Monnaie unique / CEDEAO : un nouveau report décrédibilisera-t-il le projet ?

En visite chez le président nigérien Mahmadou Issoufou également coordonnateur de la coopération monétaire au sein de la CEDEAO, le président de la commission de la CEDEAO, Marcel de Souza, est revenu sur le projet de création d’une monnaie unique, assurant que celui-ci n’est pas réalisable à l’horizon 2020, comme initialement planifié. En cause, la situation économique de certains pays de la sous-région. Un énième report potentiellement préjudiciable pour la crédibilité du projet ?
Ristel Tchounand

« On ne peut plus aller à la monnaie unique en 2020 », a martelé Marcel de Souza, président de la commission de la Communauté économique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) au sortir de sa rencontre ce lundi 14 août à Niamey (Niger) avec le président Mahmadou Issoufou également coordonnateur de la coopération monétaire au sein de la CEDEAO.  Ayant cette charge depuis 2013, le locataire du Palais présidentiel de Niamey a également pour responsabilité d'accompagner la création d'une monnaie unique propre à tout l'espace communautaire en 2020, conformément à la feuille de route adoptée par l'organisation communautaire.

Cependant, estime, Marcel de Souza :

« L'analyse des critères de convergence et de stabilité montre que c'est un pari qui ne pourra pas être tenu, surtout dans la précipitation ».

Pour soutenir sa thèse, le patron de la commission de la CEDEAO évoque plusieurs contraintes dont les plus importantes concernent la situation économique de deux pays à l'impact majeur sur toute la sous-région. D'abord le Nigéria qui est entré dans une récession sans précédent en 2016 avec un taux d'inflation de 18% à fin décembre, ainsi que le Ghana qui présente, à son tour, un taux d'inflation moindre mais tout aussi grave de 15%. Or, face à ces deux économies, appuie cet expert des questions monétaires dans la sous-région, « les 8 pays de l'UEMOA réunis et même en bonne santé économique, ne représentent, en termes de PIB, qu'un peu au-dessus de 10% ».

Quid de la crédibilité du projet

En soi, les déclarations du président de la commission de CEDEAO ne sont pas une surprise. Ce n'est qu'une confirmation ou plutôt une affirmation plus stricte de ce qu'il avançait encore récemment avec précaution. « La monnaie, nous allons la créer, mais ce serait un échec assuré que de se précipiter. Prenons notre temps pour parvenir à la convergence de nos économies et à la stabilité » déclarait-il en juillet dernier. Un mois plutôt à l'ouverture de la 78ème session ordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO à Monrovia (Libéria), il assurait que le projet n'est réalisable que d'ici « 5 ou 10 ans ».

Cela fait 17 ans que les autorités ouest-africaines entendent accélérer le processus d'intégration monétaire sous-régionale avec, à la clé, la création d'une monnaie unique baptisée « Eco ». Celle-ci a pour vocation de remplacer le Fcfa et les monnaies des autres pays non soumis à l'héritage français. Mais depuis lors, le projet a déjà subi quatre reports. D'abord en 2003, puis en 2005 et 2009, avant que l'échéance de janvier 2015 ne soit à son tour annulée, pour laisser place aux nouveaux objectifs de 2020. Dans une étude intitulée « Pourquoi et quand instaurer une monnaie unique dans la CEDEAO ? » et réalisée en 2016, Ferdinand Bakoup et Daniel Ndoye, économistes à la BAD, appelaient à « réduire les risques d'un nouveau report, qui serait susceptible d'affecter la crédibilité de ce projet important ».

L'annulation du projet à l'horizon 2015 déjà avait fait débat. Et aujourd'hui, le nouveau rétropédalage de la CEDEAO est vraisemblablement sans surprise pour ceux qui suivent le dossier de prêt. En mai dernier dans une tribune publiée sur La Tribune Afrique, l'avocat financier d'origine togolaise, Tido Adokou, estimait qu'outre les réalités économiques des grands pays de la sous-région, la faible proportion des échanges intracommunautaires -qui n'a pas évolué depuis 17 ans- compromettait la pérennité d'un tel projet monétaire.

Désormais, les projecteurs restent braqués sur la CEDEAO pour voir ce qu'il adviendra de cette monnaie unique tant désirée qui en a fait rêver plus d'un parmi les anti-Fcfa.

Ristel Tchounand

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