du gouvernement algérien nommé s'est voulu des plus rassurants.

C'est particulièrement sur le plan économique qu'était attendu le chef du gouvernement et là il n'a eu d'autres choix que le réalisme face à l'ampleur des difficultés qui assaillent l'économie algérienne depuis 2014 et la chute brutale des cours de l'or noir qui constitue près de 90% du PIB du pays.

« La situation demeure extrêmement tendue au niveau du budget de l'Etat : dans la situation actuelle, l'année 2017 sera clôturée avec des difficultés réelles, alors que l'année 2018 s'annonce plus complexe encore ». Ahmed Ouyahia

Sur la situation économique de l'Algérie, Ahmed Ouyahia a présenté un tableau des plus sombres, ce qui est d'ailleurs bien connu. « Depuis 2014, l'Algérie est frappée par cette crise qui s'annonce durable, car rien ne prévoit, à court et moyen terme, un redressement sensible des prix du pétrole » a expliqué le chef du gouvernement. La position extérieur du pays est également alarmante car l'Algérie enregistre actuellement un important déficit commercial qui s'est élevé à plus de 20 milliards $ en 2016) et un déficit continu de la balance des paiements avec plus de 26 milliards $ à la fin du même exercice. En définitive, « au niveau extérieur, l'Algérie est ou demeure économiquement souveraine, grâce aux réserves de change accumulées durant les années passées » a voulu pourtant tempéré Ouyahia. Cependant, a-t-il aussitôt reconnu, ces réserves de change fondent sans cesse, passant déjà de 193 milliards $ en mai 2014, à 105 milliards $ en juillet 2017. Au niveau intérieur, la situation ne plaide pas à l'optimisme. « La situation des finances publiques est préoccupante. Le recul de la fiscalité pétrolière a généré des déficits budgétaires répétés, entraînant la consommation de la totalité de l'épargne du Trésor qui était logée au Fonds de régulation des recettes (FRR) épuisé en Février 2017 » a entre autres fait savoir le chef du gouvernement.

L'heure des choix

L'Algérie est donc à l'heure des choix pour faire face à la situation socio-économique dans laquelle elle se trouve et mis à part le contexte politique qui lui aussi est assez inquiétant, il y a urgence à agir. Sauf qu'il faudrait au préalable opter pour une recette sur la base du diagnostic déjà établie. Ce à quoi consiste la mission d'Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement, un rappel au service qui en donne déjà une idée de la thérapie à venir.

Le retour d'Ahmed Ouyahia, qui a eu à occupé le poste quatre fois dont trois sous le long magistère d'AbdelAziz Bouteflika, a été perçue par la majorité des algériens comme une volonté du président de recourir à une gouvernance d'austérité pour faire à la crise économique, un boulot dans lequel le chef du gouvernement est devenu l'égérie en Algérie. Plus que l'exercice constitutionnelle qui n'est qu'une formalité au regard de la majorité que détient la coalition FLN-RCD au sein du parlement, c'est la thérapie d'Ouyahia qui était attendu avec circonscription. D'autant qu'en dépit des premiers signaux qu'il a envoyé au secteur privé ainsi qu'aux différents syndicats, les décisions annoncés dernièrement par le gouvernement ont encore amplifié les incertitudes. Il s'agit notamment de la révision déjà actée en conseil des ministres le 6 septembre dernier, de la loi sur la monnaie et le crédit qui devrait désormais permettre au pays de faire tourner à pleins régimes la planche à billets.

Ahmed Ouyahia a justifié le recours à cette mesure qui suscite l'inquiétude des algériens par le fait qu'elle permettra à l'Algérie de « garder sa souveraineté économique » alors que l'autre voie, celle du recours à l'endettement extérieur massif, risque de faire revivre le pays « d'anciennes expériences douloureuses ». Une référence au Programme d'ajustement structurel (PAS) mis en œuvre dans le milieu des années 90 et qui s'est traduite par une crise sévère crise d'austérité et des mesures antisociales imposées par les créanciers du pays notamment le FMI et dont le chef d'orchestre n'était autour qu'Ahmed Ouyahia.

Cette fois, c'est à une autre solution que va faire appel le gouvernement. « Face à cette crise financière importée de l'extérieur, le gouvernement a décidé de recourir au financement non conventionnel interne comme l'ont fait d'autres pays, développés, à la suite de la crise financière mondiale il y a quelques années » s'est justifié Ahmed Ouyahia.

