Gabon : L'addition de la crise post-électorale

Alors que le gouvernement gabonais était lancé dans sa stratégie de diversification économique pour en finir avec sa dépendance au pétrole, la crise post-électorale a enrayé cette dynamique. Plusieurs secteurs pâtissent déjà lourdement de la crise politique actuelle.
Ristel Tchounand

Le lien entre stabilité politique et développement économique ne fait plus débat. Au bout de nombreuses études, politologues et économistes sont arrivés à conclure que la situation politique d'un pays se répercute systématiquement sur son économie, aussi bien positivement que négativement, selon son degré de stabilité. Dans l'actualité africaine, le Gabon en est aujourd'hui un exemple édifiant.

Paralysie

En proie depuis fin août 2016 à une crise post-électorale, suite à la réélection d'Ali Bongo Ondimba, ce pays d'Afrique centrale est comme à l'arrêt depuis lors. Les récentes émeutes, ponctuées, entre autres, par des incendies d'établissements publiques et de véhicules, ainsi que par la destruction de commerces, ont rendu difficiles la distribution et l'approvisionnement en biens de première nécessité. La pénurie menace. Pour rappel, le Gabon importe 80% de sa nourriture, principalement du Cameroun. Or le trafic en provenance de ce pays voisin est interrompu, les commerçants et négociant redoutant les pillages.

Comme si cela ne suffisait pas, le bras de fer post-électoral entre la majorité et l'opposition a davantage plongé le pays dans une paralysie économique. Pourtant bien avant cette crise, le Gabon pâtissait déjà de la chute des cours de pétrole, passé de 100 dollars il y a encore quelques années à moins de 45 dollars à la mi-septembre 2016. L'activité étant en berne, plusieurs compagnies pétrolières avaient réduit leurs effectifs. Une situation qui n'est pas sans conséquences puisque le Gabon, cinquième producteur de pétrole d'Afrique, dépend énormément de l'or noir, dont les revenus représentent 40% de son PIB et 45% de ses recettes publiques, selon le FMI.

Des centaines de milliards de pertes

De plus, les fréquentes coupures d'internet -qui n'est d'ailleurs accessible que pendant les heures de travail- ont considérablement impacté les activités des banques et agences de voyages notamment. Jusqu'ici, les chiffres exacts des pertes financières ne sont pas connus, mais lors d'une interview accordée à la presse gabonaise en pleine crise politique, le ministre de l'Intérieur, Pacôme Moubelet Boubeya, évaluait déjà les pertes pour l'Etat à « plusieurs centaines de milliards de francs CFA ».

Le Gabon était en mauvaise posture financière avant même l'avènement de la crise politique. « L'Etat a perdu toute manœuvre budgétaire et dépend désormais de l'emprunt », déclarait en juillet 2016 Patrick Eyogho Edzang, député du parti Union Nationale. « Les projections budgétaires de la période 2017-2019 présentées par le gouvernement font apparaître que l'Etat ne dispose plus en propre de marge de manœuvre budgétaire », a-t-il ajouté, soulignant que sur les 2040 milliards de FCFA de ressources budgétisées sur la période 2017-2020, l'Etat gabonais ne dispose que de 60 milliards pour l'investissement après avoir couvert ses charges.

L'investissement étranger en danger ?

Or l'investissement est capital dans la stratégie de diversification de l'économie. Raison pour laquelle le régime de Libreville tente depuis d'attirer le maximum d'investisseurs étrangers. Mais selon les experts, il est clair la situation socio-politique du pays favorise l'effet inverse. « L'incertitude politique n'est guère appréciée par les investisseurs, et joue négativement sur leur confiance. Or, sans ces investisseurs, il sera difficile pour le Gabon de financer la diversification de l'économie nationale », a expliqué à nos confrères de Zonebourse Stéphane Colliac, économiste Afrique chez Euler Hermes, leader mondial de l'assurance-crédit.

A présent, l'attention du monde entier est braquée sur la Cour constitutionnelle pour savoir qui sera définitivement le vainqueur de la présidentielle 2016 au Gabon. Du verdict de Marie-Madeleine Mborantsuo dépendra l'avenir économique gabonais à court, moyen et peut-être même long terme.

Ristel Tchounand

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