Centrafrique : sur fond de regain de violences, António Guterres entame une visite de 4 jours

Le secrétaire général de l’ONU entame à partir de mardi et pour quatre jours une visite en République de Centrafrique. Un premier déplacement pour António Guterres qui intervient dans un contexte marqué par le regain des foyers de tension et à quelques semaines de l’expiration du mandat de la Mission des nations unies dans le pays (MINUSCA). Alors que les pays de la sous-région viennent d’adopter à Libreville une feuille de route pour un nouveau processus de paix, les centrafricains attendent un renforcement des moyens d’intervention des casques bleus pour mettre fin aux agissements des groupes armés et redémarrer le processus de paix.
Le Secrétaire Général de l'ONU, Antonio Guterres, à son arrivée à Imvepi au nord de l'Ouganda le 22 juin 2017.

Il viendra, il verra et il décidera ! C'est en résumé l'attente des autorités et des citoyens centrafricains qui fait presque consensus à la veille du premier déplacement du secrétaire générale de l'ONU dans le pays. António Guterres entame en effet à partir de ce mardi 24 et jusqu'au 28, une visite en RCA pour d'abord apporter un soutien moral, en cette journée symbolique des nations unies, aux casques bleus et travailleurs humanitaires œuvrant dans le pays et qui ont été ciblés par plusieurs attaques. « Malgré les besoins croissants, le personnel humanitaire et les travailleurs humanitaires sont ciblés et l'accès est restreint. Rien que cette année, 12 travailleurs humanitaires ont été tués en République centrafricaine » a déclaré Guterres à la veille de son déplacement.

La délégation onusienne qui compte également dans ses rangs la nouvelle « défenseure des droits des victimes », Jane Connors, va plaider pour l'importance des missions de la paix alors que dans le pays, plusieurs personnels et membres de la MINUSCA ont été mis en cause dans de cas de violations des droits humains notamment des viols dans lesquels seraient impliqués plusieurs soldats provenant de diverses contingents.

« Nous savons que le travail et le sacrifice des soldats de la paix dans le monde ont été ternis par les actes effroyables de certains membres du personnel de l'ONU qui ont nui aux personnes qu'ils étaient censés servir. Je suis peiné que certains Casques bleus aient commis des actes flagrants d'exploitation et d'abus sexuels contre le peuple centrafricain », a d'ailleurs regretté le secrétaire général en marge de sa visite.

L'occasion sera également pour le SG de l'ONU d'évaluer la situation politique, sécuritaire et humanitaire sur le terrain et c'est là que l'ONU est fortement attendue tant par les populations et les partenaires au regard des risques d'une nouvelle dégradation de la situation que traverse la RCA. « Aujourd'hui, la situation reste très préoccupante. Ma visite vise également à attirer l'attention sur une situation fragile, souvent loin des projecteurs médiatiques. Partout dans le pays, les tensions communautaires augmentent. La violence se répand. Et la situation humanitaire se détériore » a-t-il regretté en référence à la persistance des conflits dans plusieurs régions du pays et principalement dans l'Est du pays où une nouvelle alliance rebelle vient de voir le jour et aussi au sud à Pombolo où de nouvelles violences sont signalées à quelques heures de l'arrivée de Guterres.

La situation s'accompagne de graves répercussions humanitaires  et selon les statistiques de l'ONU, depuis le début de cette année, le nombre de personnes déplacées a pratiquement doublé pour atteindre 600.000 personnes et le nombre de réfugiés dépasse les 500.000.

Guterres qui a déjà sonné l'alerte auprès des bailleurs de fonds, devra aussi rééditer son plaidoyer en faveur du pays puisque selon les calculs de l'ONU seuls 30% de l'appel lancé ont été à ce jour honorés par les donateurs, ce qui fait un peu plus de 151 millions sur les 497 millions de dollars promis.

Tous au chevet de la Centrafrique

Depuis plusieurs mois en effet, la RCA a renoué avec la reprise des hostilités entre groupes rebelles et autres milices affiliées à la Séléka ou aux anti-Balakas. Des combats qui ne cessent de prendre de l'ampleur, au risque de prendre de nouveau en otage le processus de paix entamé depuis quelques années avec l'élection d'un nouveau président, Archange Touadéra, en 2013 puis le lancement d'un processus de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR).

Le retour des violences par le fait de différents groupes armées n'est pas sans inquiéter les pays voisins de la Communauté économiques des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) et la situation en RCA a été même l'objet d'une session extraordinaire du conseil des ministres des Affaires étrangères de l'organisation communautaire, le weekend dernier à Libreville au Gabon.

Si la situation politique se caractérise par quelques progrès, la rencontre à laquelle ont pris part plusieurs autres partenaires engagés dans le processus de paix en RCA (l'UA, l'UE, la communauté Sant'Egidio, l'Onu), sur le plan sécuritaire, les chefs de la diplomatie de la CEEAC ont exprimé leurs « préoccupations quant à la recrudescence des affrontements entre les groupes armés et leurs attaques contre les populations civiles et les forces internationales». A l'issue de la session et estimant que « les besoins demeurent immenses à cause de l'insécurité et des violences récurrentes contraignant des milliers de personnes à se déplacer », les ministres de la CEEAC ont encouragés les autorités du pays ainsi que les autres partenaires à « accélérer l'extension de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire ».

La situation humanitaire est en effet assez dramatique avec 72% des structures de santé du pays endommagées ou détruites selon le bureau local de l'Office des nations unies en charge des opérations humanitaires (OCHA).

C'est là où est attendue le secrétaire générale de l'ONU qui va devoir plaider pour un renforcement des moyens d'interventions de la MINUSCA. D'autant que son mandat actuel arrive à échéance le 15 novembre prochain et que la réalité du terrain impose une augmentation des effectifs comme l'ont fait part les autorités du pays ainsi que différents partenaires. Dix milles casques bleus opèrent déjà dans le pays et le secrétaire général s'est engagé à solliciter, 900 casques bleus supplémentaires lors de la réunion du Conseil de sécurité de novembre prochain sur le renouvellement du mandat de la mission.

C'est certes peu, mais déjà un effort consenti dans le contexte actuel de rationalisation du financement des opérations des maintien de la paix. C'est pourtant, de l'avis de tous les partenaires, la seule alternative pour espérer mettre fin aux agissements des groupes armés qui hypothèquent le processus de paix en RCA. Et c'est tout le véritable enjeu de la visite du numéro 1 de l'ONU pour les centrafricains et les pays voisins.

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