« Nous ne voulons pas que la Guinée devienne un "pays minier" »

La Guinée lance une opération séduction auprès de ses partenaires techniques et financiers réunis aujourd'hui et demain au Pavillon Chesnaie du Roy à Paris, en présence du président Alpha Condé. Entretien avec Kanny Diallo, Ministre du Plan et de la Coopération Internationale, véritable figure de proue de cette initiative.
Kanny Diallo, Ministre guinéenne du Plan et de la Coopération Internationale

LA TRIBUNE Afrique : Qu'est-ce qui justifie la tenue d'un Groupe consultatif aujourd'hui à Paris ?

Kanny Diallo : Le Groupe consultatif va permettre au gouvernement de nouer des partenariats stratégiques autour du Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) 2016-2020 mais aussi de lever des fonds qui financeront plus de 50 projets structurants dans le cadre du Programme National d'Investissement (PNI).

Le Groupe consultatif constitue une étape supplémentaire après l'élaboration du PNI. Il se déroule sur deux jours. La première journée, présidée par le Président Alpha Condé est consacrée à la présentation du PNDES et à la rencontre avec les partenaires du développement de la Guinée. Le deuxième jour sera structuré autour d'ateliers réservés au secteur privé et aux thèmes principaux de l'agriculture et de l'énergie.

Nous avons opté pour Paris car il y avait plusieurs antécédents en la matière dans la capitale française, avec des rencontres comparables initiées par des pays comme le Tchad, le Burkina-Faso ou encore le Sénégal. Nous avons choisi de capitaliser sur l'expérience et sur les commodités d'accès à la ville.

Préparer un tel évènement à Conakry était beaucoup plus compliqué bien que nous souhaitons vivement organiser le prochain groupe consultatif en Guinée.

Quels sont les objectifs financiers escomptés au terme de ces rencontres ?

On ne peut jamais être certain des résultats mais nous allons exposer nos attentes car il nous faut financer le PNDES dont le coût est de 13,7 Mds de dollars. Un financement public sera assuré à hauteur de 30%, les Investissements Directs Etrangers (IDE) représenteront 38% - dans le cadre de Partenariats Publics-Privés (PPP) par exemple - et 32% seront financés sous formes de dons ou de prêts.

Le budget comprend le financement de grands chantiers d'infrastructures comme le barrage hydroélectrique de Souapiti (540 MW), inscrit dans le programme national d'amélioration de l'accès à l'électricité en Guinée. Les fonds levés permettront également la construction de routes et de chemin de fer. Ils participeront aussi au développement des services de protection sociale et au renforcement du système éducatif.

Nous attendons donc un engagement fort de nos partenaires privés et nous créons actuellement les conditions les plus favorables possibles pour rassurer les investisseurs étrangers et les convaincre de soutenir le Plan National de Développement.

Quelles sont les cartes maîtresses de la Guinée pour convaincre les investisseurs ?

Nous avons plusieurs atouts. Premièrement, nos ressources minières sont multiples à commencer par la bauxite mais nous disposons également de fer, de diamant, de zinc, de manganèse, etc. Nous voulons créer des sites de production d'alumine à partir d'un certain tonnage, ce qui nous permettrait de transformer la matière brute localement.

Ensuite, notre potentiel agricole est considérable car 80% de nos terres arables ne sont pas cultivées à ce jour. Notre potentiel hydroélectrique atteint plus de 6100 mégawatts. Enfin, nous possédons un atout majeur : la moyenne d'âge est de 22 ans. Le pays est jeune et dynamique, ce qui représente un avantage considérable. Aujourd'hui, miser sur la Guinée c'est investir sur l'avenir, compte-tenu de notre potentiel existant !

Au-delà de toutes les orientations politiques, nous sommes tous convaincus de la nécessité de ce plan et de l'effort à fournir pour sortir la population de la situation de pauvreté dans laquelle elle se trouve.

Quelles sont les grandes orientations du Plan National de Développement Economique et Social 2016-2020 ?

