Evasion fiscale : le Nigeria sonne la fin de la récréation

Un mois après le lancement de sa campagne de sensibilisation à la déclaration fiscale volontaire et au paiement des taxes, le gouvernement nigérian ne faiblit pas. Au contraire ! Il a entamé cette semaine ce qu’on pourrait qualifier de véritable offensive sur les réseaux pour convaincre les citoyens d'abandonner l'idée de toute évasion fiscale.
Ristel Tchounand

« Live your life, do your thing, pay your tax » (Vis ta vie, fais ce que tu veux, paye tes taxes). Telle est la devise brandie une nouvelle fois au Nigeria depuis le jeudi 10 août, une journée qui marquait le sixième tour de la campagne de sensibilisation à la déclaration fiscale volontaire et au paiement de taxe lancée par les autorités du pays le 6 juillet dernier et qui se déroule chaque jeudi. Tout au long de cette journée, le gouvernement s'est voulu insistant dans sa démarche, surtout sur les réseaux sociaux -Twitter notamment-, interpellant à coup de tweets répétés les citoyens sur la transparence fiscale.

« Bienvenue à un nouveau #TaxThursday, un jour réservé par le gouvernement du Nigeria à l'éclairage des citoyens sur les responsabilités fiscales et bienvenue aux nouveaux contribuables », a twitté le ministère des finances ajoutant le hashtag #IDeclareDoYou (en français : Je déclare, et toi ?).

La sensibilisation se veut forte et convaincante. Le ministère rappelle qu'il ne reste plus que huit mois aux personnes concernées pour se mettre en règle. Le département dirigé par Kemi Adeosun garantit l'absence de toute pénalité et d'intérêts sur les arriérés d'impôts pour tous ceux qui se plient « honnêtement » à la réglementation et les appelle à régulariser leur situation avant mars 2018.

Dans le cadre de cette campagne également, des séances de formation sont organisées par le ministère, ainsi que des descentes sur le terrain (dans la rue, les lieux de commerces, ...) pour expliquer aux usagers le bien-fondé de la déclaration fiscale volontaire et du paiement des taxes.

Lors d'une sortie médiatique la semaine dernière, répondant aux questions des internautes dans un live Facebook, la ministre Kemi Adeosun rappelait encore l'importance de cette orientation. Elle a également appelé les usagers à la prudence, leur conseillant de s'adresser directement aux autorités compétentes pour ne pas se faire arnaquer -en voulant régulariser leur situation- par des personnes malintentionnées qui prétendraient à tort, faire partie de l'administration (une sorte de lutte parallèle contre la corruption ce fléau qui sévit tant dans le pays).

Améliorer le ratio impôt/PIB

Comme présenté par les autorités lors du lancement officiel de cette campagne de sensibilisation, son objectif ultime est de relever les caisses de l'Etat. Dans le sillage de cet appel à la déclaration volontaire par ailleurs, la ministre a annoncé de nouvelles taxes à venir, notamment sur les produits de luxe tels que les voitures, les bijoux ou encore les boissons (champagne, eau de vie, whisky, vin).

« Si nous améliorons notre ratio impôt/PIB, nous serons en mesure de fournir plus de services à nos populations. Nous n'arrivons pas à faire beaucoup de choses parce que nous n'avons pas assez de fonds », expliquait-elle.

Récemment, les débats se multiplient autour de l'ampleur de l'évasion fiscale au Nigéria. Lors d'une réunion en mars dernier en présence du Vice-président nigérian, Yemi Osibanjo, les gouverneurs, le ministre des Finances et des hauts responsables de l'administration publique, le Conseil économique nationale (NEC) tiraient la sonnette d'alarme, accusant les multinationales implantées dans le pays et les personnes fortunées de mettre en place « des mécanismes frauduleux, y compris des paradis fiscaux, afin d'échapper à l'impôt ». Selon le Conseil, « seules 214 personnes à travers tout le pays payent 20 millions de naira ou plus chaque année » et le Nigeria affiche aujourd'hui ses plus faibles recettes fiscales non pétrolières, établies à seulement 6% du PIB.

Pour le financement des infrastructures

Concrètement, Abuja entend investir les sommes récoltées dans le remodelage des infrastructures, notamment les routes, les hôpitaux et les écoles. Selon Kemi Adeosun, de tels investissements permettraient d'améliorer le système de santé public et mettrait de mettre un frein aux « décès évitables » souvent récurrents dans les hôpitaux publics, ainsi que l'amélioration de la qualité de la formation dans l'enseignement public.

Durement touché par la chute des cours du pétrole, le Nigeria a vu son économie s'écrouler ces dernières années, plongeant ce pays ouest-africain dans une récession sans précédent, la première depuis plus de deux décennies. Ainsi en 2016, la croissance du PIB était de -1,5% contre 7,8% en 2010.

Aujourd'hui, les différentes mesures prises par le gouvernement pour accélérer et renforcer la diversification économique le rendent optimiste pour la suite. Récemment, la Banque centrale du Nigéria a annoncé la fin de la récession pour le deuxième semestre 2017. Le gouvernement fédéral est si optimiste qu'il a prévu une croissance de 2,2% cette année. Une prévision cependant contredite par le FMI qui ne s'attend pas à un extraordinaire relèvement de l'économie nationale et table plutôt sur 0,8% de croissance du PIB.

En attendant que leurs prévisions se confirment ou s'infirment, les autorités nigérianes estiment le paiement des taxes comme le premier pas vers une meilleure condition financière de l'Etat. D'ailleurs, le président du Service fédéral des intrants (FIRS), Tunde Fowler, le martelait sans détour lors du lancement de la campagne de sensibilisation :

« La seule façon de rendre le Nigeria meilleur est de commencer à payer nos impôts ».

Après mars 2018, sanctions sévères à l'horizon

La campagne se poursuivra jusqu'à mars 2018. Et passé ce délai, le ministère des Finances assure qu'il pourrait « poursuivre toute personne coupable d'évasion fiscale ».

Ristel Tchounand

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