Dr Matshidiso Moeti : « Un pays touché par le choléra peut perdre jusqu'à 2,5% de son PIB »

En 2017 et 2018, l’OMS a répertorié plus de 250 000 cas de choléra, avec un taux de mortalité de plus de 2%, dans 17 pays d’Afrique. En 2019, le bilan pourrait s’alourdir après la catastrophe du cyclone Idai au Mozambique, au Zimbabwe et au Malawi qui fait désormais craindre une épidémie de choléra. Une situation qui aurait des conséquences néfastes, tant sur le plan social qu’économique, car, selon la directrice régionale du Bureau de l’OMS pour l’Afrique -qui s’est exprimée ce mercredi 27 mars au deuxième forum de l’OMS sur la santé en Afrique qui se tient à Praia- une telle épidémie peut faire perdre à un pays touché jusqu'à 2,5% de son PIB.
Entre 2017 et 2018, l'Organisation mondiale de la Santé a répertorié, dans 17 pays africains, plus de 250 000 cas de choléra, dont 5 345 décès.
Entre 2017 et 2018, l'Organisation mondiale de la Santé a répertorié, dans 17 pays africains, plus de 250 000 cas de choléra, dont 5 345 décès. (Crédits : Reuters)

«Souvent, nous ne calculons pas [...], mais les épidémies de choléras ont des impacts socio-économiques directs. Nous savons qu'un pays affecté peut perdre 2% à 2,5% de son PIB», a déclaré Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale du Bureau de l'OMS pour l'Afrique, alertant sur l'importance de combattre le choléra, lors d'un panel exclusivement dédié à la question ce mercredi 27 mars, au deuxième forum de l'OMS sur la santé en Afrique qui se tient à Praia, à Cabo Verde.

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Le sujet alerte au plus haut degré en ce moment, car cette maladie essentiellement due à l'accès limité à l'eau potable, à travers le monde, touche beaucoup plus les pays en développement, principalement africains. En 2017 et 2018, l'OMS a répertorié dans 17 pays du Continent plus de 250 000 cas de choléra, dont 5 345 morts, représentant un taux de mortalité de plus de 2%. Les principaux pays touchés en 2018 étant la RDC, le Nigeria, le Niger, le Kenya, le Zimbabwe et la Tanzanie, selon le Global Task Force on Cholera Control.

Au Mozambique, l'épidémie à elle seule engendrerait plus de 316 millions de dollars de pertes

Certes cela reste une avancée comparée aux années précédentes, mais en 2019, le bilan régional pourrait s'alourdir suite notamment à la catastrophe du cyclone Idai qui a frappé majoritairement le Mozambique, dont la ville de Beira -la deuxième du pays- a été détruite à 90%, mais aussi le Zimbabwe et le Malawi, également touchés. Le gouvernement mozambicain a d'ailleurs déjà confirmé cinq cas de choléra, auxquels l'OMS a rapidement réagi en expédiant 900 000 doses de vaccins à titre préventif.

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La situation, telle qu'elle est déjà, aura certainement de conséquence néfastes sur l'économie du pays qui vient d'être amputée de toute l'activité de Beira, ville portuaire. En effet, le port de la ville -deuxième plus grand du pays- joue un rôle crucial dans le commerce de la sous-région. Hydrocarbures, chrome, minerai de cuivre et de plomb, charbon, sucre, maïs,... y transitent régulièrement pour alimenter les marchés mozambicain, malawien, zambien et zimbabwéen. Si l'on considère l'estimation de l'OMS, le Mozambique -dont le PIB était de 12,646 milliards de dollars en 2017 selon la Banque mondiale-, pourrait perdre jusqu'à plus de 316 millions de dollars rien qu'en raison d'une épidémie de choléra. En y ajoutant les autres dommages causés par Idai, la facture pourrait être très lourde.

«Un seul cas de plus est un cas de trop»

Dans cette épreuve le Mozambique se fait également assisté par des pays amis tels que l'Angola qui appelle à une mobilisation générale.

«La situation est critique au Mozambique, surtout à Beira. C'est pourquoi ensembles, avec toute la communauté internationale, nous sommes mobilisés pour porter une assistance médicale. Nous, pays africains, devons travailler tous ensemble pour faire face à ce type de catastrophe», a déclaré Sílvia Lutucuta, ministre angolaise de la Santé.

«Un seul cas de plus est un cas de trop», a estimé Dr Fatoumata Nafo-Traoré, directrice régionale pour l'Afrique de la fédération internationale de la Croix rouge et des sociétés du Croissant rouge. Qualifiant d'«hécatombe» ce qui arrive au Mozambique, elle estime que l'Afrique devrait tout mettre en œuvre pour pouvoir prévenir cette maladie.

Stratégie 2018-2030 pour éradiquer le choléra dans le monde

Conformément aux objectifs de développement durable (ODD) de l'Agenda 2030, l'OMS travaille dans le but d'éliminer le choléra dans 20 pays à travers le monde, réduire de 90% les cas de décès, et pour qu'il n'y ait plus d'épidémies catastrophiques dans des environnements fragiles. La stratégie 2018-2030 se décline en trois axes : la détection et l'intervention rapide pour contenir les épidémies ; les interventions multi-sectorielles dans les zones sensibles au choléra ; et la coordination efficace aux niveaux national, régional et mondial.

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Selon le Global Task Force on Cholera Control, l'implémentation de cette stratégie dans le monde coûterait 65 milliards de dollars sur la période, dont 35 milliards uniquement en Afrique. Cela permettrait cependant de sauver 2 millions de vies et générerait des bénéfices économiques de 620 milliards de dollars d'ici 2030 et 1 900 milliards de dollars d'ici 2040. L'appel à l'action contre le choléra dans le monde se décline quant à lui en six points, notamment la mise en œuvre de plans nationaux alignés sur la stratégie globale, le soutien de la recherche et l'innovation et l'investissement dans les vaccins.

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