La Côte d’Ivoire à la reconquête de son leadership

Arrivé au pouvoir en 2010 sur fond de crise sociopolitique, Alassane Dramane Ouattara avait, en tant que président de la République, la lourde tâche de ramener la Côte d’Ivoire à son niveau initial, c’est-à-dire l’une des puissances économiques de la sous-région ouest-africaine. Une tâche pas du tout aisée dans un contexte d’après-guerre civile, où toutes les conditions n’étaient pas forcément réunies pour un bond en avant.

Abidjan, le 2 décembre 2010. Alassane Dramane Ouattara est proclamé vainqueur des élections présidentielles. Six mois plus tard, il est investi Président de la République de Côte d'Ivoire. Mais celui qui a été pendant longtemps un homme de main du regretté Félix Houphouët Boigny hérite d'un pays accusant une grosse perte de vitesse économique, en raison non seulement de l'instabilité sociopolitique qui perdure depuis près d'une décennie et de la contestation qui entoure son élection face au président sortant Laurent Gbagbo : embargo sur le cacao ivoirien (qui représente 22% du PIB, plus de 50% des recettes d'exportation et deux tiers des emplois et des revenus de la population ivoirienne), grève des producteurs...

De plus, la fermeture en février 2011 de la Bourse régionale des valeurs mobilières d'Abidjan après une intrusion des forces militaires dans ses bureaux de Bamako provoque une pénurie de monnaie. De même, la pénurie de pétrole, de viande, d'huile, de sucre, de gaz, de médicaments, sur fond de crise post-électorale n'a pas tardé à asphyxier l'économie de la Côte d'Ivoire. Ce que Charles Koffi Diby, ministre de l'Economie entre 2007 et 2012, a reconnu devant les médias à l'époque :

 « La crise post-électorale qui a frappé notre pays a eu de lourdes conséquences sur les perspectives économiques que nous avions. La dette intérieure comme extérieure s'est vue explosée, le taux de croissance a ralenti, le PIB a chuté tout comme le PNB. Il fallait être à la taille pour relever le défi ».

De grandes décisions pour relever la tête

Une fois au pouvoir, Alassane Dramane Ouattara a pris des décisions qui dans un bref délai ont commencé à porter des fruits. En effet, après quelque année à la tête de l'Etat ivoirien et ce en dépit de la mauvaise conjoncture qui prévaut à travers la planète, les taux de croissance sont impressionnants : 10,7 % en 2012, 9,2 % en 2013, 9 % en 2014, 8,4 % en 2015, selon les données officielles. Le PIB par habitant a, quant à lui, augmenté de plus de 20% en trois ans. L'économie ivoirienne a connu ainsi de véritable progrès depuis l'arrivée au pouvoir d'Alassane Ouattara.

Pour expliquer ce succès le ministre de l'économie de la période pré et postélectorale, Charles Koffi Diby ne tergiverse pas. D'après lui, le programme d'Assistance d'Urgence Post Conflit en a été le moteur. Mis en œuvre par le gouvernement, cet ensemble de réformes a permis d'améliorer la transparence et la gouvernance dans la gestion des finances publiques, ainsi que des principaux secteurs et filières de l'économie. Cela a notamment consisté en « la normalisation de la gestion budgétaire, l'adoption d'un plan de réforme des finances publiques, l'information régulière du Gouvernement et des populations sur l'exécution du budget, les flux physiques et financiers du secteur de l'énergie et la collecte et l'utilisation de la parafiscalité sur la filière café cacao. Mais aussi la mise en œuvre d'audits d'entreprises publiques importantes, le démarrage de la réforme de la filière café cacao... qui ont permis à la côte d'Ivoire de retrouver une santé financière ».

La filière café-cacao, le secteur clé des réformes

Comme beaucoup de ses prédécesseurs, Alassane Dramane Ouattara a vite compris l'importance du cacao et du café. « Nous avons procédé à une réforme approfondie des filières agricoles, en particulier celle du cacao », explique le chef de l'Etat ivoirien dans un entretien avec le média français Challenge. D'après lui, cela « a permis aux producteurs de percevoir une bien meilleure compensation pour le fruit de leur travail ». « Ainsi nous avons décidé qu'ils toucheraient au moins 60% du prix sur les marchés internationaux, contre 40% auparavant », a ajouté le président de la République.

Il faut reconnaître que l'économie ivoirienne doit beaucoup à la production du cacao qui représente 22% de son PIB, plus de 50% de ses recettes d'exportation et deux tiers des emplois et des revenus de la population ivoirienne. Et la « réforme Ouattara » (nom de baptême des médias locaux pour désigner celle qui a relancé le pays) concernait justement la filière café-cacao. L'objectif pour le gouvernement était d'augmenter rapidement la production et le rendement des plantations. La réforme permettait, face à la concurrence ghanéenne, d'encourager l'utilisation de semences sélectionnées et de produits phytosanitaires homologués, de lutter contre les maladies qui détruisent la production comme le Swollen shoot (maladie du gonflement des rameaux), de faciliter l'accessibilité et la disponibilité des engrais et ensuite de pousser les nouveaux et anciens producteurs découragés à cultiver le cacao plutôt que d'autres plantes.

La réforme permettait aussi un suivi et un contrôle effectués par une police technique, pour lutter contre le non-respect des itinéraires techniques de la récolte cacaoyère affectant la qualité du produit. « Ces réformes nous ont permis tout de même d'atteindre le point d'achèvement de l'initiative PPTE et d'alléger sensiblement la dette extérieure de l'État ivoirien », s'en réjouit le ministre de l'Agriculture Sangafowa Coulibaly.

Economiste de formation, le président ivoirien savait bien sur quels leviers foncer pour avoir de bons résultats. Dans la foulée l'agriculture a été professionnalisée grâce à des réformes qui permettaient d'améliorer sa représentativité, d'assainir le mouvement des coopératives agricoles, de créer une interprofession par la filière, et d'opérer une refonte de la Chambre d'agriculture. Pour couronner le tout, « le gouvernement a exécuté de façon plus stricte le code foncier rural pour lutter contre les conflits fonciers. Ils ont ainsi renforcé le cadre institutionnel, géré les coûts et aussi encouragé l'investissement agricole. L'État ivoirien a investi 1 000 milliards de francs CFA répartis sur cinq ans pour moderniser l'outil de production et relancer le secteur », a pu constater Michel Adjassehoun, un journaliste de Aube Nouvelle à Abidjan.

Avec ces progrès économiques, la Côte d'Ivoire a pu regagner la confiance des institutions financières internationales. Dans la foulée, la Banque africaine de développement a rétabli son siège à Abidjan en 2014, après une désertion de 11 ans, alors que l'Organisation internationale pour le cacao y a élu domicile début 2016. Des signes que le pays a retrouvé son niveau d'antan.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 15/10/2016 à 19:45
Signaler
Bravo! Président Ouattara. Vous avez démontré au monde entier votre talent d'économiste émérite. Si au plan économique votre bilan est incontestablement positif, reste le volet éducation et infrastructures routières où il y'a du travail encore à fair...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.