La planche à billets va tourner à plein régime

La planche à billets plutôt que le recours à l'endettement comme solution de sortie de crise. Selon les détails dévoilées par le chef du gouvernement,  elle sera mise en œuvre à titre exceptionnel, pour une période transitoire de 5 années, et permettra au Trésor d'emprunter directement auprès de la Banque d'Algérie, pour faire face au déficit budgétaire, convertir certaine de ces dettes contractées auprès de Banques ou d'entreprises publiques, et alimenter le Fonds national de l'investissement. En parallèle, a poursuivi Ouyahia, « l'Etat poursuivra la mise en œuvre de sa feuille de route pour la rationalisation des dépenses publiques en vue de la restauration de l'équilibre budgétaire dans un délai de cinq années ». De l'avis du chef du gouvernement, « conduites ensemble, ces deux démarches écarteront le risque de toute dérive inflationniste ».

Selon les explications du chef du gouvernement, un véritable cours universitaire d'économie l'instant d'un discours, ces emprunts non conventionnels auprès de la Banque d'Algérie  permettront, en plus de leur impact positif direct sur le citoyen et les entreprises locales,  à « l'Etat de continuer de fonctionner normalement sans devoir imposer aux citoyens de nombreux impôts nouveaux ».

Continuité dans la recherche d'un nouveau modèle de croissance

L'Algérie a certes changé de premier ministre trois fois depuis la dernière réélection de Bouteflika en avril 2014 mais le plan d'action du gouvernement que vient de présenter Ahmed Ouyahia s'inscrit dans la droite ligne des engagements du président. Pas de rupture en vue ni aucun changement majeure en dépit des nouveaux défis car selon le chef du gouvernement algérien, c'est la crise financière qui est venu contrarier la mise en œuvre de ce programme assez ambitieux mais dont les algériens attendent encore l'impact au regard de l'ampleur des revendications sociales et de la situation économique que traverse le pays.

« Certes, la mise en œuvre de ce programme présidentiel s'est retrouvée contrariée par la chute drastique des prix des hydrocarbures sur le marché international, et conséquemment un recul de plus de 50% au niveau des revenus extérieurs du pays ainsi que des recettes fiscales de l'Etat. Cependant, cette crise financière  n'a guère entamé la détermination du pays à continuer d'aller de l'avant sur la voie du développement économique et social, comme le confirme le nouveau modèle de croissance, adopté l'année dernière par le conseil des ministres »

Le « Nouveau Modèle de Croissance » auquel se réfère le chef du gouvernement vise à permettre, à travers des réformes structurelles, une trajectoire soutenue de croissance, le doublement de la part de l'industrie manufacturière, la modernisation du secteur agricole ainsi qu'à entamé une transition énergétique et la diversification des exportations. Le nouveau modèle devrait être mis en œuvre à travers une démarche étalée sur plusieurs années avec une période de décollage (2016 à 2019),  celle de la transition (2020 à 2025) et celle de la stabilisation (2026 à 2030).

La présentation du plan d'action du gouvernement qui a été récemment en conseil des ministres sera suivie par un débat général qui se poursuivra au sein du Parlement réunie en séance plénière mardi prochain avant que Ouyahia ne revienne jeudi donner ses réponses. Le plan d'action s'articule autour de plusieurs axes parmi lesquels la consolidation de la démocratie, la préservation des acquis sociaux et la promotion d'une économie diversifiée libérée de la dépendance aux hydrocarbures, préservation de la sécurité, la stabilité et l'unité du pays et la poursuite d'une diplomatie dynamique.

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Commentaires 3
à écrit le 20/09/2017 à 2:26
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Le Maroc a bien meilleur réputation que l'Algérie et aucun marocain ne veut d'une république bananière algérienne, 71 pour 100 des français ont une bonne image du Maroc contre 53 pour 100 pour la Tunisie et 26 pour 100 pour l'Algérie, Le Canada ...

à écrit le 19/09/2017 à 9:20
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LL'Algérie compte depuis toujours sur la rente du pétrole . C'est une erreur monumentale pour les politiques qui se sont succédés à la haute magistrature. Le pays est aux abois et la planche à billet provoque aussi le déstabilisation de l'économie du...

à écrit le 18/09/2017 à 20:35
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C'est parti pour une bonne inflation qui relancera peut-etre l'activité et certainement la hausse des prix .A mon avis avec une reprise mondiale de l'économie le prix du baril devrait remonter.........une chance pour l'Algérie

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