La «macron-mania» à l'épreuve des faits

Depuis le soir de son élection et plus encore depuis son entrée à l'Elysée et au fil de ses rencontres avec les grands de ce monde, Emmanuel Macron fait un sans-faute... Tribune de Pierre Rousselin.

Depuis le soir de son élection et plus encore depuis son entrée à l'Elysée et au fil de ses rencontres avec les grands de ce monde, Emmanuel Macron fait un sans-faute. Le contraste de son attitude, toute de solennité et de dignité, avec celles de ses prédécesseurs, indécise et vaine pour François Hollande, fébrile et tapageuse pour Nicolas Sarkozy, explique la «macron-mania» qui s'est installée. Pour combien de temps ?

Personne ne se plaindra qu'un vent d'optimisme souffle sur un pays si prompt à se laisser aller au déclinisme. Il faut souhaiter que ce jeune président réussisse là où tant d'autres, plus expérimentés que lui, ont échoué. Sa fraîcheur est une force. Il ne sera pas bridé par les inhibitions et les réflexes d'une classe politique rompue aux combines stériles.

Restaurer le prestige de la fonction présidentielle, mise à mal au cours des deux quinquennats précédents, a été la priorité. Cela a été fait à coups de symboles qu'il reste à traduire dans les actes. Sur ce terrain-là, il sait que son jeune âge et le flou de ses positions sur les questions régaliennes constituent des handicaps qu'il s'emploie à relever.

Revenir à l'Europe

Emmanuel Macron a beaucoup de qualités. La plus précieuse, à ce niveau le plus haut, est de bien savoir s'entourer. La composition du gouvernement est un signe qui ne trompe pas. Dans chacun des domaines clés, le niveau d'expertise a été salué de toutes parts. Avec Jean-Yves Le Drian, au Quai d'Orsay, c'est l'expérience qui est primée. L'ancien ministre de la Défense apporte sa connaissance approfondie des dossiers les plus délicats et le solide réseau qu'il s'est constitué, notamment auprès des chefs d'Etat africains.

L'ajout de l'Europe dans l'intitulé du ministère «de l'Europe et des Affaires étrangères», les nominations de Sylvie Goulart aux Armées et de Philippe Etienne en tant que «sherpa» à l'Élysée, traduisent une volonté très marquée d'inscrire l'action de la France dans un cadre européen. Pour la première fois depuis des décennies et dans un contexte de défiance généralisée, la contrainte et la nécessité européennes sont enfin pleinement assumées. Dans la continuité du message porté durant la campagne électorale, c'est une preuve de pragmatisme et de courage politique qui vise à redonner un cap à la diplomatie française et ramener la confiance des citoyens sans laquelle le projet européen a montré qu'il ne pouvait avancer.

Après une décennie de navigation à vue, voilà qu'une feuille de route est proposée. D'abord, enclencher une fois pour toutes la modernisation du «modèle» économique et social français en s'inspirant des exemples nordiques. La réforme en profondeur du droit du travail en est la condition sine qua non. Elle n'aura pas d'effets immédiats. Mais sans elle et sans une remise en ordre des finances publiques, rien n'est possible.

Ayant prouvé sa volonté et sa capacité de faire bouger les choses sur le front interne, Emmanuel Macron pourra ensuite s'atteler à la relance de l'Europe, avec une Allemagne enfin rassurée, qui, elle-même, aura, cet automne, renouvelé son mandat démocratique.

Briser les murs du sectarisme

En principe, tout est réglé comme sur du papier à musique. Reste à jouer la partition. Dans l'immédiat, l'élection législative de juin en est le passage le plus difficile. Les Français seront-ils à la hauteur de celui qu'ils ont élu de façon si déconcertante ? Il ne s'agit pas de lui offrir le chèque en blanc d'une majorité absolue, mais plutôt de lui permettre de rassembler au-delà des convaincus pour former une coalition prête à mettre en œuvre les sacrifices nécessaires, après une concertation élargie.

La «macron-mania» cache un paradoxe. Si le président de la République recueille tant de commentaires favorables, c'est surtout qu'il tranche avec la médiocrité de ses prédécesseurs. Il ne profite d'aucune lune de miel auprès de l'opinion parce que le centre, où il a décidé de s'établir, n'existe pas vraiment, ou plutôt qu'il reste largement minoritaire, comme on l'a vu au premier tour de la présidentielle. Malgré quelques ralliements individuels, ni la droite ni la gauche ne soutiennent le gouvernement, pas plus que tous ceux qui ont montré leur rejet du système. Qu'en sera-t-il lorsqu'il faudra prendre des décisions nécessairement impopulaires ?

Il ne suffit pas d'élire un surdoué à la tête de l'Etat. Il ne suffit pas de le laisser dynamiter un système politique vermoulu. La France doit encore montrer qu'elle sait répondre aux sollicitations venues d'en haut. Chaque catégorie sociale, chaque pouvoir constitué doivent abandonner leurs sectarismes et adapter leurs comportements pour qu'une nouvelle réalité voie le jour et que les réformes tant de fois ajournées soient enfin possibles. Il en est de même en Europe, où le retour de la France devra s'accompagner d'une volonté de refondation partagée par ses partenaires, et en premier lieu l'Allemagne.

Qu'un cercle vertueux se mette en branle, d'abord en France puis au-delà, et le talentueux président aura réussi un tour de force. Alors, la «macron-mania» sera justifiée.

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