Atlas Mara : quel sort pour Bob Diamond à la présidence du groupe bancaire panafricain ?

L’étau se resserre autour de Bob Diamond, président du conseil d’administration d’Atlas Mara, ce groupe bancaire panafricain qu’il a cofondée avec le plus jeune milliardaire d'Afrique (selon Forbes), l'entrepreneur anglo-ougandais Ashish Thakkar. Considéré comme non indépendant en raison de son statut de cofondateur, deux groupes d'investisseurs militent pour qu’il ne soit pas reconduit PCA à l’issue de l’assemblée générale annuelle qui se tiendra ce mercredi 29 août.
Ristel Tchounand
Bob Diamond, ex-patron de Barclays, a cofondé en 2013 Atlas Mara -groupe bancaire panafricain- aux côtés du milliardaire anglo-ougandais Ashish Thakkar. Depuis le 2 décembre 2016, il assure la présidence du groupe. Mais des investisseurs militent pour qu’il ne soit pas réélu cette année, car jugé non indépendant.
Bob Diamond, ex-patron de Barclays, a cofondé en 2013 Atlas Mara -groupe bancaire panafricain- aux côtés du milliardaire anglo-ougandais Ashish Thakkar. Depuis le 2 décembre 2016, il assure la présidence du groupe. Mais des investisseurs militent pour qu’il ne soit pas réélu cette année, car jugé non indépendant. (Crédits : Reuters)

« J'ai décidé d'investir parce que je suis tombé amoureux de l'Afrique », déclarait Bob Diamond à l'Africa Business Summit à Londres en mai 2016, s'exprimant sur le potentiel du Continent et les raisons qui l'ont poussées à s'y consacrer. Aujourd'hui, les «assises» de ce financier britanno-américain sont menacées par la colère d'investisseurs.

Indépendance du PCA, un principe de la loi britannique

L'assemblée générale annuelle d'Atlas Mara qui se tiendra demain, mercredi 29 août, sera une réunion décisive car, le Conseil d'administration de ce groupe bancaire panafricain procédera à l'élection d'un président. Bob Diamond gardera-t-il son poste ? Le financier britanno-américain est sous-pression depuis plusieurs semaines. Deux groupes d'investisseurs de la banque réclame son départ à la tête du Conseil d'administration, dénonçant sa non indépendance en raison de son statut de co-fondateur.

« Le code britannique stipule qu'un président doit respecter les critères d'indépendance du code lors de sa nomination. [...] Nous croyons fermement que la société devrait nommer un directeur non exécutif qualifié, qui soit également indépendant au moment de sa nomination », a déclaré le groupe consultatif d'actionnaires Glass Lewis, appelant à voter contre Diamond mercredi, rapporte The Times.

L'Afrique, pour rebondir après un scandale

Pour mémoire, Atlas Mara est une holding de services financiers qui a vocation d'acquérir des banques cibles en Afrique. Basée aux Iles Vierges, ce groupe dispose de 2,5 milliards de dollars d'actifs répartis dans neuf pays : Nigeria, Rwanda, Botswana, Afrique du Sud, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe, Mozambique, Soudan du Sud. La firme a été fondée en novembre 2013 par le richissime entrepreneur anglo-ougandais Ashish Thakkar (cf. photo ci-dessous) et Bob Diamond après sa démission, en 2012, du poste de directeur général de Barclays suite au scandale de manipulation des taux d'intérêt du Libor (taux interbancaires pratiqués à Londres) par les traders de la banque. Cette affaire lui a d'ailleurs valu, à l'époque, le surnom de « l'inacceptable visage du capitalisme ».

atlas mara

Le sexagénaire est un fin financier riche d'une longue expérience. Outre les 16 années passées chez Barclays, il a auparavant compté 13 ans chez Morgan Stanley et 4 ans chez Crédit Suisse First Boston, l'ex-division de banque d'investissement de Crédit Suisse Group.

Âge d'or : belle pêche d'Etats-majors, amitiés présidentielles

Probablement au risque de décrédibiliser le projet -le scandale Barclays étant encore tout frais- Bob Diamond préfère, au départ, ne pas se mettre avant. Il s'entoure alors de gros calibres pour mener à bien le projet. A la présidence du Conseil d'administration il réussit à faire élire, le 3 décembre 2013, le banquier et homme d'affaires nigérian Arnold Ekpe, un vétéran de la finance qui a notamment été l'architecte du développement d'Ecobank dont il a été CEO pendant 12 années cumulées. Le même mois, ils vont mener ensemble l'IPO d'Atlas Mara sur la London Stock Exchange. L'opération est une réussite. Montant levé : 325 millions de dollars.

