Niger : malgré la forte contestation sociale, de nouvelles taxes seront introduites en 2019

Le gouvernement nigérien poursuit sa stratégie de mobilisation des ressources internes. Dans le cadre de la préparation de la loi des finances 2019, plusieurs nouveaux impôts et taxes seront introduits notamment une taxe sur les transactions financières ainsi que sur les appels internationaux entrants. De nouvelles mesures fiscales qui viennent s’ajouter à celles déjà mises en œuvre cette année et qui ont déclenché une vive contestation de la société civile.
Dans le cadre de la mobilisation des ressources internes engagée sous la houlette du ministre des Finances, Massaoudou Hassoumi, les transactions financières et les appels internationaux seront taxés dès 2019.
Dans le cadre de la mobilisation des ressources internes engagée sous la houlette du ministre des Finances, Massaoudou Hassoumi, les transactions financières et les appels internationaux seront taxés dès 2019. (Crédits : DR)

En ces temps de vaches maigres pour les caisses de l'Etat, le gouvernement nigérien n'entend point céder face à la pression de la société civile qui continue de descendre régulièrement dans le rue pour protester contre certaines mesures fiscales contenues dans la loi des finances 2018. Ainsi, pour le prochain exercice, de nouvelles impositions sont prévues dans le cadre du projet de loi des finances (PLF 2019), actuellement en cours de préparation. Le gouvernement envisage d'élargir encore un peu plus l'assiette fiscale avec la création de nouveaux impôts et taxes notamment un ajustement de l' impôt synthétique auquel seront désormais assujetties les micros et petites entreprises. Ce qui risque d'amplifier la contestation sociale comme c'est le cas cette année, au regard des répercussions que cet impôt va engendrer notamment sur certaines activités comme le petit commerce ou le secteur du transport.

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D'après le projet de loi, actuellement en phase de finalisation, est passible de cette nouvelle imposition, «toute personne physique ou morale qui exerce une activité entrant dans le champ d'application de l'impôt sur les bénéfices, et qui réalise un chiffre d'affaires annuel, toutes taxes comprises, inférieur à 100 millions de Fcfa». L'impôt synthétique va donc s'appliquer aux micro entreprises, c'est-à-dire celles réalisant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 30 millions Fcfa et les petites entreprises, qui réalisent un chiffre d'affaires annuel compris entre 30 millions et inférieur à 100 millions Fcfa.

Taxes sur les activités financières et les appels internationaux entrants

Dans la même lancée du gouvernement qui vise à élargir l'assiette fiscale, il est également prévu la création d'une nouvelle Taxe sur les activités financières (TAFI). Elle va s'appliquer, selon le projet de loi, «aux opérations qui se rattachent aux activités bancaires ou financières et d'une manière générale, au commerce des valeurs d'argent». Seront assujettis à cette TAFI : les banques et établissements financiers, les personnes physiques ou morales qui réalisent des opérations d'intermédiation financière, les agents de change, les changeurs, escompteurs et remiseurs. D'un taux de 18%, certaines opérations relatives à la BCEAO, au Trésor public ainsi qu'au mandat postal, entre autres, sont exclus de cette nouvelle taxe.

Le PLF 2019 prévoit également l'instauration, à partir de janvier 2019, d'une nouvelle Taxe sur la terminaison des appels internationaux entrants par les opérateurs de téléphonie mobile et fixe. Elle sera acquittée à raison de 88 francs par minute, sauf pour les opérateurs détenteurs de la 4G, pour lesquels le montant de la taxe est fixé à 50 Fcfa par minute. La création de cette nouvelle taxe, vient compenser les pertes engendrées par la suppression, l'année dernière, de la taxe sur la terminaison du trafic international entrant (TATTIE). La décision a été prise sous pression des opérateurs de téléphonie mobile qui la considérait comme une taxe confiscatoire, bien qu'elle ait rapporté à l'Etat nigérien une vingtaine de milliards de francs CFA en 2017. Les associations de la société civile continuent d'ailleurs de remettre en cause, «ces cadeaux fiscaux du gouvernement aux opérateurs télécoms», mais à l'époque, le ministre nigérien des Finances, Hassoumi Massaoudou, avait expliqué que la suppression de la TATTIE, par «un rétrécissement en volume et en valeur du rendement des appels internationaux», ainsi que «la perte tendancielle» des recettes fiscales générées par les compagnies de Télécoms qui menacent de bouder le pays. Des menaces explicitement reconnues par certains opérateurs notamment la filiale locale de l'opérateur français Orange dont le DG Afrique, Bruno Mettling , avait fait un intense lobbying auprès des autorités de Niamey.

