Bitcoin / Maroc : prudente, la Banque centrale mène des consultations avec le FMI

La Banque centrale marocaine a maintenu son taux directeur à 2,25% à l’issue de la dernière réunion trimestrielle de l’année de son Conseil, qui s'est tenue le 19 décembre. Malgré quelques vents favorables pour la croissance et une inflation toujours maîtrisée, Bank Al Maghreb (BAM) poursuit donc sa politique prudente estimant ce taux approprié au regard des évolutions récentes de la conjoncture économique ainsi que les projections macroéconomiques pour les deux prochaines années. Au passage, le gouverneur de la banque a profité de cette session de clôture de l’année pour aborder d'autres chantiers comme la loi sur le «crowdfunding» ou encore le Bitcoin.
Christine Lagarde, DG du FMI, s'entretient avec Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale du Maroc, lors d'une conférence à Rabat le 9 mai 2014.

C'était presque prévisible tant Bank Al-Maghrib (BAM), la banque centrale marocaine, s'est forgée la réputation de s'accommoder avec une approche des plus prudentes en matière de politique monétaire et particulièrement pour ce qui est de la maîtrise de l'inflation. A l'issue de sa dernière réunion trimestrielle de l'année en cours, qui s'est tenu ce mardi 19 décembre à Rabat, le Conseil de la banque a sans surprise maintenu le taux directeur à 2,25%, un niveau donc inchangé sur toute l'année.

« La projection de l'évolution de l'inflation sur les deux prochaines années reste modérée » a justifié le Wali (gouverneur) de la BAM, Abdelatif Jouahri, lors de la conférence de presse qu'il à animé à l'issue du Conseil.  Pour BAM, dont la maîtrise de l'inflation est la première des missions, c'est la principale raison qui a justifié le maintien du taux directeur à son niveau actuel. « Le conseil de la Banque a jugé que le niveau actuel de 2,25% du taux directeur reste approprié et a décidé de le maintenir inchangé » a poursuivit Jouahri soulignant par ailleurs que cette estimation a aussi tenu compte de « l'évolution récente de la conjoncture économique et des projections macroéconomiques à moyen terme ».

Dans les détails, le Conseil a noté que la tendance baissière de l'inflation au cours des premiers mois de l'année s'est inversée depuis le mois d'août, ce qui résulte  grande partie de l'atténuation du recul des prix des produits alimentaires à prix volatils. Toutefois, l'inflation devrait terminer l'année sur une moyenne de 0,7%, après 1,6% en 2016, et à moyen terme, « l'inflation augmenterait tout en restant à des niveaux modérés ». Selon les projections de la BAM, elle devrait s'établir  à 1,5% en 2018 et à 1,6% en 2019.

La croissance toujours guidée par le ciel

De manière générale, les différents indicateurs macroéconomiques actualisés au terme des derniers mois de l'année cadrent avec les projections établies par la Banque en début d'année. Ainsi, au niveau national, la croissance qui est portée par une bonne campagne agricole devrait ressortir pour l'ensemble de l'année à 4,1%, avec un rebond de 14,7% de la valeur ajoutée agricole, après un recul de 12,8% en 2016, et une amélioration de 2,2% à 2,7% pour celle des activités non agricoles.

Quoi-qu'à un rythme lent, ces dernières devraient poursuivre leur reprise à moyen terme, leur valeur ajoutée devant s'accroître de 3,4% en 2018 et de 3,6% en 2019 a également estimé la Banque. Ainsi, sous l'hypothèse de campagnes agricoles moyennes, la croissance globale ralentirait à 3% en 2018 avant de s'accélérer à 3,6% en 2019. Selon les chiffres actualisés, la banque a relevé quelques améliorations de la situation économiques par rapport à l'exercice précédent comme pour ce qui est du marché du travail même si le taux de chômage s'est légèrement accru de 10,4% à 10,6%.

Les exportations ont également connu une nette progression portée particulièrement par les ventes de phosphates et dérivés et des produits agricoles et agroalimentaires. En parallèle, les importations ont aussi connu une hausse engendrée par  une augmentation de la facture énergétique. Les recettes de voyage ainsi que les transferts des MRE se sont également améliorés et selon les prévisions de la banque, le déficit du compte courant devrait terminer l'année 2017 à 3,6% du PIB, au lieu de 4,4% en 2016, et les réserves de change devraient avoisiner l'équivalent de 5 mois et 24 jours d'importations.

« A moyen terme, la dynamique des exportations devrait se maintenir et le rythme des importations resterait proche de son niveau actuel » a anticipé la BAM qui table sur un maintien du déficit du compte courant à 3,6% du PIB en 2018 avant de s'atténuer à 3,3% en 2019. « Dans ces conditions, et sous l'hypothèse de la poursuite d'entrées d'IDE d'un montant annuel équivalent à 3,5% du PIB, l'encours des réserves de change se stabiliserait à un niveau équivalent à 5 mois et demi d'importations de biens et services » détaille le communiqué publié à cet effet et qui donne une vue d'ensemble de la situation économique du royaume ainsi que ses perspectives.