Quelques mois plus tard, Bob Diamond marque un nouveau coup dans sa stratégie de recrutement d'Etats-majors pour sa banque panafricaine. Il embarque dans l'aventure un vieil ami et ancien collègue, John Vitalo, qu'il réussit à débaucher de chez Barclays l'été 2014, lui confiant la direction générale d'Atlas Mara. « Je ne pouvais pas imaginer un meilleur leader pour ce groupe », déclarait Diamond dans le communiqué officiel annonçant la nomination en septembre 2015, louant les compétences de son ami.

Les choses se passent telles que Bob Diamond et Ashish Thakkar trouvent grâce auprès des gouvernements des pays où ils s'implantent si bien qu'au Rwanda en mai 2016, à titre d'exemple, le président Paul Kagamé accepte de participer en guest star à la cérémonie de lancement de nouveaux produits de la Banque populaire du Rwanda -rachetée par Atlas Mara en 2014- qui se tenait en marge du Forum économique mondial sur l'Afrique.

atlas mara

Turbulences : 15 mois sans CEO, chute de 80% du cours de l'action

La suite de l'aventure ne sera cependant pas sans rebondissements. En décembre 2016 déjà, Arnold Ekpe préfère ne pas renouveler son mandat de Président. C'est alors que Bob Diamond en assure l'intérim, avant d'être confirmé. Mais en février 2017, contre toute attente, Vitalo quitte brusquement le navire, sans qu'aucun motif officiel ne soit avancé, ni aucun successeur annoncé. Un communiqué de la firme souligne juste la logique de réduction des coûts dans laquelle cette dernière s'inscrit depuis début 2017.

En effet, ces dernières années n'ont pas été de tout repos pour Atlas Mara sur le plan financier. Son action a perdu près de 80% de sa valeur en cinq ans, passant de 12,5 dollars à 2,40 dollars aujourd'hui. Les pertes en termes de bénéfices se sont multipliées, notamment en raison de la chute des prix des matières premières et la crise économique au Nigeria, un important marché où le groupe bancaire est aujourd'hui l'actionnaire majoritaire de la Union Bank of Nigeria.

John Staley, la nouvelle carte de Bob Diamond

Toutefois, 2017 aura été l'année de la reprise. Le bénéfice net ajusté d'Atlas Mara a grimpé de 56,2% à 37 millions de dollars par rapport à l'année précédente. Boosté par un coût du financement moins élevé, le chiffre d'affaires total du groupe -en devises constantes- a augmenté de 6,6% à 260,5 millions de dollars. C'est dans ce contexte de reprise qu'après 15 mois sans CEO, Bob Diamond a réussi à convaincre un nouvel Etat-major. Ainsi, depuis le 1er mai dernier, le sud-africain John Staley -ex-directeur chez la banque kényane Equity Group- officie en qualité de directeur générale d'Atlas Mara. L'homme a la lourde tâche d'implémenter la nouvelle stratégie de développement d'Atlas Mara centrée sur la numérisation et la technologie.

john staley

Président ou pas ?

Début août, Atlas Mara est parvenu à lever 40 millions de dollars dans le cadre d'une facilité d'emprunt sur trois ans, soit jusqu'en juillet 2021. Cet argent servira à faire avancer plusieurs projets de développement dont le renforcement de sa plate-forme de financement numérique. Dans ce contexte, le groupe bancaire panafricain assure avoir besoin de son co-fondateur à la présidence :

« le leadership continu de Bob Diamond au conseil d'administration est important pour la réalisation de notre plan d'affaires et de nos objectifs de performance ».

Il est clair pour Bob Diamond, que quitter la présidence d'Atlas Mara équivaut à perdre la main sur de nombreux dossiers stratégiques pour lui, en tant que, co-fondateur et investisseur. D'autant plus que, jusqu'ici, ce poste constitue sa principale fonction en entreprise, lui dont la cote de popularité a quelque peu fléchi depuis le scandale Barclays.

Parmi les administrateurs qui devront voter le nouveau président figurent notamment l'«influenceuse» nigériane de la Data Economy, Funke Opeke, fondatrice et PDG de MainOne -premier fournisseur de solutions de connectivité et datacenter en Afrique de l'Ouest- qui siège en tant que directeur non exécutif indépendant. D'ici tout au plus 24h, le sort  de Bob Diamond à la présidence du conseil d'administration d'Atlas Mara sera scellé.

Ristel Tchounand

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