Le choix des armes

Un peu partout l'heure est au réarmement. Les Etats-Unis de Donald Trump présentent un budget militaire en pleine expansion et appellent leurs alliés à dépenser davantage pour leur défense tandis que la Russie de Vladimir Poutine inquiète et que la Chine de Xi Jinping redouble d'efforts pour moderniser l'armée populaire.

Si l'on ignore où mènent les bouleversements en cours sur la scène internationale, une chose est certaine : le monde a fini de profiter des dividendes de la paix et chacun se prépare à mieux se défendre dans un contexte d'instabilité exacerbée.

Donald Trump a donné une indication très claire de ses intentions en annonçant une augmentation de 10% du budget du Pentagone, qui (à plus de 600 milliards de dollars) représente déjà, à lui seul, 40% des dépenses militaires mondiales. On est loin du bond de 25%  décidé par Ronald Reagan en 1981 mais, jamais depuis la fin de la guerre froide, l'Amérique n'avait ainsi relancé la course aux armements.

Les motivations de Trump rappellent celles de Reagan : en l'absence d'une véritable stratégie militaire, l'objectif est autant de relancer l'économie intérieure que d'impressionner les adversaires potentiels. En Syrie, la présence très visible d'un bataillon d'artillerie du corps des Marines venu, la bannière étoilée au vent, venu prêter main forte au combat contre l'Etat islamique, montre que la nouvelle administration ne sera pas forcément aussi isolationniste que peut le faire croire son slogan « America First ». Si l'on tient compte du fait que le « stratège » de la Maison Blanche, Steve Bannon, est convaincu qu'une guerre avec la Chine est inéluctable, les perspectives ne sont guère encourageantes. Pékin n'a officiellement annoncé cette année qu'une modeste augmentation de ses dépenses militaires mais celles-ci ont tout de même été multipliées par dix en quinze ans et la Chine se prépare à contester aux Etats-Unis leur maîtrise des lignes maritimes.

En Asie, les tensions ne s'accroissent pas seulement avec les revendications de Pékin en mer de Chine mais aussi avec le comportement imprévisible du régime de Pyongyang. Les récents essais de missiles balistiques par la Corée du Nord ont suscité le déploiement d'un bouclier antimissile américain pour protéger Séoul, ce qui a fortement indisposé Pékin. Aucun régime multilatéral n'existe dans cette région extrêmement volatile pour limiter les dangers de confrontation dans cette région qui est d'ailleurs celle qui connaît la plus forte croissance des importations d'armements, selon l'institut indépendant SIPRI (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm).

Le réarmement est un phénomène mondial et concerne aussi premier chef le Moyen-Orient mais également le continent africain où l'Algérie est le premier importateur avec 46% du total régional, toujours selon le SIPRI. En Afrique sub-saharienne, ce sont trois pays confrontés à des conflits ouverts, le Nigéria, le Soudan et l'Ethiopie qui sont les principaux acheteurs d'armes.

La course mondiale aux armements et lancée alors que les excès verbaux de Trump font craindre un dérapage et que le régime de contrôle des armements mis en place entre les Etats-Unis et la Russie à la fin de la guerre froide est en faillite. De part et d'autre, la modernisation des arsenaux nucléaires est de nouveau à l'ordre du jour comme leur intégration dans les stratégies militaires.

L'Europe qui a longtemps profité des dividendes de la paix est contrainte de suivre le mouvement. Au sein de l'Alliance atlantique, les alliés sont mis en demeure de respecter leur promesse de dépenser 2% de leur PIB pour la défense. Il faut dire que les Etats-Unis en sont venus à peser pour 75% des dépenses de l'Otan et que Trump ne fait que reprendre avec plus de vigueur des protestations qui avaient déjà été formulées.

Le débat est en train de changer de nature. Comme on peut le constater dans la campagne électorale française, personne ou presque ne conteste la nécessité de  dépenser davantage pour la sécurité. Alors que l'Union européenne est en panne, l'idée d'une Europe de la Défense surgit à nouveau, sans que cela ne puisse déboucher sur des décisions très concrètes.

En France, l'industrie de l'armement ne connaît pas la crise. L'année dernière, les exportations ont atteint un record de près de 20 milliards d'euros, selon le rapport annuel de la DGA, la Direction Générale de l'Armement. Trente-six chasseurs Rafale ont été vendus à l'Inde, trois cents véhicules et trente hélicoptères au Koweït, un satellite de télécommunication à l'Égypte, seize hélicoptères à Singapour et douze sous-marins ont été commandés par l'Australie. L'armement est l'un des derniers pans de l'industrie française qui engrange de tels succès sur les marchés extérieurs. Compte tenu de l'ampleur du chômage, on comprend que les pacifistes n'aient plus beaucoup d'écho et que les principaux candidats à l'élection présidentielle soient favorables à une augmentation du budget de la défense.

À l'heure où les Etats-Unis affirment vouloir cesser de jouer leur rôle traditionnel de gendarme du monde pour se consacrer à promouvoir leurs intérêts nationaux, les puissances régionales sont partout incitées à se lancer dans la course aux armements pour assurer elles-mêmes leur propre sécurité. Pour les marchands de canons il y a là un marché d'avenir qui, compte tenu des menaces de tous ordres, risque tôt ou tard de nous mettre sur le sentier de la guerre.

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