Comment avoir une laïcité harmonieuse  ? (Tribune)

À chaque manifestation organisée par les leaders religieux dans nos pays, notamment celles touchant des sujets sensibles, polémiques ou politiques, de nombreux intellectuels et responsables publics s'inquiètent de la montée de la religion politique et invoquent la laïcité comme paravent voire comme protection.

À force de la convoquer constamment dans le débat notamment contre l'islam politique, la laïcité est en passe de devenir un simple mot, voire un slogan de ralliement sans contenu car, bien souvent, il n'y a pas de véritable débat ni sur son contenu, ni sur ses manifestations et encore moins sur sa portée. Or, elle a été conceptualisée à une époque donnée, dans un environnement spécifique et pour des buts quelques fois éloignés de ce que nous vivons aujourd'hui. C'est pourquoi, il est impératif de lui donner des illustrations précises aujourd'hui pour la porter de manière harmonieuse et adaptée dans nos sociétés. Dans cette optique, il nous est obligatoire de mener à bien quatre chantiers majeurs, en fonction des spécificités de nos pays, pour donner une place à la religion dans nos sociétés tout en faisant en sorte que le fonctionnement étatique se meuve dans un encadré laïc qui intègre harmonieusement les diversités de nos pays.

Pratiques éclairées

Le premier chantier majeur est de travailler à instaurer des rapports productifs entre la religion et la politique. Il nous faut d'abord définir et mettre en place des politiques du culte dans nos pays. Nous devons fixer le cadre du culte, son organisation, ses rapports avec la société et les autorités, les limites de son expression, les incompatibilités qui frappent ses leaders...Cela doit être poursuivi par l'organisation des clergés et la définition d'un cadre formel de coopération entre eux et tous les niveaux de l'Etat. Nos autorités publiques, dans le cadre d'une collaboration productive avec les clergés, aussi bien sur le plan national que dans les localités, doivent travailler à mieux expliquer les religions, mieux organiser leur enseignement, encadrer l'organisation et le fonctionnement des organisations religieuses, faciliter les débats vers une bonne compréhension des religions, ce qui contribuera à éclairer les populations et à renforcer leurs aptitudes à ne pas succomber aux arguments des vendeurs d'illusions ! Les pratiques religieuses éclairées, productives et contributives doivent être soutenues pour mieux mettre à jour la religion facteur de paix, de progrès et d'harmonie. Ce cadre formel, massif et profond de collaboration entre l'Etat et les religions se traduira nécessairement par la définition de limites entre le domaine public et le domaine privé tout en maintenant un cadre de dialogue et de discussion permettant d'évacuer tous les domaines de tension.

Le second chantier à aborder est celui de l'instauration de rapports sains entre le politique et le religieux. Nous devons définir le religieux, donner un statut aux leaders religieux, organiser l'accès à la fonction, déterminer les droits et devoirs, identifier les obligations de réserve et surtout encadrer les implications politiques de ces acteurs sociaux significatifs. Dans nos pays, on ne fera pas l'économie de l'insertion dans les règles politiques d'un dispositif qui balise le rapport qu'un homme politique devrait avoir avec un religieux avant les campagnes, pendant les campagnes, et durant l'exercice des responsabilités. Il nous faut également travailler sur la moralisation de la vie publique pour faire en sorte que, progressivement, nos pays soient dotés de leaders consciencieux, exemplaires, travaillant dans l'intérêt collectif et exerçant leurs responsabilités dans le cadre de la promotion de la vertu, du respect des règles, de la bonne gouvernance, de la collaboration avec les populations avec le souci constant de satisfaire leurs attentes. C'est la voie qui crédibilisera le politique et dispensera le religieux d'avoir quelques tentations que ce soit en matière de gestion de la collectivité. Ce chantier doit enfin s'illustrer par la promotion du dialogue permanent entre les religions et entre celles-ci et les pouvoirs publics de la base au sommet.

L'absence de contact, la distance cultivée quelques fois par nos élites vis-à-vis des religieux, crée de l'incompréhension et de la suspicion. Ce qui n'est pas propice aux échanges, à la collaboration et au traitement conjoint des défis. Il faut abattre ce mur et instaurer, au besoin en la formalisant, des cadres de dialogues à tous les niveaux de l'Etat, entre le politique et le religieux.

Le troisième chantier à gérer dans le cadre de l'instauration d'une laïcité harmonieuse et constructive dans nos pays est celui de la formalisation de la séparation entre la religion et l'Etat. C'est la substance de la laïcité et elle doit être affirmée tout en lui donnant les formes requises. L'Etat s'organise, fonctionne, se déploie et rend service aux citoyens selon des règles qui lui sont propres et prises à travers ses propres processus. A la religion, la sphère privée et quelques fois les rapports familiaux et sociaux, à l'Etat l'organisation de la vie publique et l'amélioration des conditions de vie des citoyens. Les points d'intersection seront nombreux (Etat civil, statut de la femme, pratiques sociales comme l'excision...) et doivent faire l'objet de suivi. Le cadre de concertation et de collaboration préconisé précédemment permettra de les identifier, de les anticiper et de déterminer les voies et moyens permettant de les traiter à la satisfaction de tous. Par nature, les questions sociales sont difficiles car souvent touchant aux convictions intimes des citoyens. Cependant, quand elles sont abordées de manière intelligente, dans le cadre de débats approfondis où chaque partie prenante est conviée et s'exprime de manière adéquate, il n'y a pas de sujet au-dessus des capacités de traitement de nos pays.

La liberté de culte en Afrique

Le dernier chantier est celui du renforcement de la liberté de culte dans nos pays. Il revient aux puissances publiques de permettre à chaque citoyen de pratiquer le culte de son choix et de s'organiser pour que les lieux de culte soient disponibles. Elles doivent particulièrement faire attention à la protection des cultes minoritaires et soutenir les dialogues interreligieux permettant d'annihiler toutes confrontations ou tout risque de confrontations inter religieux. Dans ce segment d'intervention, la responsabilisation des collectivités locales en matière d'équilibre et de collaboration avec les clergés sera déterminante. Le pouvoir de proximité est plus apte à identifier les sources de tensions et de les gérer. Il convient de l'intégrer de l'en responsabiliser.

Dans le contexte international que nous vivons et qui se caractérise par quelques mouvements de replis sur soi, la cristallisation de tensions sociales, religieuses et culturelles, il sera illusoire de contenir les poussées religieuses par des incantations. C'est en abordant courageusement les questions de fond relatives à la religion et à sa place dans nos sociétés, aux rapports entre elle et la gestion de la cité, aux responsabilités des leaders religieux en rapport avec les dirigeants politiques sans nier les lignes de fracture et les zones de tensions, que nous nous donnons quelques chances de maintenir les équilibres sociaux de nos pays.

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Commentaires 3
à écrit le 30/04/2017 à 23:44
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Propositions intéressantes. Et pour ceux défendent clairement et au quotidien des valeurs humaines et sont au service des autres pour leur éducation, leur épanouissement, etc...sans participer à AUCUNE religion...qu'est ce qu'on fait de leur laïcité ...

à écrit le 29/04/2017 à 12:23
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Non, il n'y a aucune "liberté de culte à renforcer" : c'est le faux nez de ceux qui veulent développer le multiculturalisme en France, et dans les faits imposer l'Islam aux Français. Si l'on veut se donner une chance de maintenir les équilibres socia...

le 01/05/2017 à 5:59
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Peut-être que ce serait bien de lire de quel continent il s'agit. il parle de l'AFRIQUE....

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