Mali : IBK en route pour un second mandat

Les maliens ont voté, ce dimanche 12 août, pour le second tour de l’élection présidentielle qui oppose le président sortant, IBK, et le chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé. Le scrutin s’est déroulé dans un contexte sécuritaire des plus tendus et en attendant la proclamation des résultats, le 17 août prochain, c’est le président sortant, qui dispose déjà d’une large avance au premier tour, qui part favori pour se succéder à lui-même. Son challenger qui n’a pas pu obtenir le ralliement escompté des « faiseurs de rois », n’a cessé de crier à la fraude, ce qui fait planer le spectre de tensions électorales pour le début du nouveau mandat qui s’annonce assez lourd de défis.
(Crédits : DR)

Sauf surprise, le président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) est bien parti pour prolonger son bail au palais de Koulouba. Les maliens ont en effet voté ce dimanche 12 août pour le second tour de la présidentielle avec en tête d'affiche, IBK et Soumaila Cissé, le chef de file de l'opposition. Le scrutin qui a enregistré une faible mobilisation, avec une première estimation du taux de participation qui tourne autour de 30 %, a été par contre émaillé de plusieurs incidents localisés dans le Nord et le centre du pays. Plusieurs bureaux de vote n'ont pas ouvert comme c'était le cas lors du premier tour qui s'est tenu le 29 juillet dernier, et le président d'un bureau a été tué près de Tombouctou par des individus armés. Des violences qui témoignent de l'ampleur de l'insécurité ambiante que traverse le pays depuis des années.

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Malgré ces ratées, le scrutin a pu se dérouler et comme en 2013, IBK et « Soumi » devront attendre le 17 août prochain, date annoncée pour la proclamation des résultats, pour savoir qui sera le vainqueur du scrutin. Toutefois, c'est le favori IBK qui a toutes les chances de l'emporter. Avec 41,4% récoltés au premier tour contre son challenger qui a recueilli 17,8%, « Boua » (le vieux ), comme l'appellent affectueusement ses partisans, a une sérieuse longueur d'avance sur Soumaila Cissé. En plus de bénéficier de la prime du sortant, le chef de l'Etat peut compter sur la fissure des candidats qui jusqu'à la veille du second tour, s'étaient ligués contre sa candidature.

Soupçon de fraudes et contestation

Alors que l'opposant « Soumi » a fait preuve d'une mobilisation sans faille contre un deuxième mandat d'IBK, son rêve de s'appuyer sur une coalition des autres candidats, s'est effrité à la dernière minute. Quelques mois avant la tenue de l'élection, il a pu en effet se joindre à la contestation presque générale de l'opposition politique et surtout de la société civile pour monter un « front anti-IBK » dont l'une des prouesses a été d'avoir réussi à torpiller le référendum pour une nouvelle constitution qu'avait initié le président sortant.

Surfant sur le bilan peu flatteur du président sortant notamment en matière de sécurité, Soumaila Cissé qui se présentait pour la troisième fois a également sur rallier à sa cause, 17 des 24 prétendants à la présidence lors du premier tour, lesquels ont contesté la régularité du scrutin. Jusqu'à la veille du second tour, ils ont dénoncé « une fraude massive » organisé par le camp du président sortant, exigeant la démission du ministre de l'administration territoriale, en charge de l'organisation du processus électoral, et récusant même six (6) des neufs (9) membres de la Cour Constitutionnelle qui devraient valider les résultats des élections.

Cependant, cette fronde ne s'est pas traduite par un soutien en masse des candidats recalés autour de la candidature de Soumaila Cissé. Deux des « faiseurs de roi », l'homme d'affaires Aliou Diallo, qui a recueilli près de 8 %, et l'ancien Premier ministre Cheick Modibo Diarra, avec ses 7 %, n'ont d'ailleurs donné aucune consigne de vote pour leurs électeurs. Un mauvais présage pour « Soumi » qui espérait rallier à sa cause, un front « anti-IBK » en misant sur le « syndrome Abdou Diouf » au Sénégal voisin. On se rappelle qu'en 2000, celui qui était le président sortant de l'époque, a recueilli près 41% au premier tour de la présidentielle mais a été battu au second tour grâce à un front de l'opposition qui s'est rallié à la candidature d'Abdoulaye Wade.

Le challenger d'IBK continue certes à espérer malgré ses maigres chances et ne cesse de mettre la pression sur le régime en accusant le pouvoir de manipuler les résultats et à ses partisans de se mobiliser pour faire échec « aux manœuvres en cours ». Dimanche dernier, alors que le scrutin se poursuivait, sa direction de campagne est encore sortie dans les médias pour apporter « des nouvelles violations flagrantes mettant en cause la sincérité du scrutin ». La liste des griefs, qui sont les mêmes ou presque que lors du premier tour du scrutin sont légions : « bourrages d'urnes massifs, cartes d'électeurs indisponibles dans de nombreux bureaux de vote, fichier électoral mis en ligne vicié, trafic de procurations ou irrégularités durant l'ensemble du processus de transmission et de compilation des résultats, a liste était accablante pour le gouvernement en charge d'organiser ce scrutin ».

« En conséquence, le candidat Soumaïla Cissé en appelle à la mobilisation et à la plus grande vigilance des Maliennes et des Maliens pour faire barrage à un hold-up électoral à l'occasion du second tour qui se déroule aujourd'hui dimanche 12 août 2018. Il demande aux différentes missions d'observation électorale maliennes et internationales de prendre toutes les dispositions nécessaires pour s'assurer du bon déroulement de ce second tour, et ce durant l'ensemble des étapes : le vote, la transmission, la compilation, l'annonce et la proclamation des résultats. Il alerte enfin la communauté internationale qui ne peut assister silencieusement et passivement à un déni de démocratie qui bafoue la volonté du peuple malien » a dénoncé le camp de l'opposant Soumaila Cissé, le soir du vote pour le second tour qui l'oppose au président sortant IBK.

De l'avis de plusieurs observateurs et analystes politiques, si le scrutin n'est pas exempt de tout reproche au regard de la situation qui prévaut dans le pays, cette posture du candidat de l'opposition vise surtout à mettre la pression sur le gouvernement et à décrédibiliser la légitimité du second mandat du président IBK.

En 2013, IBK l'avait remporté face à Soumaila Cissé avec 77,6% contre 22,4%. Cinq ans plus tard, « Boua », 73 ans, est en route pour rééditer l'exploit pour son second, et en principe dernier mandat. Sauf que cette fois, « Soumi » n'entend point lui faciliter la tâche même si sa contestation du processus fait courir au pays des risques de troubles post-électoraux, tout ce dont le Mali, qui fait face à la persistance des défis sécuritaires, n'a pas besoin dans le contexte politique et socioéconomique actuels.

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