Logistique et digital au service du désenclavement des territoires

Optimiser la logistique n'est pas nécessairement créer de nouveaux réseaux, mais plutôt rendre les réseaux existants plus performants...
(Crédits : DR.)

L'Afrique fait face à un chantier de taille : la logistique. En effet, on parle souvent de l'électrification, mais très peu de lumière est accordée à l'enjeu que constituent les réseaux de transport. En dépit des progrès louables enregistrés ces quinze dernières années, notamment dans le domaine portuaire, le secteur logistique reste insuffisamment compétitif pour soutenir l'industrialisation et la croissance économique africaine. À l'image de grands projets tels que la Zleca (Zone de libre-échange continentale africaine),qui constituera à terme le plus grand marché commun du monde, l'Afrique doit également s'atteler au chantier logistique à plus petite échelle, au plus proche de ses citoyens. Le déficit en termes de voies de communication praticables engendre un enclavement, situation très préjudiciable en termes économiques et sociaux pour le continent. Une stratégie digitalisée est indispensable à la fluidification des échanges sur le continent et à la réduction des distances entre Africains.

Obstacles logistiques et enclavement

Tout d'abord, dressons le constat. Le continent cumule les obstacles logistiques, le principal défi du secteur étant le manque d'infrastructures de qualité et le retard dans la modernisation.Aujourd'hui, le secteur des transports fonctionne de manière très traditionnelle et l'archaïsme de ces méthodes nuit véritablement à l'optimisation des procédures. Ces lacunes infrastructurelles sont préjudiciables autant pour le continent dans sa macrostructure que pour les citoyens : le coût des marchandises échangées entre pays africains varie de 30 % à 40 %. Selon l'Union Postale Universelle, seulement 22 % des habitants en Afrique reçoivent leur courrier directement à leur domicile, les autres habitants se déplacent pour le chercher dans une boîte postale, ce qui ajoute un coût supplémentaire, car ces boîtes sont souvent louées.

À cette problématique se joint l'enjeu de l'urbanisation. En l'espace de 20 ans, la population urbaine du continent a doublé ; on assiste à des flux de populations intenses entre les villes et les différentes régions. Néanmoins, comme les réseaux de transport sont peu efficients, il en résulte un délitement du lien social entre populations nouvellement urbanisées et leurs villes d'origine, souvent non ou mal desservies par les acteurs traditionnels de la livraison.C'est pourquoi, face à cette situation d'enclavement, il est essentiel que les secteurs privé et public unissent leurs forces afin d'améliorer les infrastructures de transport et d'insérer les territoires dans les réseaux existants.Par exemple, la Côte d'Ivoire a massivement investi dans les infrastructures logistiques ces dernières années - qu'elles soient routières, portuaires ou ferroviaires. Elle alloue aujourd'hui 7 % de son budget à ces infrastructures. Preuve que certains pays se révèlent d'ores et déjà pionniers de cette tendance.

Désenclaver en s'appuyant sur les réalités locales

Optimiser la logistique n'est pas nécessairement créer de nouveaux réseaux, mais plutôt rendre les réseaux existants plus performants. En ce sens, la solution réside dans la collaboration avec les différents transporteurs africains,afin de proposer une solution qui soit la plus proche du marché et des consommateurs locaux. Il convient de s'inscrire dans une démarche inclusive en s'appuyant sur des acteurs locaux et des réseaux formels et informels. Ainsi, le secteur fait vivre les transporteurs locaux, en les incluant dans les dynamiques logistiques et en les faisant bénéficier de la valeur ajoutée nouvellement créée.

Digital et logistique, le combo gagnant

Le taux de pénétration de téléphonie mobile en Afrique est l'un des plus élevés au monde, selon une étude menée par Deloitte, plus de 600 millions de smartphones seront en circulation d'ici 2025 sur le continent. Le téléphone portable n'est plus un simple outil de communication. Ce formidable support digital peut être utilisé pour réduire le temps et l'argent dépensé dans les procédures logistiques.Par conséquent, à l'aide d'un clic sur son téléphone, tout citadin peut envoyer et recevoir régulièrement des colis et des plis de sa ville d'origine.Alors, pourquoi ne pas profiter de ces innovations ? Les solutions datant du siècle dernier n'ont plus leur place dans un contexte d'émulation créative. Ne nous complaisons pas dans des solutions archaïques, car ce sont elles qui nous enferment et nous empêchent de libérer pleinement notre potentiel économique.

En définitive, le désenclavement du continent africain passe fondamentalement par la modernisation de sa logistique afin de créer un véritable maillage territorial. À terme, c'est la réduction des distances entre les villes et la promotion d'un développement africain inclusif qui est en jeu. C'est dans cette perspective que nous dépasserons la situation d'enfermement et que nous transformerons notre continent de 30 millions de km²en un continent interconnecté.La logistique sur le continent doit pour cela être multimodale : elle doit pouvoir s'adapter aux différents besoins des industriels et particuliers, tout en profitant du dynamisme de l'écosystème Tech africain et en s'appuyant sur les spécificités locales.

(*) Cynthia Aissy est directrice générale de KeyOpsTech, première entreprise qui digitalise le suivi de livraison de colis et de plis en Afrique. Elle est implantée en Côte d'Ivoire et au Sénégal depuis 2018, ainsi qu'au Mali et au Burkina Faso depuis 2019.

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