Niger : le boom pétrolier ne sera pas « forcément avantageux pour les populations locales »

Le Niger projette de se hisser au niveau des plus grands pays producteurs de pétrole en Afrique à partir de 2025. Le pays épinglé plusieurs fois pour sa gestion opaque des industries extractives est très attendu sur la question environnementale liée aux industries extractives locales. Décryptage.
(Crédits : Reuters)

Le Niger affiche de grandes ambitions dans le secteur des hydrocarbures en Afrique. En janvier 2019, le pays ouest-africain annonçait déjà les couleurs dans un projet de décret déclinant sa politique pétrolière au cours des prochaines années. L'objectif est de faire des hydrocarbures le moteur de l'économie du pays, pouvant générer jusqu'à la moitié des recettes fiscales. Le pays a même avancé son souhait d'adhérer à l'OPEP.

Le positionnement du pays a été réaffirmé en août dernier par le président nigérien Mahamadou Issoufou. Selon le chef de l'Etat, le Niger prévoit de produire 500 000 barils de pétrole par jour à l'horizon 2025-2030, contre 20 000 barils actuellement. Le pays qui espère multiplier sa production par trois au cours des deux prochaines années (110 000 barils par jour) avait rejoint le club des pays pétroliers depuis 2011.

En chiffres, le gouvernement nigérien aspire à hausser la contribution pétrolière au PIB de 4 % en 2017 à 24 % en 2025. La part du pétrole devrait ainsi passer de 19 % à 45 % dans les recettes de l'Etat, de 5 % à 12 % des emplois permanents ou encore de 16 % à 68 % des recettes d'exportation.

Toutefois, cette dynamique portée par l'Exécutif profitera-t-elle aux populations ? Aura-t-elle des incidences directes sur le développement humain et socio-économique ?

« La hausse de la production des hydrocarbures au Niger ne sera pas forcément positive pour les populations locales, sachant qu'il y a toujours eu des difficultés à garantir une bonne répartition des recettes issues des ressources naturelles au Niger », tranche Naomi Binta Stansly, vice-présidente du Réseau des organisations pour la transparence et l'analyse budgétaire (ROTAB).

Au Niger, les populations riveraines des zones d'exploitations parviennent difficilement à recouvrer dans les délais impartis la somme équivalant aux 15 % des recettes issues de l'exploitation minière ou des hydrocarbures leur revenant de facto conformément à la loi régissant le secteur. « L'Etat a cumulé des arriérés à verser aux localités dans les zones d'exploitations », regrette la vice-présidente du ROTAB.

L'engouement pour l'exploitation des ressources pétrolières soulève également la question de la gestion environnementale, sachant que les zones d'exploitation sont par d'abord des régions agricoles et sylvo-pastorales pour un pays essentiellement rural où l'agriculture et l'élevage génèrent près de 80% des emplois.

La question environnementale et de l'équité

L'histoire des hydrocarbures date de moins d'une décennie au Niger, mais le pays à une longue tradition dans l'extraction minière, notamment de l'uranium. Cependant, en 50 ans d'exploitation, l'uranium n'a pas permis au pays d'enclencher un véritable processus de développement économique.

Avec ses 21,5 millions d'habitants (2017) pour un PIB de 8,12 milliards de dollars, le Niger affiche un taux de pauvreté de 44,1 %, soit le 2e pays le plus pauvre au monde, selon l'IDH (2016). Les industries extractives sont régulièrement pointées du doigt pour leur opacité. En 2017, le Niger est suspendu de l'Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) en raison des progrès insuffisants réalisés par le pays, notamment en termes de gouvernance dans le secteur. La décision fait suite à « uraniumgate », un scandale dans lequel les autorités du pays auraient été mêlés à un trafic d'uranium occasionnant un virement suspect de plus de 300 millions de dollars.

Lire aussi : Niger : Manifestations à Niamey contre la loi de finances jugée « anti-sociale »

Deux ans plutôt, le ROTAB publiait les résultats d'une enquête sur la question des droits de l'homme liée aux industries extractives, notamment dans les filières de l'uranium, de l'or et du pétrole. L'enquête a notamment révélé que seulement 12 % du personnel dans le secteur pétrolier sont des Nigériens, alors que 88 % restants sont des Chinois. L'étude a mis en exergue le travail des enfants et les dégâts sanitaires liés aux industries extractives que Green Peace avait déjà dénoncés dans un rapport en 2010.

« L'étude d'impact est faite par les entreprises. Mais celles-ci transmettent des documents volumineux de 500 pages ou plus. Souvent le ministère de l'Environnement n'a pas les compétences pour les analyser. Ensuite, les organisations de la société civile ne disposent en moyenne que de 2 ou 3 jours pour étudier ces documents. La démarche est biaisée », révèle Stansly.

L'étude du ROTAB qui a relevé plusieurs dysfonctionnements souligne la nécessité de réviser la loi de 2006 régissant les industries extractives pour en faire profiter aux populations nigériennes. Dans le secteur pétrolier, trois grandes entreprises opèrent principalement sur place : le chinois CNPC, le britannique Savannah Petroleum et l'algérien Sipex (Sonatrach) qui travaillent en étroite collaboration avec la Société de raffinage de Zinder (SORAZ).

Exporter le pétrole en Afrique

Pour accompagner cette dynamique, le Niger qui cherche à mieux couvrir sa demande intérieure en énergie compte exporter dans la sous-région, notamment au Bénin et au Burkina Faso. En janvier 2019, le Niger et le Bénin signent un accord pour la construction d'un oléoduc de 2 000 km pour un coût total estimé à 4 milliards de dollars afin d'exporter les excédents via Cotonou. Le pays projette également de construire un pipeline multi-produit d'environ 1 000 km à la frontière du Burkina Faso, permettant au passage d'alimenter en énergie les centres urbains nigériens.

Lire aussi : Pétrole : le Niger confirme la découverte d'un nouveau bassin par la Sonatrach

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Commentaire 1
à écrit le 09/03/2020 à 14:56
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