Afrique du Sud : S&P abaisse la note souveraine suite au coup de force de Zuma

L’instabilité politique qui a suivi le remaniement gouvernemental voulu par Jacob Zuma commence à inquiéter les observateurs économiques. En témoigne, la baisse de l’ensemble des notations à long termes de Standard & Poor’s qui concernent l’Afrique du Sud. Une perception négative qui touche également les indicateurs de croissance qui risquent d’être altérés par un repli des IDE et une rupture du dialogue sociale (notamment minier) instable de nature. Une note qui surprend l’administration Zuma qui s’attendait à un contre-choc parlementaire et non financier.

L'Afrique du Sud vient d'encaisser le premier retour de bâton suite au remaniement « choc » ordonné par le président Jacob Zuma, qui a évincé Parvin Gordhan du ministère des Finances. Un contre-choc qui a quand même surpris l'administration Zuma qui s'attendait à gérer une fronde parlementaire voire même à affronter une motion de censure. Ce sont donc les établissements financiers qui ont dégainé les premiers.

Baisse générale de la notation,

L'agence de notation Standard & Poor's (S&P) a en effet abaissé la note de la dette de l'Afrique du Sud de « BBB - » à « BB+ », soit en catégorie spéculative. Cette situation a également impacté le rating à long terme du rand qui est passé de « BBB » à « BBB- ». Une notation à la baisse justifiée par S&P par « le risque de dérapage de la situation budgétaire du pays, suite au limogeage de son ministre des finances ». L'agence de notation corrèle également la perte de valeur de 2% du rand face au dollars ou encore la chute des prix des obligations souveraines sud-africaines à l'éviction de Gordhan.

Cette correction négative de la note de l'Afrique du Sud est assortie d'une perspective « négative » de S&P, qui craint une augmentation du risque politique au cours de cet exercice.

« Les perspectives négatives reflètent notre point de vue selon lequel les risques politiques pourraient compromettre les résultats de la croissance budgétaire et économiques du pays », alertent les experts de S&P.

Une prévision qui a également poussé l'agence à abaisser la cote en devise à court terme de « A-3 » à « B ». En clair, S&P aborde de manière négative, la perspective de l'ensemble des notations à long termes d'Afrique du Sud.

Inquiétude sur la croissance

« Cette baisse reflète notre point de vue selon lequel les divisions du gouvernement dirigé par l'ANC et les changements dans le leadership exécutif, qu'il a suscité notamment dans les Finances met en péril la continuité des politiques économiques. Des facteurs qui n'augurent rien de bon pour la croissance économique et risquent d'impacter négativement les résultats fiscaux », soutiennent les experts de Standard & Poor's.

Cette notation négative reflète également l'inquiétude de S&P concernant l'apparition de passifs publics, particulièrement dans le secteur de l'énergie. Un cas de figure qui mettrait en péril la continuité des politiques publiques en la matière, conjuguée à des risques liés à la budgétisation selon la note de S&P. L'agence craint également une hausse de la pression sur les coûts des capitaux en Afrique du Sud. Ce remaniement pourrait également retarder les réformes structurelles, éroder la confiance des investisseurs dans le marché Sud-africain ou encore mettre à mal les négociations laborieuses entre le patronats (notamment minier) et les organisations syndicales.

Pour S&P, l'éviction de Gordhan pourrait retenir les décisions d'investissement qui pourraient impacter sur le taux de change et entraîner une hausse potentielle des taux d'intérêts. Ce qui pourrait faire grimper les garanties à 500 milliards de rands, soit 10% du PIB en 2017, selon les estimations de Standard & Poor's. Des garanties qui sont en grande partie dominées par le secteur de l'énergie, qui mobilise à lui seul une garantie publique de 150 milliards de dollars, soit 7 % du PIB en 2017.

Selon Euler Hermes, le leader mondial de l'assurance-crédit, la croissance sud-africaine ne devrait pas significativement accélérer cette année. Et pire encore, selon toujours la même source, cette croissance calculée à +1% cette année contre +0,3% en 2016, restera insuffisante pour sortir le pays de la voie de la stagnation. Déjà les rumeurs du limogeage du ministre des finances avait fait chuter la monnaie du pays. Le rand se négociait à 14 unités pour un dollar américain. Une dévalorisation qui va sans doute peser lourd sur la croissance économique de la deuxième puissance Africaine.

« Le contexte politique incertain pèse sur l'Afrique du Sud et empêche son économie de croître plus rapidement. Les blocages sont nombreux et le sous-investissement chronique dans les infrastructures entraine des coupures d'électricité récurrentes », explique Stéphane Colliac, économiste en charge de l'Afrique chez Euler Hermes.

Un très mauvais signal envoyé aux investisseurs

Une menace qui rappelle les événements du mois de janvier dernier. Alors qu'une dizaine de communes cumulaient plus de 500 millions d'euros de factures non payées, la compagnie nationale d'électricité sud-africaine, Eskom, avait été autorisée par la justice à couper l'approvisionnement de plusieurs villes. Une situation qui pourrait également nuire l'image du pays de l'arc en ciel et décourager les investisseurs puisque le risque d'une nouvelle dégradation de la notation souveraine à long terme par les agences de rating n'est pas à exclure.  Celles-ci la feraient basculer en deçà de BBB-, le dernier cran de l'investissement grade.

« Un tel signal n'est pas de nature à rassurer les marchés. On peut donc s'attendre à une nouvelle dépréciation du rand face au dollar (-46% depuis 2011), et à une hausse des taux d'intérêts à long terme. Cela engendrerait un regain d'inflation et pèserait sur la confiance des ménages. Cette dernière s'est déjà repliée de près de 25 points depuis 2011 et peine à rebondir. Une situation de nature à prolonger la stagnation sud-africaine », développe Stéphane Colliac. Et le pays a tout à perdre. Selon le classement du Crédit Suisse Global Investment Returns Yearbook 2017, paru ce mois de février, l'Afrique du Sud, parmi 23 pays développés au monde, a offert le plus de rendements à ses investisseurs.

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