Sommet France-Afrique  : l'économie, pour rattraper le temps perdu...

Afin de regagner ses parts de marchés en Afrique, la France s'efforce désormais de développer les échanges commerciaux. Une stratégie qui pourrait bien fonctionner, à condition que les opérateurs français réussissent à se départir de leur perception souvent excessive d'un « continent à risques ». Et si le Sommet France-Afrique de Bamako était plus économique que politique ?

C'est un signe, peut-être, du changement de paradigme qui est en train de s'opérer dans les relations entre la France et l'Afrique. Alors que traditionnellement, le sommet est plus porté par des questions politiques, le rendez-vous de Bamako fera une place de choix à l'économie et à l'emploi des jeunes.

« Le sommet Afrique-France de Bamako est d'abord un sommet politique, mais nous allons aussi en faire un sommet économique » n'a pas manqué de rappeler, il y a quelques semaines, le président du Medef, Pierre Gattaz, à l'occasion d'une conférence de presse organisée à Paris sur la participation du patronat français au Sommet.

Ces derniers temps, les rencontres ainsi que les initiatives ne manquent pas, afin de permettre à la France de rattraper le temps perdu sur le marché africain. Ce n'est pas trop tôt, car depuis quelques années, la part de l'Afrique, notamment subsaharienne, dans les échanges français n'a cessé de s'effriter alors que le volume des flux était déjà jugé assez faible, au vu de l'histoire qui lie les deux parties depuis des décennies. Entre 2005 et 2015, la part des pays africains dans le total des exportations françaises a certes progressé de 2,3 % à 2,7 % et est restée stable à 1,9 % pour ce qui est des importations, mais de l'avis même du Trésor français, ces parts ont été divisées par deux en dix ans au profit des grands pays émergents et principalement de la Chine.

Un partenariat pour l'avenir

Ainsi, alors que la part de marché détenue par la France a diminué, de 7 % en 2005 à 4 % en 2015, celle de la Chine augmentait de 8 % à près de 22 % sur la même période. Selon les mêmes données, actualisées à fin avril dernier, la France a perdu sa place de premier fournisseur de l'ensemble des pays de la Zone franc dès 2008 même si selon les douanes, le nombre d'entreprises exportatrices vers l'Afrique est proche de 40 000, ce qui fait de ce continent la deuxième zone après l'Europe pour le nombre d'exportateurs français. Alors que le Continent continue d'attiser toutes les convoitises, la France tente de revenir avec une nouvelle approche, contextualisée par le fameux rapport « Un partenariat pour l'avenir », réalisé en 2013 par des personnalités du monde des affaires afro-français, sur commande du ministère français de l'Économie et des finances. Le rapport est assorti de quinze propositions destinées à promouvoir « une nouvelle dynamique économique entre l'Afrique et la France, qui s'ancre dans un changement de perception et d'attitude de la France à l'égard de l'Afrique, des Africains et des Franco-Africains ».

Pour ce faire, le nouveau partenariat devrait s'appuyer sur la promotion d'intérêts économiques réciproques, tout en veillant à ce que la France prenne « la mesure de l'émergence économique et sociale de l'Afrique, qui sera l'un des pôles majeurs de la mondialisation du xxie siècle ».

Les atouts français

Les arguments qui plaident pour renforcer la présence sur le continent d'hommes d'affaires venus de partout ne manquent pas, et tiennent tous à la dynamique de croissance que connaissent les pays africains. La seule problématique, c'est la manière, à l'heure où la concurrence devient de plus en plus rude et le marché assez étroit au vu de la présence intensive d'autres prétendants qui ne manquent pas également d'arguments, et qui s'intègrent au marché africain avec plus de succès. Certes, les opérateurs français ne manquent pas, eux non plus, d'appétit pour le continent, devenu la nouvelle frontière de la croissance et de l'expansion, selon plusieurs analyses concordantes.

« Nous cherchons une approche durable qui sera fondée sur le long terme, à travers la création d'emplois », souligne Pierre Gattaz.

Une stratégie encore bien vague commence cependant à se profiler à travers la multiplication des partenariats et des financements, mais aussi des rencontres entre hommes d'affaires des deux bords. Aujourd'hui, et en dépit de la conjoncture, l'appétit des investisseurs français pour Continent ne se dément pas, comme le montre la dernière étude du Cabinet Bearing Point sur le développement international du Maroc et de la France en Afrique. Les deux pays ont en effet noué un partenariat stratégique pour renforcer leur présence sur le Continent en misant sur une coopération triangulaire, et selon les résultats de l'étude, 54 % des opérateurs français sondés projettent que leur chiffre d'affaires africain sur les cinq prochaines années se situera entre 20 % et 50 %, et 19 % d'entre eux affirment même qu'il sera supérieur à 50 %.

Les auteurs de l'étude rappellent que la France dispose de nombreux atouts, notamment la longue présence des entreprises françaises sur le continent. Ce qui n'empêche pas ces derniers de nouer des relations avec des concurrents (cas de la Chine) pour conquérir de nouvelles parts en Afrique. Il s'agit là d'une manière pour les opérateurs de se débarrasser du carcan colonial, mais à lui seul, cet argument ne saurait suffire.

Relativiser le « risque africain »

Avec la réorientation stratégique des interventions de certains organismes publics comme l'AFD (Agence française du développement ou sa filiale Proparco dédiée au privé, la France est certes en train de revenir sur un continent qu'elle n'a jamais quitté, comme en témoigne la présence de ses grandes firmes dans plusieurs pays (Total, Areva, Havas, Engie, Bolloré...). Mais le frein qui empêche encore la France de tirer pleinement son épingle du jeu reste la perception de ce qu'on appelle « le risque africain » qui a bien évolué mais reste surévalué, retenant certains opérateurs de sauter le pas. Et c'est là où tout se joue et se jouera encore.

En misant sur la croissance partagée et surtout la création de l'emploi, la France peut reconquérir, à moyen et long terme, sa place d'autrefois, car la rude concurrence donne désormais aux pays africains la possibilité de jouer sur les sensibilités, tandis que la France entend se débarrasser de certaines vielles postures, comme de voir en Afrique qu'un marché de matières premières ou, plus récemment, un marché de consommateurs... Pour ce faire, la France aura besoin là aussi de revoir son approche en considérant les opérateurs africains comme de vrais partenaires avec lesquels traiter d'égal à égal. Du business, pour tout dire...

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Commentaire 1
à écrit le 16/01/2017 à 12:43
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Que la crise du pétrole bon marché a du bon... cela rabats les cartes, nos amis chinois sont plus là dès qu'il s'agit de solidarité et contribution (à fond perdu, on est en Afrique n'oublions pas, ici on ne se rembourse pas, c'est cadeau)... les euro...

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