Jacek Roznowicz, l’homme qui tire les ficelles d’Yves Rocher en Afrique

Jacek Roznowicz est le directeur Europe du Sud-Est et Afrique de Yves Rocher depuis septembre 2014. C’est sous son leadership que l’entreprise française de cosmétiques a concrétisé et étoffé sa présence au sud du Sahara et prépare l’entrée sur plusieurs autres marchés de la sous-région au cours des mois à venir. Qui est-il ?
Ristel Tchounand

De manière générale, se tirer à quatre épingles n'est pas trop son «dada». Il aime plutôt rester décontracté. Lui, c'est Jacek Roznowicz, le fer de lance du développement de l'entreprise française de cosmétiques Yves Rocher en Afrique subsaharienne, depuis un peu plus de trois ans.

«Le plus Africain de tous les Polonais»

Le sud du Sahara, il le parcourt de bout en bout et quelques pays retiennent son attention. En zone francophone, Roznowicz apprécie «l'optimisme» des populations. «Cela change de Paris», glisse-t-il dans un entretien avec La Tribune Afrique. En Ethiopie, il est frappé par «le respect de soi-même et des valeurs transmises depuis les générations». Au Kenya et au Nigéria, «l'omniprésence de l'économie digitale» l'impressionne. En Angola, l'attachement des citadins à une certaine «qualité de vie» fait la particularité de ceux-ci, tandis qu'en Afrique du Sud, «le pragmatisme local est remarquable». Des contrées qu'il n'hésite d'ailleurs pas à faire découvrir à son épouse et leurs deux enfants dès que l'occasion s'y prête.

De lui-même, il dit qu'il est «le plus Africain de tous les Polonais». Pourquoi ? «Il n'y pas beaucoup de Polonais qui travaillent sur l'Afrique, surtout en France et pour de grands groupes. C'est historique !», s'enthousiasme ce passionné d'histoire et de découverte. «Il n'y a jamais eu de liens très forts entre l'Afrique et mon pays d'origine», poursuit-il avant d'ajouter sur un ton ironique : «Et ce n'est pas le montage de tracteurs polonais en Ethiopie qui va changer cela, même s'il s'agit d'un pas important pour la Pologne».

Mais loin de se comparer au célèbre journaliste et écrivain polonais Ryszard Kapuscinski, connu pour avoir vécu sur le Continent pendant une trentaine d'années et publié de nombreux ouvrages sur l'Afrique, Roznowicz trouve beaucoup de similitudes entre la Pologne des années 1980 et 1990 et l'Afrique : «L'optimisme, la jeunesse, la famille qui marquent l'appartenance, la ''vraie'' amitié -par opposition à l'égoïsme-, l'entraide et le ''système D'' -pour débrouille- omniprésent dans l'Afrique d'aujourd'hui et la Pologne d'antan».

Armé pour l'international

S'il parle autant de sa Pologne natale au passé, c'est parce qu'il a quitté son pays juste après le baccalauréat pour entreprendre des études supérieures en France. D'abord à la Sorbonne où il obtient un master en langues appliquées aux affaires, puis à Inalco HEI Business School où il décroche un DESS en commerce international, suivi d'un DEA en géopolitique à l'Université Paris 8. Une période de sa vie qu'il n'est pas prêt d'oublier, car pendant tout son cursus universitaire, il enchaîne les petits jobs pour financer ses études. Et d'après lui, les valeurs acquises tout au long de ce parcours ont forgé le manager qu'il est aujourd'hui.

Sa carrière, Roznowicz l'entame vers la fin des années 1990 et enchaîne plusieurs expériences dont celle de chef de projet à l'ambassade de Pologne à Paris. Chez Yves Rocher qu'il intègre en juin 2002, il signe à ce jour plus de 15 ans d'ancienneté passés à gravir les échelons. Il commence Pricing manager, puis manager marketing et commercial, avant de se voir confier la stratégie marketing internationale, puis la direction commerciale B2C. Il passe ensuite Country manager B2B et B2C pour la Roumanie et la Pologne, avant de prendre la direction Europe du Sud-Est, à laquelle s'ajoutera en septembre 2014 la direction Afrique subsaharienne.

Stratégie inversée

Dans la région, sa mission se résume à deux tâches : trouver des partenaires et s'assurer qu'ils appliquent correctement les valeurs et best practices d'Yves Rocher. Procédant à des partenariats de distribution exclusive, Roznowicz et ses équipes en sélectionnent les bénéficiaires «avec soin». «Nous attendons de notre partenaire un ''know how local''. Ce partenaire sait comment mettre en musique ce que nous pensons nécessaire. Il sait nous dire aussi les points que nous devrons adapte», explique-t-il. «La coopération quotidienne, poursuit-il, le respect mutuel et le mélange marque forte, ''know how local'' et adaptation avec une dose de bonne volonté sont pour nous la meilleure recette d'une relation satisfaisante et à long terme. Et cela est vrai dans tous les pays d'Afrique».

Quand le manager polonais a pris les rênes des activités subsahariennes d'Yves Rocher, la marque ne disposait que d'un contrat au Sénégal dont l'activité n'avait pas encore démarré. En trois ans, il a réussi à concrétiser une présence effective pour la marque de cosmétiques française au Sénégal et en Côte d'Ivoire, mais aussi en Egypte (six magasins), au Kenya (deux), au Nigéria (deux), mais aussi en Angola (deux). Et selon lui, la priorité au développement sur l'Afrique anglophone est une stratégie pensée par le groupe français pour se démarquer. «C'était vraiment un challenge !», fait-il remarquer. «Lorsque toutes les marques françaises parlent d'Afrique, dans le secteur du "retail" en tout cas, elles se dirigent automatiquement vers les pays francophones, tout simplement parce que les marchés anglophones, n'ayant aucun lien avec la France, sont généralement difficiles d'accès. Nous avons voulu faire le chemin inverse pour nous assurer un positionnement sur ces marchés», explique le manager.

A la conquête !

Aujourd'hui, Yves Rocher dispose d'environ 150 magasins sur le Continent. Selon l'agenda de développement de Roznowicz, l'Afrique subsaharienne francophone est actuellement au cœur de la stratégie de la firme. Et ici -contrairement aux pays anglophones où il négocie personnellement les contrats- ses équipes sont beaucoup plus mises en avant, tandis qu'il tire les ficelles.

Dans les prochains mois, le patron Afrique d'Yves Rocher présidera le lancement de nouveaux magasins dans pas moins de cinq pays. Toutefois, Jacek Roznowicz tient à souligner : «Nous ne sommes pas engagés dans une course de vitesse. Nous préférons voir notre développement comme un marathon. C'est l'un des facteurs clés pour nous».

Ristel Tchounand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.