Nigeria : sous pression, Buhari décrète « l'état d'urgence » contre la corruption

Le président nigérian Muhammadu Buhari a décrété jeudi dernier « l'état d'urgence contre la corruption », renforçant ainsi la lutte contre la corruption dans son pays. Cette décision du chef de l'Etat nigérian intervient dans un contexte où il fait face à de nombreuses critiques sur son bilan dans ce combat qu'il a annoncé dès sa prise de fonction et à 8 mois des présidentielles pour lesquelles il est candidat à sa propre succession.
(Crédits : Reuters)

Pour Muhammadu Buhari, la corruption est le mal à abattre pour prétendre à un développement économique digne de ce nom. Le chef de l'Etat nigérian a signé un décret annonçant « l'état d'urgence » contre ce fléau ordonnant que les biens mal acquis et les gains provenant de la vente de bien illégalement acquis, soient gelés.

Avec cette nouvelle mesure qui constitue pour lui un moyen effectif dans ce combat, le numéro 1 nigérian entend renforcer la lutte contre la corruption qui ne cesse de prendre de l'ampleur. « Si le Nigeria ne tue pas la corruption, la corruption tuera le Nigeria tôt ou tard », a alerté Muhammadu Buhari. Selon lui, les fonds publics volés par des personnes actuellement jugées ou visées par des enquêtes s'élevaient 1,6 milliard de dollars soit environ 1,4 milliard d'euros. Des montants qui seront gelés et mis à la disposition du gouvernement pour financer des projets d'intérêt public, a-t-il précisé.

La pression monte

Si la nouvelle mesure annoncée fait beaucoup de bruit, elle ne semble pas vraiment impressionner à Abuja. Ce n'est pas la première fois que Buhari s'alarme au sujet de la corruption. Dès son arrivée au pouvoir, l'ancien général avait déclaré que « la corruption n'aura pas de place dans mon administration ». Il avait rapidement pris quelques dispositions, donnant des instructions à ses collaborateurs pour intensifier la lutte. Des actions antifraudes dans les banques et des actions contre l'évasion fiscale, sont quelques-unes des mesures prises par l'Administration Buhari pour contrer la corruption.

Ces mesures qui ont été saluées au début du mandat du président, ont permis de récupérer plusieurs millions de deniers de l'Etat volés. Malheureusement, les fonds récupérés sont encore très loin des montants auxquels on s'attendait. Aussi reproche-t-on au président Buhari une « chasse aux sorcières » politique à l'approche des élections présidentielles programmées pour l'année prochaine.

En effet, malgré quelques affaires dans le camp présidentiel non moins importantes pourtant, la plupart des prises effectuées par les autorités judiciaires n'ont concerné que des proches de la précédente administration ou des opposants au régime. C'est par exemple les cas de Sambo Dasuki, l'ancien conseiller sécurité de Goodluck Jonathan, de Diezani Madueke, l'ancienne ministre du Pétrole, de Patience Jonathan, l'épouse de l'ancien président ainsi que de son cousin Robert Azibaola. Dans tous ces cas, les enquêtes n'évoluent pas et quasiment personne n'a été envoyé en prison pour corruption. Pire, alors qu'on s'attendait à une réforme du système judiciaire afin de voir la justice mieux agir contre la corruption, rien n'a été fait.

Bouffée d'oxygène pour le président ?

Avec ce bilan bien loin des attentes, cette sortie de Buhari apparaît comme une tentative de sortir la tête de l'eau à quelques mois des présidentielles pour lesquelles il est candidat.

Le président doit faire face à de nombreuses critiques à la fois de la part des opposants que dans son propre camp. Buba Galadima, un de ses anciens alliés, qui a annoncé mercredi dernier, la  formation du Reformed All Progressive Congress (RAPC), un groupe dissident au sein du parti au pouvoir, le All Progressive Congress (APC) a qualifié sa présidence de « désastre monumental » et a déclaré que son équipe est « inepte, incompétente » et sans aucune vision.

Pour son bilan, le chef de l'Etat est également fortement critiqué par les présidents des deux chambres, Bukola Saraki et Yakuba Dogara, et a déjà perdu la région du centre du pays. Voilà une conquête électorale qui s'annonce très difficile pour lui.

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