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Avec l'instauration d'une nouvelle taxe sur les appels entrants, le gouvernement nigérien entend visiblement se rattraper même si certains consommateurs et investisseurs commencent déjà à douter de son efficacité. «En plus de rehausser les coûts des appels internationaux entrants, elle va grever la compétitivité du pays notamment pour les potentiels entrepreneurs qui envisagent d'installer des centres d'appel au Niger», a ainsi commenté un membre du Cercle des utilisateurs des télécoms au Niger, une association de protection des droits des consommateurs notamment les abonnés aux services de téléphonie mobile.

Cure d'austérité sur fond de contestation sociale

Les nouvelles mesures fiscales que le gouvernement compte intégrer dans le Code général des impôts (CGI), à partir du 1er janvier 2019, devront être prochainement adoptées en Conseil des ministres puis à l'Assemblée nationale qui ouvre sa session budgétaire en octobre prochain. Cependant, comme en 2018 et malgré la contestation, le régime de Mahamadou Issoufou peut compter sur sa large majorité au Parlement pour faire passer la pilule que certains trouvent «trop amère».

Avec ces nouvelles mesures, il faudrait toutefois s'attendre à une amplification de la contestation sociale qui n'a pas faiblit depuis le début de l'année. Régulièrement, des manifestations sont organisées par plusieurs associations de la société civile ainsi que des partis de l'opposition, qui protestent contre «les mesures fiscales impopulaires», ainsi que «la mauvaise gouvernance». Bien que le gouvernement s'est toujours défendu d'impacter le pouvoir d'achat des populations vulnérables, les contestataires estiment que cette amplification de la pression fiscale ne se justifie pas malgré la conjoncture.

D'autant que le régime rechigne à réduire son train de vie, avec un gouvernement de plus de 40 membres et des dépenses de prestige colossales, comme fustigent les associations de la société civile. Ces dernières s'indignent régulièrement aussi, des exonérations fiscales accordées à des entreprises étrangères, comme c'est le cas pour les produits miniers à l'export, alors que parallèlement, une véritable cure d'austérité est imposée aux citoyens et les secteurs sociaux laissés dans une situation assez critique comme en témoignent les récurrentes grèves des travailleurs de la santé ou de l'éducation.

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Malgré cette fronde sociale qui continue avec une nouvelle manifestation prévue le 23 septembre prochain, le gouvernement nigérien n'a pas le choix. Pressé par le FMI à travers son programme d'assistance financière au titre du FEC, et le gouvernement français, dans le cadre de la stratégie commune de sortie de crise de la «zone franc CFA», le régime d'Issoufou Mahamadou a désespérément besoin de plus de recettes pour accompagner son programme de «Renaissance». D'après les évaluations menées cette année, les mesures fiscales déjà adoptées n'ont pas encore permis de rehausser sensiblement les ressources internes comme convenus avec les partenaires financiers internationaux. Autant dire que les nigériens, qui ont désormais tout trouvé un slogan, «Tayi Tawri», (les temps sont durs en langue haussa), n'ont pas encore fini de contribuer à l'effort de sortie de cette crise. A la décharge du gouvernement, la conjoncture est amplifiée par des dépenses sécuritaires exorbitantes ainsi que la baisse des cours des matières premières qui frappe de plein fouet l'uranium et le pétrole, principaux produits d'export du pays.

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