Le PNDES repose sur 4 piliers principaux : la promotion de la bonne gouvernance, le renforcement de la croissance économique, le développement du capital humain de façon inclusive et la protection des ressources naturelles.

Nous voulons développer nos infrastructures et diversifier notre économie car nous ne voulons pas que la Guinée devienne un pays minier. Bien sûr, nous avons besoin d'investissements dans ce secteur mais ils doivent être encadrés. Ensuite, la protection de l'environnement tout comme l'amélioration des conditions de vie des populations locales, doivent être des priorités.

Parallèlement, le secteur agricole représente un secteur-clé de notre économie que nous cherchons à renforcer. Enfin, au niveau social, le PNDES prévoit la construction d'une nouvelle université à Conakry.

Quelles sont les prospectives de croissance escomptées au terme du PNDES ?

Le climat général s'est amélioré en très peu de temps car n'oublions pas que nous sortons de la crise Ebola. Nous sommes passés d'une situation de quasi-récession à un taux de croissance de 6,6% en 2016, de 6,7% en 2017 et nous pensons atteindre une croissance à deux chiffres de l'ordre de 10,4% en 2020. Cela est le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs. Premièrement, la mise en place de mesures structurelles mais aussi l'effort de mobilisation des capacités, l'assainissement des finances publiques et enfin la qualification de la dépense. Toutes ces initiatives ont permis le renforcement des fondements de notre économie.

Afin d'accompagner cette restructuration, nous nous sommes appuyés sur les technologies numériques. L'année dernière, la première édition du Forum sur la mobilisation des ressources financières locales a permis la mise en place du paiement dématérialisé des vignettes automobiles par exemple et nous avons pris des dispositions pour toutes les régies financières afin de limiter les déperditions. En une année, les ressources financières de l'Etat ont augmenté de façon considérable. Le second forum vient de se terminer et les premiers résultats sont encourageants.

En matière de gouvernance : quelles sont les mesures anti-corruption prises par le gouvernement ?

On a essayé de réunir les conditions nécessaires pour prévenir la corruption avec des textes de lois qui garantissent la compréhension des mécanismes de son application et qui présentent les résultats attendus.

La Banque mondiale a audité notre système de passation des marchés et nous mettons actuellement en place un certain nombre de dispositifs qui figurent parmi la série de recommandations du rapport qui nous a été remis. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre de l'appui budgétaire que la Banque mondiale, l'Union européenne et la Banque Africaine vont apporter à la Guinée pendant la durée du Plan National.

Par ailleurs, l'élaboration de ce plan a été réalisée avec nos partenaires et le Groupe consultatif de ce jour est financé par la Banque mondiale, la BAD, la BID, la BADEA et le PNUD. Leur engagement est de nature à rassurer les investisseurs...

Enfin, nous avons mis en place la loi sur les Partenariats Publics Privés (PPP), récemment adoptée à l'Assemblée, qui devrait participer à augmenter l'attractivité de la Guinée.

Quel regard portez-vous sur les débats autour du Franc guinéen ?

Il y a beaucoup de théories et de conversations actuellement autour du franc guinéen. Cependant, à titre personnel, je considère que notre monnaie est un atout sur lequel nous pouvons capitaliser.

Les discussions en cours autour de la monnaie unique, prendront un certain temps si elles aboutissent. Combien de temps a-t-il fallu à l'euro pour voir le jour ? Une bonne gestion de la monnaie guinéenne peut être un levier de croissance économique et sociale en attendant d'arriver à une zone monétaire beaucoup plus intégrée qui accompagnerait le développement des pays de toute la sous-région...

Propos recueillis à Paris par Marie-France Réveillard

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Commentaire 1
à écrit le 16/11/2017 à 16:38
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De fait la guinée est un pays aux ressources minières considérables (cf. Simandou). le titre n'est pas très flatteur ou alors il manque un mot "uniquement". car la Guinée dispose d'autres ressources , notamment agraire, qui ne demandent qu'a être exp...

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