En Afrique, le paiement mobile doit prendre le virage de la cybersécurité

La transformation numérique offre de nombreuses et belles opportunités pour nos concitoyens, mais il ne sera pas possible de pleinement capitaliser sur celle-ci tant que la sécurité du cyberespace ne sera pas garantie...
(Crédits : DR.)

La technologie est aujourd'hui au cœur de nos vies quotidiennes. E-commerce, e-santé, éducation, paiements mobiles, les exemples sont nombreux et soulignent combien les nouvelles technologies révolutionnent nos manières de vivre. En Afrique, la Quatrième Révolution industrielle offre des opportunités uniques aux populations. Le mobile money est l'une d'entre elles. Sa croissance exponentielle ces dernières années est admirable et témoigne de l'impact positif qu'occupent au quotidien les paiements mobiles et les transferts d'argent pour des centaines de millions d'habitants sur le continent.

Mais les défis et enjeux sont également nombreux, notamment en termes de sécurité numérique. Hameçonnage, hacking, fraude à l'identité, les actes malveillants sont de plus en plus courants et sophistiqués et les conséquences peuvent être lourdes. Sécurité insuffisante, vulnérabilités facilement exploitables, la réponse apportée par les institutions financières et bancaires, les opérateurs et les Fintechs victimes de ces actes malveillants n'est pas toujours adaptée. Afin d'éviter d'entrer dans une tourmente numérique, il importe de faire de la cybersécurité une responsabilité collective, notamment dans le secteur financier, dont les enjeux sont considérables pour le développement socio-économique des pays.

L'Afrique victime de son propre succès ?

La numérisation progresse à grand pas sur le continent africain depuis quelques années. Elle a tout particulièrement pris une nouvelle ampleur depuis la crise de la COVID-19. Quelques 600 millions d'Africains sont aujourd'hui en ligne. Aussi grand que soit ce nombre, il ne représente cependant que 35% de la population du continent. Le potentiel de croissance de ce secteur est donc considérable.

L'adoption généralisée des nouvelles technologies, notamment permise grâce au développement des infrastructures numériques s'accompagnant de facto d'une hausse de la pénétration d'Internet, et la démocratisation du téléphone mobile ont modifié le paysage économique africain. La transition numérique en cours s'affirme tout particulièrement comme un levier de bancarisation et dès lors d'inclusion financière, sur lequel les institutions capitalisent de plus en plus.

En effet, la révolution numérique a entraîné une augmentation de l'accès aux services financiers et des transactions bancaires en ligne. A la fin de l'année 2022, 48 % de la population africaine en moyenne disposait d'un compte bancaire. Les marges de progression, bien qu'hétérogènes, sont notables. Sur le mobile money plus précisément, le rapport 2022 de l'Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA) soulignait que l'Afrique fait figure de pionnier dans la digitalisation des pays, le continent hébergeant plus de la moitié des comptes de mobile money actifs dans le monde en 2021. La même année, l'Afrique recensait 184 millions d'abonnés contre 161 millions en 2020.

Ce succès n'est cependant pas exempt de risques. Hameçonnage, intrusion et fraude dans les systèmes informatiques, les tentatives d'extorsion sont nombreuses et se traduisent notamment par le vol de données personnelles des utilisateurs. Outre le fait que ces derniers perdent confiance en l'institution, les conséquences peuvent également avoir un impact sur leur vie personnelle, notamment pour les ménages aux revenus modestes.

Il faut agir pour assurer notre sécurité numérique

La transformation numérique offre de nombreuses et belles opportunités pour nos concitoyens, mais il ne sera pas possible de pleinement capitaliser sur celle-ci tant que la sécurité du cyberespace ne sera pas garantie. Nombreux sont les acteurs qui sont convaincus, pour diverses raisons, qu'ils ne seront pas un jour victime d'une cyberattaque. Malheureusement, nul n'est épargné dans la malveillance qui anime certains et croire le contraire serait utopique. Pour la Côte d'Ivoire seulement, les chiffres sont sidérants : entre 2011 et 2021, le centre des incidents a estimé le coût de la cybercriminalité à près de 20 milliards de FCFA, soit plus de 30 millions d'euros.

C'est pourquoi nous devons agir afin d'assurer notre sécurité numérique, tout particulièrement dans des secteurs tels que les paiements mobiles, qui sont, par essence digitalisés et au cœur de l'économie numérique africaine. Chez Ecobank, cela fait maintenant plus de dix ans que nous avons adopté des dispositions pour anticiper toute cyberattaque et ainsi protéger nos clients et nos différents actifs. A titre d'exemple, notre groupe a déjoué entre janvier et mars 2022 près de 500 tentatives d'attaques, preuve que les institutions bancaires et financières sont de plus en plus ciblées à mesure que la digitalisation progresse sur le continent. A cet effet et pour sécuriser les transactions mobiles de nos clients, chez Ecobank, nous avons intégré dans notre application mobile des fonctionnalités de sécurité avancées telles que l'authentification biométrique, l'authentification à deux facteurs et la tokenisation.

Si la réponse à apporter pour se protéger et se prémunir de tels actes est tout d'abord technologique, elle n'est pas indissociable de la formation du capital humain. Le manque de ressources et de connaissances dans le secteur du numérique, et plus particulièrement dans celui de la cybersécurité, est un frein et constitue l'un des facteurs explicatifs à la hausse du nombre d'attaques cyber ces dernières années. Il n'y aurait seulement que 10 000 professionnels ayant une expertise sur ces sujets, ce qui est bien trop peu au regard de la menace croissante. Il est donc essentiel d'accroître l'offre de formation dans ce secteur et promouvoir les talents de demain. Pourquoi pas, par exemple, organiser annuellement un hackathon de cybersécurité où tous pourraient travailler de concert sur des solutions pour sécuriser les paiements mobiles ? Les banques peuvent également investir dans des start-ups opérant tech visant à créer des solutions pour protéger les e-paiements.

Au-delà de cela, il est enfin plus qu'essentiel de former et de sensibiliser en interne l'ensemble du personnel, tout niveau de hiérarchie confondue. Manque de vigilance, protection insuffisante des documents et des systèmes, l'erreur est avant tout humaine. C'est pourquoi elle est évitable. Il est également essentiel de sensibiliser les usagers et clients aux bonnes pratiques afin d'éviter les risques en ligne.

Une véritable culture de la cybersécurité doit donc émerger au sein des organisations, celles-ci devant notamment cesser d'instaurer une omerta quand elles sont victimes d'actes malveillants. La cybersécurité appelle à une responsabilité, une réponse et une réflexion collectives et pluridisciplinaires. A cet effet, la 3e édition du Cyber Africa Forum (CAF) à laquelle nous avons pris part pour la troisième année consécutive est un événement clé pour l'avenir du continent africain en termes de cybersécurité. La myriade d'acteurs qui se réunit chaque année est à même d'impulser une nouvelle dynamique et d'échanger sur ce sujet critique qu'est la protection face aux cyber risques, notamment pour des industries critiques que sont les institutions bancaires et financières.

Sensibilisation, réflexion stratégique et efforts coordonnés ont été au cœur de cette nouvelle édition du CAF et nous sommes ravis, chez Ecobank, d'y apporter notre contribution pour un avenir numérique pérenne et durable en Afrique.


(*) Manager de la gestion de services informatiques (ITSM) pour la région UEMOA d'Ecobank Côte d'Ivoire.

(**) Directrice Groupe des Produits d'Encaissements d'Ecobank Transnational Incorporated.

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