Abderrafie Zouiten : « Notre ambition est d'avoir des dessertes aériennes reliant Fès aux capitales ouest-africaines »

À l'occasion de la 24e édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde qui se déroule du 22 au 30 juin, Abderrafie Zouiten revient sur les profonds changements opérés dans la ville mémoire. L'ancien directeur général de la Royal Air Maroc, aujourd'hui Président du festival et de la Fondation Esprit de Fès, évoque pour La Tribune Afrique les chantiers en cours et les stratégies de développement bénéfiques au rayonnement de la ville. À travers le programme complémentaire de mise en valeur de la médina de Fès, impulsé par l'ADER Fès (Agence pour le développement et la réhabilitation de la médina de Fès), un grand nombre de sites devraient être restaurés ; mosquées, façades, murailles historiques, hammams, mais aussi une trentaine de fontaines, un hôpital ou encore un cinéma. Le Ministère de l'Intérieur a dévoilé un premier budget prévisionnel, avoisinant les 583 millions de dirhams, dont les financements se répartissent entre les ministères, la commune de Fès et le Fonds Hassan II. Capitale culturelle et artisanale du Maroc, la Jérusalem de l'Occident attire de plus en plus de touristes et mise sur ses atouts, dont la plus vieille et plus grande médina au monde, pour s'imposer comme une destination phare du tourisme et de la culture.
Abderrafie Zouiten préside le Festival de Fès des musiques sacrées du Monde et l'association organisatrice Esprit de Fès.
Abderrafie Zouiten préside le Festival de Fès des musiques sacrées du Monde et l'association organisatrice Esprit de Fès. (Crédits : Fesfestival.com)

La Tribune Afrique : dans quelle démarche s'inscrit cette nouvelle édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde ?

Abderrafie Zouiten : Pour cette 24e édition, la thématique du dialogue des religions, des cultures et de l'ouverture sur l'autre s'est imposée d'elle même. Nous restons donc sur cette idée initiale que l'on peut retrouver dans la programmation. Les différentes troupes musicales qui viennent de par le monde expriment très justement ces questions de tolérance à travers la musique. Vous avez à la fois la culture juive, marocaine, mais aussi la culture africaine présentes à Fès. Volubilis n'est pas très loin d'ici, avec sa culture romaine et phénicienne, et puis bien entendu, la culture arabe et islamique. C'est vraiment le creuset de ces différentes cultures qui fait l'originalité et l'exception de notre pays.

Quelles ont été les principales politiques menées pour favoriser l'attraction et l'ouverture de la ville au tourisme ?

Fès c'est surtout sa médina, qui a connu un renouveau exceptionnel. C'est une volonté de sa majesté le roi Mohammed VI, qui a voulu donner une impulsion à ce lieu. Mais il ne s'agit pas uniquement d'une restauration, cela va au-delà. C'est à dire que tous ces lieux emblématiques qui ont été restaurés voient une vie reprendre, à l'instar de ce qui prévalait à l'origine. On redonne vie à ces endroits tel que cela existait il y a trois voire quatre siècles. A partir de ça, le choix de cette thématique paraissait logique. Nous avons aussi lancé tout un maillage en termes de réseau aérien ; 300 000 sièges ont été injectés en l'espace de deux ans entre Fès et l'Europe. Aujourd'hui, la ville est reliée à presque toutes les grandes capitales européennes. Pour la première fois, en 2017, l'aéroport a dépassé le cap du millions d'arrivées. Et quand on regarde les aéroports au Maroc, nous avons bien sûr Casablanca puis Marrakech, Agadir et en quatrième position Fès, devant Tanger et Rabat. On voit une forte évolution, qui continue d'ailleurs sur les 5 premiers mois de 2018. Au niveau des arrivées, nous constatons une évolution d'environ 30% en mai 2018, comparé à la même période de l'année dernière. On observe donc cette dynamique et Fès, avec sa médina et les métiers de l'artisanat qui s'y rattachent, peut jouer un rôle de locomotive. Donc cette thématique des savoirs ancestraux célèbre aussi les métiers issus d'un savoir ancestral, comme ce que l'on appelle les grand maâlems, travaillant le zélige, le bois ou la ferronnerie.

Quel est le profil de la clientèle touristique à Fès et vers quel marché potentiel la ville de Fès peut se tourner ?

Notre principale clientèle est marocaine, suivie de la clientèle française. On essaye de cibler les pays proches, le marché européen représente plus de deux tiers des arrivées dans la ville. Nous avons aussi une clientèle américaine qui se développe et une clientèle espagnole qui se place en forte position. Le tourisme cultuel africain est en plein essor ; le théologien algérien Ahmed Tijani, dont le mausolée se trouve à Fès, a fondé en 1782 la confrérie soufie Tijaniyya, plus importante communauté musulmane d'Afrique de l'Ouest. (Elle est implantée au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, au Tchad, au Soudan ou encore au Nigéria, Ndlr). Elle se compose aujourd'hui de plus de 300 millions d'adeptes susceptibles de venir ici en pèlerinage. L'ambition c'est d'avoir des dessertes aériennes, qui sont en cours, à la fois au départ de Dakar sur Fès mais également du Nigéria, où il y a une très forte communauté Tijane. Nous travaillons dessus et je suis intimement convaincu que quand elles vont être lancées, elles vont connaitre un fort développement.

Quelles relations unissent la ville de Fès à l'Afrique de l'Ouest ?

Il est très légitime pour Fès d'avoir des touristes africains. L'Islam s'est répandu en Afrique par l'intermédiaire des commerçants Fassis, ces grandes et anciennes familles de la ville. Fès était une ville rayonnante, capitale spirituelle et politique du Maroc. Lors de la Reconquista, les musulmans et les juifs qui avaient fui l'Espagne sont venus se réfugier ici, au Maroc. Il y avait même une route qui reliait le Maroc au Niger, nommée route du Soudan. C'est par là que transitaient les commerçants Fassis qui développaient le commerce et prêchaient l'Islam. Il y a des mariages entre les grandes familles Fassis et sénégalaises, ou d'autres pays. Il existe donc une véritable relation avec l'Afrique que l'on observe et que nous souhaitons renforcer, notamment avec le tourisme cultuel.

Propos recueillis à Fès par Marion Delpech

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