Post-crise : construire la confiance à travers la gouvernance

Frappées de plein fouet par les effets de la crise, les entreprises du continent doivent profiter de la conjoncture pour remettre à jour leur mode de fonctionnement, notamment en termes de gouvernance. C'est cette conduite qui permettra désormais au tissu entrepreunarial d'aller de l'avant, comme le défend Joël Rault, ancien ambassadeur de Maurice en France et Conseiller spécial au ministère des Finances à Maurice, et fondateur du cabinet Hermès Advisory.
(Crédits : Hermès Advisory)

Ces jours-ci, les États rendent tour à tour publics leurs plans de déconfinement, signe que le pic de la pandémie est bien entamé, et nous sommes en droit d'espérer qu'une maîtrise du Covid-19 est d'actualité. La réintroduction de la liberté de circulation amorcera un retour progressif des affaires, qui ne se fera pas sans heurts.

La crise sanitaire qui a entraîné un confinement quasi planétaire a également repoussé un certain nombre de décisions de gestion qu'il faudra maintenant pleinement assumer. La crise sanitaire laissera peu à peu la place à la crise économique qui occupera désormais notre quotidien pendant une relativement longue période.

La phase qui débute verra un certain nombre d'entreprises en difficulté qui, par manque de trésorerie ou par la remise en question de leurs modèles initiaux, seront forcées de licencier, dans le meilleur des cas, pour tenter de survivre.

Sur le continent africain, bien qu'au niveau sanitaire l'épidémie ait été moins dévastatrice que ce que les experts annonçaient, les entreprises ne seront pas épargnées par la crise économique qui prend aujourd'hui le pas.

Le FMI projette une contraction substantielle du PIB par habitant pour atteindre un modeste 4 % en moyenne, une mauvaise performance partiellement causée par la dégringolade mondiale de l'offre et de la demande et ses conséquences sur le prix et les volumes des commodités. Ajouté à cela la dévaluation volontaire ou involontaire de certaines monnaies, une inflation grimpante et des difficultés à importer les matières premières et les barrières sanitaires à la libre circulation ont contribué à la situation actuelle.

Certes, en interne, les gouvernements ont pris des mesures budgétaires et monétaires pour assurer une viabilité du système et une certaine liquidité sur les marchés, et l'idée d'un moratoire ou d'une annulation de dettes fait son chemin au niveau international. Mais ces mesures ne pourront à elles seules assurer la relance.

Les entreprises africaines de toutes tailles doivent profiter de cette crise et de la léthargie qu'elle a créée pour restructurer leurs activités et leurs modes de fonctionnement en se reconstruisant sur des modèles modernes, efficients et transparents.

Face à l'afflux de demandes émanant de sociétés ou de groupes de sociétés en difficulté, la gouvernance d'entreprise sera plus que jamais le sésame permettant de trouver des financements extérieurs essentiels à la poursuite de l'activité sur le long terme.

La bonne gouvernance instaure le climat de confiance, de transparence et de responsabilité essentiel pour les investissements à long terme et pour maintenir une stabilité financière.

L'adoption de ces principes de gouvernance d'entreprise s'inscrit bien évidemment dans une restructuration cohérente des entreprises et demandera parfois de s'éloigner des habitudes bien ancrées, notamment dans des entreprises familiales ou dans celles dont l'actionnariat est majoritairement familial. Mais cela concerne également toute entreprise accédant difficilement à des prêts bancaires ou de l'investissement à cause de leurs structures mal constituées et de l'opacité de leurs pratiques comptables.

Les structures mal constituées et l'opacité ne sont pas nécessairement frauduleuses. Elles correspondent à un environnement des affaires en décalage avec les attentes des investisseurs qui sont souvent séduits par le modèle opérationnel, mais frileux par rapport aux réalités structurelles.

La restructuration nécessitera d'abord un réaménagement de certains éléments constitutifs de l'entreprise avec un conseil d'administration crédible, pleinement habilité et respecté, donnant des orientations stratégiques et contrôlant les activités de la direction tout en veillant à ce que l'entreprise rende des comptes aux actionnaires.

La représentativité sur les conseils d'administration devra être revue pour y intégrer des administrateurs extérieurs et indépendants compétents qui apporteront la valeur et le détachement nécessaires pour s'assurer que le conseil d'administration et la direction poursuivent les objectifs représentant les intérêts de l'entreprise et des actionnaires.

L'assurance d'un équilibre entre les intérêts des actionnaires et ceux des autres parties prenantes procure un avantage compétitif à l'entreprise qui verra croître sa valorisation tout en s'ouvrant de nouvelles opportunités de financements extérieurs à des coûts de capitaux réduits pour financer sa croissance.

Cette bonne gouvernance notamment incarnée et garantie par les administrateurs indépendants donnera confiance aux investisseurs et aux créanciers locaux et étrangers, que ceux-ci procurent de la dette ou de l'equity.

En l'absence d'institution étatique ou para-étatique édictant des normes de gouvernance, la solidité des instances internes de contrôle devra être renforcée encore plus par l'indépendance des auditeurs externes. Cette indépendance des administrateurs et des auditeurs créera l'environnement de confiance primordial à l'instauration de la confiance.

La quasi-totalité des sociétés et les groupes de sociétés auront besoin de conseillers pragmatiques pour les accompagner dans cette transformation qui sera stratégique, juridique et financière et qui précédera les réformes qui seront certainement et subséquemment mises en place par les États.

La pandémie nous a rappelé à quel point le monde économique est fragile et interrelié. L'effet papillon a été rapide, brutal et global, mais le chaos poussera à articuler les réformes en profondeur, réformes essentielles qui sans le Covid-19 n'auraient pas vu le jour de sitôt.

(*) Ancien ambassadeur de Maurice en France et Conseiller spécial au ministère des Finances à Maurice, Joël Rault est aujourd'hui basé à Paris où il a fondé le cabinet Hermès Advisory. Celui-ci agit en conseil stratégique pour certaines entités mauriciennes et conseille d'autre part certains groupes européens dans leurs relations avec l'île Maurice. Joël Rault a siégé à l'OIF, à l'UNESCO, à l'OMT et à l'OCDE Dev, institutions avec lesquelles il entretient une relation continue.

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