Alors qu'elles s'attendaient à encaisser le chèque, les autorités de Freetown ont manqué de s'étrangler. Presque au moment de passer à la caisse, le Fonds monétaire international (FMI) a brusquement décidé mercredi dernier de retarder le versement d'une enveloppe de 224,2 millions de dollars accordés en juin dernier en appui aux politiques publiques de lutte contre l'inflation et l'augmentation des recettes de l'État.
Un chèque de 224 millions bloqué pour l'un des pays les plus pauvres du monde
Pour l'institution basée à Washington, la suspension est motivée par des «perspectives de recettes budgétaires faibles, où les mesures qui devaient être prises dans le cadre du programme pour augmenter les recettes n'ont pas abouti». Ces mesures effrayantes ont poussé les autorités de l'institution présidée par Christine Lagarde à réfléchir à des «mesures correctives appropriées» pour cette enveloppe à décaisser sur cinq ans. Et pourtant, en dépit des dénégations du gouvernement sierra-léonais qui les qualifient de «normales», les relations entre le FMI et Freetown, déjà tendues, sont devenues ombrageuses.
Citant un câble diplomatique américain, nos confrères d'Africa Confidential (basée à Londres) révèlent que les véritables motivations derrière ce retard de versement se trouvent dans le manque de volonté du gouvernement à acter le flottement du prix des carburants et la taxation sur le prix des voitures de luxe et du ...riz. A la perspective de la présidentielle du 7 mars prochain, prendre des mesures aussi impopulaires provoquerait à coup sûr le naufrage politique du All People Congress, le parti du président Ernest Bai Koroma.
Une taxe sur le riz, la première céréale de base pour l'alimentation, pourrait déclencher des émeutes dans le pays, ce qui laisserait une tache dans le bilan des deux quinquennats de Koroma et déteindre sur son parti. Dans les rangs du parti au pouvoir comme au sein de l'establishment politique, on planche pour remettre cette question de mesures après la présidentielle. Un cadeau empoisonné pour le nouveau locataire de la State House de Freetown.
Une patate chaude entre les mains du prochain président
Lors d'une présidentielle qui souffle sur des braises ethniques, personne ne peut prédire avec exactitude ce qui va se passer dans l'un des pays les plus pauvres du monde, à peine stable après la décennie de guerre civile (1991-2002). La perspective de voir le pays entrer dans une nouvelle phase d'incertitude est la principale raison de ce blocage.
L'économie de la Sierra-Leone, principalement tirée par les industries extractives (diamant, minerais), à peine repartie, a été plombée par l'épisode d'Ebola et la chute des cours des matières premières. La coulée de boue meurtrière d'août 2017 à Freetown a montré la fragilité sociale du pays et l'impréparation de l'Etat face aux catastrophes. Le FMI y a peut-être puisé ses arguments pour bloquer le décaissement du chèque de 224 millions de dollars, mais la vraie raison se trouve peut-être dans les risques politiques que fait peser sur le pays l'élection présidentielle.
Pour tasser leurs différends, le gouvernement Koroma annonce d'ores et déjà que les points de désaccords seront rediscutés en mai prochain lors de la visite de la mission du FMI à Freetown, soit après la présidentielle. La nouvelle mandature risque fortement de se retrouver avec une patate chaude de plus entre les mains.
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