Croissance : vers deux années rudes pour le continent à l’exception des pays touristiques

Le continent africain devrait globalement connaitre un repli de sa croissance cette année à 4,1% et observer le statu quo l’an prochain, en raison de la persistance de la pandémie de Covid-19 et des effets collatéraux de la guerre en Ukraine, selon les perspectives économiques de la BAD. Cependant l’Afrique centrale et les pays touristiques pourraient tirer leur épingle du jeu.
(Crédits : BAD)

Le tableau est plutôt globalement sombre, celui dressé par le rapport sur les perspectives économiques en Afrique de la Banque africaine de développement (BAD) dévoilé, mercredi 25 mai, aux Assemblées annuelles d'Accra, lors d'une cérémonie présidée par Akinwumi Adesina. Après un rebond important estimé à 6,9% en 2021, contre la récession de 1,6% l'année précédente, la croissance du PIB africain devrait se replier à 4,1% en 2022 et stagner en 2023. En cause, les effets persistants de la pandémie de Covid-19 et les dommages collatéraux de la guerre qui oppose l'Ukraine à la Russie. Kevin Urama, économiste en chef par intérim et vice-président de la Banque, le concède : « les fondamentaux économiques sont bons pour un grand nombre de pays, mais les efforts restent importants ».

Des « efforts importants » pour ne pas couler dans l'ensemble et pouvoir faire face aux différents risques auxquels les économies africaines sont exposées dans le contexte mondial actuel. D'ailleurs placé sous le même thème que cette grande messe du financement du développement à savoir « Favoriser la résilience climatique et une transition énergétique juste en Afrique », le rapport insiste sur la mobilisation du financement de 432 milliards de dollars supplémentaires nécessaire au continent pour s'adapter, tout en continuant de se développer.

L'espoir en Afrique centrale, la décélération en Afrique du Nord

Au niveau régional, les couleurs du tableau sont nuancées. L'Afrique centrale devrait se démarquer de la tendance globale, en réalisant un bon de sa croissance passant de 3,4% en 2021 à 4,2% en 2022, indique le rapport. Des estimations fondées sur le profit que pourrait tirer ces pays de l'augmentation du commerce des produits pétroliers et non pétroliers. Dans le détail, les experts estiment que le Cameroun -économie importante et diversifiée de la région- pourrait faire de meilleurs résultats, si le pays parvient à augmenter sa production de pétrole pour tirer parti du déficit mondial causé par la guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie. La République démocratique du Congo (RDC), quant à elle, attire davantage les projecteurs avec une accélération prévue de sa croissance à 6,2% en 2022 et 2023, contre 5,7% l'an dernier. Le plus grand pays francophone au monde devrait capitaliser sur la hausse des prix du cuivre et du cobalt ainsi que le dynamisme des investissements dans son secteur minier.

« Star » de la croissance du PIB au sens régional l'année dernière, l'Afrique du Nord devrait considérablement dégringoler passant de 11,7% à 4,5%, sous le coup des effets de base, selon le rapport. Alors que l'Egypte pourra compter sur l'amélioration des échanges commerciaux avec l'Union européenne (UE) pour une croissance au-dessus de 5% sur les deux ans, le Maroc devrait sillonner autour de 1,8% sous le coup des tendances inflationnistes des marchés des matières premières et ce, « malgré la reprise des exportations et le retour partial des touristes », pour emprunter les termes des experts de la BAD.

L'Afrique de l'Ouest, pour sa part, devrait voir sa croissance globalement gelée avec un fléchissement conséquent du Mali (2,1%) en 2022, dû aux sanctions de la CEDEAO et de l'UEMOA. Mais le rebond pourrait être au rendez-vous en 2023, en cas de levée de ces sanctions.

Les pays touristiques, ces exceptions de la croissance africaine

Suivant le raisonnement de la structure économique, les pays dépendants du tourisme devraient tirer leur épingle du jeu avec un rebond de leur croissance globale à 5,6% en 2022, contre 4,4%% l'année dernière. Sur ce palier, les Seychelles (5% et 5,9% en 2022 et 2023), le Cap-Vert (5,1% et 5,7%) et l'île Maurice (5,9% sur les deux ans) sont présentés comme des locomotives. « Le principal facteur de croissance de ce groupe a été l'assouplissement des restrictions imposées aux touristes », expliquent les auteurs de l'étude.  « Ces pays, poursuivent-ils, enregistrent les taux de personnes entièrement vaccinées parmi les plus élevés du continent, ce qui réduit les craintes de transmission et améliore la sécurité des voyageurs internationaux. Ces facteurs, combinés à des taux de vaccination élevés des marchés sources, continueront de soutenir la croissance en 2022 ».

Dans certains pays à faible intensité de ressources comme le Bénin (6,1% et 6,4% sur les deux ans) ou le Rwanda (6,9% et 7,9%), la dynamique économique pourrait être soutenue par l'augmentation de la production industrielle et agricole, l'investissement public dans les projets d'infrastructures, le commerce interrégional ou encore la croissance du tourisme. On sait notamment que le gouvernement rwandais déploie une stratégie très offensive pour renforcer l'attractivité de la destination.

La nécessaire transformation structurelle face aux enjeux climatiques

La transformation structurelle des économies africaines fait l'objet d'alertes depuis plusieurs années, tellement elles sont vulnérables aux chocs. Et pour les experts de la BAD, les réalités environnementales de la planète imposent un changement de paradigme. D'autant que même si les pays touristiques semblent mieux lotis que les autres actuellement en raison de la reprise des voyages internationaux, le fait que la pandémie les ait économiquement « écrasées » en 2020 prouve à suffisance la nécessité de ne plus s'appuyer sur un seul secteur pour faire fonctionner l'économie. Les pays pétroliers l'ont également appris à leurs dépens lors des différentes crises qui ont frappé les marchés.

« La résilience et la vulnérabilité sont liés à la structure économique. Si la guerre russo-ukrainienne persiste, la situation pourrait s'envenimer pour plusieurs pays », a déclaré Kevin Urama, estimant qu'il est urgent que le continent africain, plus faible émetteur de gaz à effet de serre au monde mais lourdement impacté, ait conséquemment accès aux financements, afin d'honorer leurs engagements à participer à l'action collective visant à atteindre le zéro carbone.

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