Innovation technologique  : le financement des jeunes pousses africaines est un enjeu stratégique

A contre courant des tendances mondiales (un recul de 24% des investissements dans les Start-up en 2016 par rapport à 2015), le financement des Start-up africaines des TIC a enregistré en 2016 une hausse de 33% par rapport à 2015. Néanmoins, en raison de profondes faiblesses structurelles, les montants enregistrés représentent une goutte d'eau dans le financement mondial destiné aux Start-up des TIC.

Selon le fonds d'investissement Partech Ventures, l'année 2016 a été un bon cru pour les Start-up africaines notamment celles des TIC. En effet,  celles-ci ont attiré l'année dernière 367 millions de dollars d'investissement contre 276,5 millions de dollars en 2015. Bien qu'il s'agisse d'une hausse importante, surtout dans une tendance mondiale en reflux, les sommes levées par les Start-up africaines des TIC restent faibles dans la mesure où, à l'échelle mondiale, les Start-up ont récolté 127,4 milliards de dollars en 2016, selon le cabinet KPMG dans son analyse mondiale du capital risque intitulée "Venture Pulse Q4 2016".

Une attractivité limitée des Start-up africaines des TIC malgré un dynamisme avéré

Ces chiffres sont révélateurs d'une attractivité encore limitée des Start-up africaines des TIC alors qu'assez paradoxalement le dynamisme exceptionnel de celles-ci dans les domaines des Greentech (Off-Grid notamment), des Fintech, des Edtech ou encore des Healthtech est salué de manière régulière ces dernières années.

Et pourtant, les solutions de financement proposées aux Start-up africaines semblent aujourd'hui nombreuses et diverses : le Capital risque, les Business Angels, les micro-crédits, les financements bancaires, les financements dans le cadre des concours de création d'entreprises ou encore plus récemment le Crowdfunding (financement participatif).

En réalité les obstacles auxquels sont confrontées les Start-up africaines sont de plusieurs ordres mais peuvent tous être résumés en terme de crise de confiance.

En effet, d'une manière générale, les risques liés à l'investissement en Afrique sont qualifiés d'importants en raison de l'absence de cadres juridique, économique et politique stables et fiables. Plus spécifiquement, à quelques exceptions près (Rwanda ou dans une certaine mesure le Sénégal), les Start-up des TIC ne bénéficient pas de réelles politiques d'incitation à leur financement : les modes de financement alternatifs aux banques manquent encore du soutien de la part des Etats qui peinent à mettre en place des cadres réglementaires dédiés. A ce propos, la Banque mondiale dans un rapport publié en 2015 relève des obstacles relatifs au Crowfunding[1].

Par ailleurs, dans les pays de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), l'octroi de prêts relève du monopole bancaire au titre de la Loi-cadre portant réglementation bancaire de l'UMOA[2]. En outre, dans l'espace OHADA, il existe un risque de voir une levée de fonds par émission d'actions au moyen d'une plateforme de Crowdfunding s'analyser en une émission par appel public à l'épargne[3].

Quant aux Start-up de l'innovation technologique, en plus des limites précitées, elles présentent plus particulièrement des risques inhérents au processus itératif de recherche et de validation de modèle économique viable qui les caractérise et qui nécessite des tests récurrents d'adéquation produits/marché en vue du développement d'une activité à fort potentiel de croissance. Ceci implique nécessairement une levée des fonds assez importants.

Or, ces entrepreneurs 2.0 suscitent la réticence des investisseurs et des banques, malgré l'important potentiel économique et social qu'ils représentent, en raison des risques importants d'échec qui pèsent sur eux, de la quasi-inexistence de garanties pour sécuriser le financement bancaire, de leurs compétences limitées en matière de gestion d'entreprise et de leur méconnaissance des standards, des codes et des exigences internationaux. En outre, ils demeurent encore faiblement soutenus par les Etats africains qui semblent ne pas encore assez mesurer leur importance stratégique pour leurs économies.

Développer un cadre de financement favorable aux Start-up innovantes : un enjeu stratégique

Favoriser l'éclosion des jeunes pousses de l'innovation technologique en Afrique suppose de la part des différents acteurs (Etats, investisseurs, Start-up elles mêmes) des approches innovantes permettant de mieux libérer le potentiel du financement de l'économie numérique naissante sur le continent caractérisée par l'acronyme ATAWAD (« anytime, anywhere, anydevice »). Il s'agit pour ces acteurs d'aller au-delà des modes classiques de financement des établissements bancaires institutionnels pour encadrer les nouveaux modes de financement alternatifs mieux adaptés aux codes de l'économie numérique afin que ceux-ci répondent de manière adéquate aux besoins de financement des jeunes pousses de l'innovation technologique. L'objectif essentiel est créer une émulation en matière d'innovation et d'assurer la pérennité de ces jeunes pousses innovantes. Cela implique des mesures incitatives tant du point de vue des mécanismes financiers que de l'aide à la valorisation des savoirs faire des acteurs TIC.

À l'évidence, ces nouveaux modes de financement doivent faire l'objet d'attention particulière de la part des Etats africains pour répondre à un certain nombre d'exigences. Ils doivent notamment être dotés de statuts juridiques propices à leur sécurité, à leur développement et à leur efficacité. Cela implique, par exemple, de prendre des mesures réglementaires qui concourent à l'émergence d'un activisme financier local en faveur de l'innovation, à la mise en place de cycles d'accompagnement et de formation, à d'éventuelles prises de participation dans les Start-up, à la valorisation de leur patrimoine immatériel, à la garantie de leur propriété intellectuelle ou encore à l'instauration de garanties bancaires associés à des process de sélection rigoureuses, Ces mesures doivent néanmoins tenir compte de la concurrence nécessaire faite aux systèmes bancaires et de l'importance des risques encourus notamment en matière de fraude fiscale ou de blanchiment d'argent.

De telles approches qui pourraient renforcer l'attractivité internationale des start-up des TIC peuvent être plus efficacement mûries dans le cadre des grands ensembles régionaux.

[1] World Bank Group, Crowdfunding in Emerging Markets, Lessons from East African Startups, 2015, p.7.

[2] Art. 13 de la Loi-cadre portant réglementation bancaire de l'UMOA (https://www.bceao.int/Loi-portant-reglementation.html).

[3] Article 81 et s. de l'Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (OHADA) du 30 janvier 2014.

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