« Il est urgent d'améliorer l’accès des entrepreneurs africains à l'information »

« Renforcer les capacités managériales des jeunes entrepreneurs ». C'est l'ultime objectif du Centre des jeunes dirigeants International. Née en France en 1938 puis devenue internationale à partir des années 2000, l'organisation n'est pas une association patronale comme les autres. Bien qu'elle agit comme un relais et une voix pour les entreprises, elle demeure, depuis son existence, une organisation où la dimension "pédagogique" est primordiale. Dans cette interview, son président international, le sénégalais Pape Landing Mane, explique les enjeux africains de l'organisation et les problématiques auxquelles doivent faire face les chefs d'entreprises du continent.
Mehdi Lahdidi
Pape Landing Mane Président du CJD International

La Tribune Afrique : Quelle place occupe l'Afrique au sein du CJD ?

Pape Landing Mane : Aujourd'hui, le CDJest présent dans 18 pays sur quatre continents. 90% de ces pays sont africains des différentes sous régions du continent. Cela fait que la plupart des 5 dirigeants qui se sont succédés à la présidence de l'organisation sont issues de l'Afrique. Donc, on peut dire que l'Afrique occupe une bonne place au sein de du CJD, même s'il est né et installé en France. Nous travaillons pour que le CJD rayonne de plus en plus en Afrique. Nous pensons que cela est indispensable puisque c'est un réseau constitué d'entrepreneurs pour se former au métier de dirigeant. Il permet en effet aux jeunes dirigeants africains d'être plus performant et mieux informés. Nous essayons également de réfléchir sur les questions qui touchent entrepreneuriat. L'organisation se positionne comme le relai des entreprises pour influencer les décideurs économiques, politiques et sociétaux dans le processus de prise de décision. C'est aussi un endroit qui nous permet de de réfléchir de notre effet sur la société.

Y a-t-il un volet business ?

Il y a un volet business bien sûr, directement ou indirectement, ce n'est pas l'objectif. L'organisation a surtout pour but de développer des idées nouvelles. Maintenant à coté, certains entrepreneurs de notre réseau se constituent en alliance pour faire du business entre eux.

Quels sont selon vous les principales problématiques qui touchent les entrepreneurs africains ?

Aujourd'hui,les entrepreneurs font face à plusieurs problèmes surtout en matière d'accès à l'information et aux marchés. Dans la plupart des pays africains, beaucoup de jeunes qui veulent entreprendre ne savent pas comment mettre au point un business model durable ou comment trouver le bon marché. Ils ne détiennent pas les informations nécessaires pour accéder aux marchés porteurs. Je pense qu'il faudra que les Etats participent à la mise à niveau de ces entreprises.

L'accès au foncier est également un grand problème en Afrique de l'ouest.  C'est un des problèmes les plus anciens dans la région et qui jusqu'à maintenant n'est pas encore résolu malgré certaines réformes. Certains entrepreneurs ont du mal à trouver un foncier, non seulement pour lancer leurs activités, qui aussi pour servir en tant que garantie pour les banques. Parce que l'accès au financement est également une problématique délicate pour les entreprises. Cela est dû au fait que le gouvernement ne donne pas d'importance au développement des entreprises. Les politiques n'ont pas pu mettre en place de politiques d'accompagnement réel. Les programmes qui sont aujourd'hui mises en place ne sont pas efficaces.

L'autre problématique est relative au réseautage. Beaucoup d'entrepreneurs restent isolés dans leur coin et ne cherche pas à développer leur business alors que dans beaucoup de cas, il est prometteur. Les entrepreneurs isolés ne peuvent pas développer leur business et encore moins apprendre de leurs homologues. Je crois que c'est dû à un problème de confiance. Les entrepreneurs en Afrique de l'ouest sont un peu trop prudents dans leurs démarches. Il faudra faire un effort de sensibilisation pour qu'ils rejoignent des organisations qui vont les fédérer.

Trouvez-vous que les entreprises ouest-africaines et sénégalaises innovent suffisamment pour affronter les défis de l'avenir ?

Pendant plusieurs années, l'innovation était très timide. Mais durant les deux, trois dernières années, beaucoup de jeunes entreprises se positionnent dans plusieurs marchés à l'aide de solutions et des services innovants. Mais je crains que le potentiel de ces jeunes n'est pas encore totalement libéré. Beaucoup de ces jeunes-là ne savent pas qu'il y a des institutions qui peuvent les aider à protéger leur propriété intellectuelle. Ils craignent de se faire voler leurs créations. Là aussi, un grand effort de sensibilisation et de renforcement des institutions de protection de la propriété intellectuelle est encore à faire. Mais en tout cas, ce thème reste nouveau en Afrique.

Ces dernières années, le nombre d'IDE vers l'Afrique s'élargit. Comment vivent les PME locales, cette offensive des entreprises étrangères ?

Je ne pense pas que cela soit une mauvaise chose. Parce que cela veut dire que ces entreprises étrangères vont s'allier avec des entreprises africaines. C'est ce qui va nous permettre d'avoir des champions africains au cœur de notre continent puisqu'ils pourront rentrer dans un partenariat gagnant-gagnant avec ces opérateurs. Ce qui va leur permettre éventuellement absorber de nouveaux procès et de nouvelles façons de progresser.

Quels sont aujourd'hui les secteurs les plus porteurs au Sénégal et en Afrique de l'Ouest ?

Le secteur IT au Sénégal est l'un des secteurs les plus performants. Il permet de résoudre beaucoup de problématiques et aide le pays à se préparer pour l'avenir. Cela dit, nous ne pouvons pas vivre que de IT. Il faudrait miser sur des secteurs aujourd'hui beaucoup plus stratégiques. Nous sommes un pays en développement qui a besoin d'un secteur agricole durable. L'agriculture, qui bénéficie du soutien gouvernemental, doit nous permettre d'atteindre l'autosuffisance. Nous avons besoin que ce secteur devienne exportateur pour équilibrer notre balance commerciale, qui est aujourd'hui défavorable aux exportations sénégalaise. Un autre secteur commence à gagner des places est celui du tourisme, malgré l'absence d'accompagnement gouvernementale. Par rapport à d'autres pays, le Sénégal bénéficie d'un potentiel énorme qui peut lui permettre de renforcer sa place dans ce secteur. Il faut nous positionner sur certaines niches comme le tourisme écologique. Le secteur de l'artisanat est également un secteur porteur, malgré qu'il ne puisse toujours pas se moderniser. Parallèlement, il faut savoir que le secteur industriel est complétement vierge où tout est encore à faire. Cela devient une urgence de pousser les investisseurs et les entrepreneurs à investir dans ce secteur.

Mehdi Lahdidi

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