Libye : ces improbables élections prévues par l'accord Al Sarraj-Haftar

Rivaux hier, Khalifa Haftar et Fayez Al-Sarraj se sont serré la main en terre française. «Un courage historique», déclare Emmanuel Macron après avoir réussi à faire signer aux deux hommes un accord de sortie de crise là où l’Egypte, l’Algérie et même les Emirats Arabes Unis ont échoué. L’accord prévoit l’organisation des élections au «printemps». Mais cet objectif est-il réalisable ?
Ibrahima Bayo Jr.
Fayez Al-Sarraj, Emmanuel Macron et Khalifa Haftar, lors de la rencontre à La Celle Saint-Cloud, près de Paris, le 25 juillet 2017.

Tous ceux qui ont essayé de mettre les deux hommes autour d'une table pour mettre fin à la crise politique en Libye se sont résolus à jeter l'éponge. Et pourtant, ce 25 juillet à Paris, Fayez Al-Sarraj, le chef du Gouvernement d'entente nationale (GNA) et Khalifa Haftar, le maréchal qui règne sur les terminaux pétroliers de l'est, sont parvenus à un premier accord de sortie de crise.

Cessez-le-feu, lutte contre le terrorisme et élections pour sortir le pays de la crise

Le texte en dix points prévoit un cessez-le-feu sur tout le territoire libyen afin d'amorcer un désarmement des milices pour constituer une armée libyenne régulière. L'accord prend les précautions nécessaires pour bien signifier que ce cessez-le-feu ne concerne pas les terroristes qu'il faut combattre. Une précision qui arrange bien Paris, initiatrice de la rencontre, qui se pose en figure de proue de la lutte contre le terrorisme.

«C'est un processus qui est essentiel pour l'Europe tout entière. Car si nous ne réussissons pas ce processus, à travers les risques terroristes, à travers les conséquences migratoires qu'un tel échec produirait, les conséquences sur nos pays sont directes», a commenté Emmanuel Macron après avoir salué le «courage historique» des deux hommes.

L'accord Al Sarraj-Haftar prévoit l'organisation d'élections législatives et présidentielles au «printemps» 2018. Une annonce qui fait grincer des dents. Si pour Paris cet accord se veut un «signal fort», l'objectif d'organiser ces élections se heurte à la réalité du terrain.

La Libye est-elle prête pour des élections ?

Depuis la chute de Mouammar Kadhafi et de son régime, la Libye a sombré dans l'instabilité et est aux prises de la guerre, du terrorisme, des trafics humain et d'armes. Les tentatives de reconstitution des groupes tribaux qui exacerbent les divisions s'ajoutent à la situation chaotique pour entraver la constitution du corps électoral, et donc la tenue des élections en 2018.

Si l'accord donne des signaux de sortie de crise, la rivalité entre les deux camps n'est pas rangée aux tiroirs à conflit. Et même avec une autorité affaiblie, Fayez Al-Sarraj, qui tire sa légitimité d'un soutien de la communauté internationale et de l'ONU, n'accepterait pas de se ranger derrière son rival.

En face, le puissant maréchal Khalifa Haftar, qui règne sur les terminaux pétroliers de l'est libyen avec son autoproclamée armée nationale libyenne, est contesté dans son ambition de vouloir contrôler l'armée. Adoubé par la Russie, cet ancien membre du cercle Kadhafi, dont on ignore les desseins réels, vient de voir (encore) son autorité légitimée par cet accord.

Petite précision de taille, Fayez Al-Sarraj comme Khalifa Haftar ont d'abord été reçus séparément à l'Elysée. Pour lequel des deux pencherait le soutien de Paris ? Difficile de le savoir tant les réponses que l'on pourrait donner pourraient s'entourer de doutes. Des doutes qui risquent de raviver la rivalité entre les deux hommes.

Ibrahima Bayo Jr.

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