HealthTech : l'application assistALL met la langue des signes à portée de clic

Le Kenya est en passe de révolutionner la vie des sourds et des malentendants en Afrique grâce à son application d'interprétation en langue des signes qui facilite leurs interactions socioprofessionnelles. Née suite à la pandémie de Covid-19, assistALL s'apprête à conquérir les marchés nigérian, sud-africain et égyptien.
(Crédits : AssistAll)

L'entreprise Signs Media s'est donnée pour mission de réintégrer les personnes sourdes et malentendantes au cœur de la Cité, à travers plusieurs initiatives comme la diffusion de programmes télévisés en anglais, en swahili et en langue des signes (Signs TV News), mais également via assistALL, une application mobile lancée en avril 2022, qui propose ses services de traduction aux sourds et malentendants, mais aussi aux entreprises, aux écoles et aux professionnels de santé, pour favoriser l'insertion des personnes en situation de handicap.

« Pendant la pandémie de Covid-19, l'obligation de porter un masque qui dissimulait la moitié du visage a complètement isolé les personnes sourdes et malentendantes. Du jour au lendemain, elles se sont retrouvées incapables de communiquer avec leurs interprètes. C'est à ce moment-là qu'est née l'idée de développer l'application assistALL », explique Luke Muleka rétrospectivement. L'entrepreneur kenyan est à l'origine de cette innovation sélectionnée parmi les startups les plus prometteuses du World Mobile Congress de 2023.

« Notre application est une sorte d'Uber pour les interprètes. Elle a été conçue pour favoriser l'insertion socioprofessionnelle des personnes en situation de handicap. Son utilisation est à la portée de tous. Nous facturons nos services au prix de 0,3 dollar la minute. Le paiement se réalise directement sur la plateforme via Visa ou Paypal, mais aussi M-Pesa (plateforme de m-payment de l'opérateur Safaricom, leader et pionnier du secteur depuis 2007, ndlr) avec lequel nous avons passé un partenariat », ajoute-t-il.
« Enfin, notre application génère d'importantes économies en temps, en argent et en énergie, car un seul interprète peut intervenir à Nairobi, Eldoret ou Mombasa, sans se déplacer », précise-t-il.

Une solution utilisée lors des élections de 2022

« Notre application est venue en support aux sourds et aux malentendants pendant les dernières élections générales de 2022 au Kenya. Nous avons passé un partenariat avec la Commission électorale indépendante afin de diffuser le plus d'informations possible concernant les modalités de vote, auprès des déficients auditifs, pendant la campagne. Notre initiative a été financée par le Programme des Nations unies pour le développement et par la Commission européenne », précise Luke Muleka.

À ce jour, 7 000 personnes utilisent l'application kenyane qui devrait bientôt se décliner sous d'autres latitudes. Les négociations sont en cours pour l'obtention d'une licence au Nigéria, qui compterait « plus de 10 millions de personnes sourdes ou malentendantes, soit 10 fois plus qu'au Kenya », estime le fondateur de l'application. « En dehors du Kenya et du Nigéria, nous développons aussi notre application pour les marchés sud-africain et égyptien », ajoute-t-il.

Les ambitions de la startup kenyane, qui compte aujourd'hui 43 collaborateurs, dont 17 en situation de handicap, sont aussi grandes que les besoins répertoriés sur le continent, mais les difficultés ne manquent pas. « Nous nous battons pour obtenir un partenariat avec MTN au Nigéria et ce n'est pas une mince affaire. Pour y parvenir, nous avons reçu le soutien de GSMA (Global System for Mobile Communication). Nous travaillons en parallèle sur un autre partenariat avec Vodacom pour pénétrer le marché sud-africain », ajoute Luke Muleka.

Actuellement disponible en swahili et en anglais, l'application devrait se décliner dans les langues vernaculaires des pays où l'application sera disponible. « Pour pénétrer l'immense marché nigérian, nous recherchons 1 million de dollars. Ces fonds nous permettront notamment de développer notre intelligence artificielle (IA) pour toucher un maximum de personnes (...) Le handicap est un sujet sur lequel il faut sérieusement se pencher, car d'ici 2050, selon les estimations de l'OMS, plus de 2 milliards de personnes pourraient être porteuses de ce handicap à travers le monde, en plus du milliard de personnes âgées susceptibles de développer toutes sortes de complications », précise-t-il.

Une alternative à la pénurie de personnels qualifiés

Dans son rapport mondial sur l'audition, l'OMS indique que 1,5 milliard de personnes sont atteintes de déficience auditive dans le monde. Ce chiffre pourrait atteindre 2,5 milliards d'ici 2050 (dont 700 millions nécessiteront des services de réadaptation). À ce jour, 39,7 millions d'Africains seraient concernés par la surdité. La sensibilisation reste faible, faute de ressources nécessaires. De plus, le nombre de personnels qualifiés et de programmes de dépistage auditif ne suffisent pas à répondre à la demande.

En Afrique, en dehors de l'exposition prolongée aux décibels, aux causes génétiques et autres complications liées à l'accouchement, viennent s'ajouter les infections bactériologiques telles que la méningite mal prise en charge qui serait responsable de plus de 20% des cas de surdité chez les enfants, ou la rougeole (10 %) selon The Lancet.

Tous ces écueils en matière de prise en charge des personnes sourdes et malentendantes se traduisent par une forme d'isolement social et professionnel. « Ma sœur souffrait de handicap et cela s'est répercuté sur la vie de toute notre famille. Le handicap est donc un sujet qui me concerne personnellement », explique Luke Muleka.
Il n'y aurait « pas plus de 500 interprètes en langue des signes dans tout le Kenya », selon l'entrepreneur qui ajoute que « leurs services ne sont généralement disponibles que dans les zones urbaines, à des tarifs parfois prohibitifs ».

L'application assistALL offre désormais une alternative disponible en zone rurale, à des prix compétitifs, pour répondre à un enjeu qui coûterait près d'un milliard de dollars par an (soit 980 millions de dollars, selon l'OMS) à l'échelle mondiale.

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