Conjoncture favorable

Par ailleurs, les conditions monétaires se sont certes assouplies mais certains sous-indicateurs augurent de bons présages. C'est le cas du crédit bancaire au secteur non financier qui continue de s'améliorer modérément, avec en particulier une légère reprise des prêts aux entreprises privées. Du coté, des finances publiques, l'exécution budgétaire se poursuit normalement avec une hausse des recettes et une relative limitation des dépenses avec notamment une hausse importante de 13,7% pour l'IS, tandis que la progression des dépenses et tenant compte de ces évolutions, le déficit budgétaire devrait se situer au terme de 2017 à 3,5% du PIB. Pour les deux prochaines années, BAM s'attend à ce que l'ajustement budgétaire se poursuive conformément aux objectifs du gouvernement, le déficit devant se situer autour de 3% du PIB.

Ces bons signes s'accompagnent également par une conjoncture favorable au niveau de l'économie mondiale qui continue de se raffermir dans les principaux pays avancés, notamment les principaux partenaires du Royaume alors que dans les principales économies émergentes, la croissance continuerait à se renforcer. En parallèle, les prix de matières premières resteront dans une fourchette modérés et la baisse des cours de phosphates et dérivées devrait s'atténuer grâce à l'augmentation des volumes conformément à la stratégie de l'OCP, l'un des leaders mondiaux du secteur.

Réformes de seconde génération

Lors de soin point de presse, le gouverneur de la BAM a passé en revue plusieurs dossiers chauds de l'actualité économique du pays ainsi que les perspectives pour les prochaines années. Sur le dossier polémique du passage à un régime de change flexible pour le dirham, Jouahri a maintenu ses précédentes déclarations estimant que la Banque a fait son travail technique et que la balle reste désormais dans le camp du gouvernement.

Cependant, il a estimé que cette réforme est nécessaire pour améliorer la compétitivité du Maroc d'autant plus que la conjoncture est favorable est de manière générale, Abdelatif Jouahri a plaidé pour la mise en œuvre des réformes « de seconde génération » afin d'accompagner la nouvelle dynamique de l'économie marocaine avec une ouverture à l'international ou son positionnement comme hub financier pour le continent ainsi que l'adhésion en vue à de nouveau ensembles économiques, faisant allusion au projet d'adhésion du Royaume à la CEDEAO.

Le Bitcoin suivi de près

Des chantiers que la Banque prépare dans le cadre de son prochain plan stratégique 2018-2021 avec plusieurs réformes en vue notamment de celle de la loi bancaire et celle du statut de la Banque qui va se traduire par une extension des prérogatives de la banque centrale à la surveillance de la stabilisation du système financier national. D'autres chantiers aussi comme la loi sur le financement participatif  «crowdfunding» sont également dans le pipe de la banque centrale marocaine tout comme celle des établissements financiers très attendu par les opérateurs télécoms qui veulent profiter de la niche.

Comme à son habitude, Abdelatif Jouahri n'a rien occulté des sujets même les plus brûlants, dévoilant même que la BAM a déjà entamé des consultations avec le FMI sur la question du Bitcoin qui mérite un encadrement international surtout au regard des risques qu'engendrent sa forte volatilité et la spéculation qui s'empare depuis quelques temps du marché de la crypto-monnaie.

BAM s'y prépare avec une cellule déjà mise en place pour anticiper sur le dossier d'autant que le prochain plan stratégique de la banque centrale va accorder sa priorité à la prise en compte du potentiel du digital et des nouvelles technologies dans le développement des marchés financiers et de l'économie mondiale. Il a en ce sens comparé le bitcoin aux jetons servit dans les casinos, à la différence qu'il s'agisse ici « d'un actif financier hautement spéculatif et donc risqué ».

Jouahri en économiste chevronné, considère qu'à l'heure actuelle le Bitcoin est tout sauf une monnaie comme l'atteste la définition économique de cette dernière selon la théorie économique et les textes en vigueur. « Le Bitcoin est plus un instrument de paiement qu'une monnaie », poursuit-il et sur les raisons de son interdiction au Maroc, il s'est abrité derrière les motivations avancées par l'Office des changes qui a, il y a quelques semaines, a mis fin à la polémique qui a émergé au Maroc où cette crypto-monnaie prend de plus en plus de l'ampleur dans certaine transactions.

On se rappelle que, alerté par la volatilité du cours de certaines crypto-monnaies, dont le Bitcoin, le régulateur des opérations de change au Maroc avait également avertit sur « le risque important pour les utilisateurs » d'autant plus que ces systèmes de paiement sont « occultes et non adossés à un organisme financier ». Pour le gendarme des changes, l'utilisation par certaines personnes physiques et morales de monnaies virtuelles dans la réalisation de leurs transactions financières, n'est pas conformes aux dispositions de la réglementation des changes qui stipulent que les transactions financières avec l'étranger doivent être effectuées via les intermédiaires agréés et avec les devises étrangères cotées par la Banque centrale. Cependant, à l'Office de change comme au niveau de la Banque centrale, on souligne « suivre avec intérêt »  l'évolution des monnaies virtuelles et le Maroc s'y prépare déjà en anticipant sur l'approche à suivre et en menant des concertations pour une régulation internationale afin de ne pas rater le coche.

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Commentaires 2
à écrit le 02/04/2018 à 13:56
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C’est une bonne idée ! Il faut vraiment que la Banque centrale et le FMI mènent une investigation sur le Bitcoin par rapport aux risques qu'engendrent sa forte volatilité et la spéculation qui se trouve sur le marché de la crypto-monnaie. Pour moi, ...

à écrit le 24/12/2017 à 11:43
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Bonjour, je suis Etudiant j'aime la politique monétaire de la Banque Mondiale

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