Trump/Riyad : les Etats Unis passent de « tuteur à partenaire »

Donald Trump vient de lancer un appel à la guerre contre le terrorisme à une cinquantaine de pays musulmans réunis pour un sommet avec les Etats-Unis qui s’est tenu à Riyad. L’Arabie Saoudite a été ainsi la destination du premier voyage officiel de Donald Trump, l’occasion pour ce dernier d’appeler les pays musulmans à « assumer le fardeau » de cette guerre contre le terrorisme. Une « autonomisation » qui ne signifie pas un désengagement pour Trump, qui a annoncé la mise en place d’une structure de lutte contre le financement du terrorisme. Une entité qui sera co présidée par Washington et Riyad. Le président américain a également profité de son discours pour exhorter les pays musulmans à le rejoindre dans son objectif d’isoler l’Iran. Un pays que Trump accuse d’être le financier du terrorisme.
Amine Ater

Le président américain Donald Trump vient de prononcer un très attendu discours à Riyad la capitale d'Arabie Saoudite, en face des représentants d'une cinquantaine pays musulmans dont 37 chefs d'Etat et chefs de gouvernement. S'attendant à un discours sur la place de l'islam en occident, l'auditoire de Donald Trump a eu droit à un discours traitant de la lutte contre le terrorisme. Après avoir rappelé les accords d'investissement entre les Etats Unis et l'Arabie saoudite conclus le 20 mai dernier et qui portent sur 400 milliards de dollars, dont 110 milliards de dollars liés à l'armement ou encore l'inauguration d'un Centre mondial pour la lutte contre l'idéologie extrémiste. Le président américain s'est empressé d'exhorter les pays musulmans à rejoindre les Etat Unis dans sa guerre contre le terrorisme.

Guerre contre le terrorisme et non l'islam

« Le tribut le plus meurtrier a été exigé aux populations innocentes des nations arabes et musulmanes du Moyen-Orient. Ils ont supporté le poids des massacres et les pires destructions lors de cette vague de violence. Certaines estimations indiquent que plus de 95% des victimes sont-elles mêmes musulmanes », souligne le président américain. Ce dernier a également rappelé l'importance de la région en termes géopolitique pour son administration. « Toute la région est au centre des principales voies d'expédition du canal de Suez, en passant par la mer Rouge ou encore le détroit d'Ormuz. Le potentiel de cette région n'a jamais été aussi grand sachant que 65% de sa population est âgée de moins de 30 ans », précise Donald Trump.

Pour le nouveau locataire de la Maison Blanche, cette guerre n'est pas « une bataille entre différentes croyances, sectes ou civilisations. Il s'agit d'une bataille entre des criminels barbares et des personnes décentes de toutes les religions ». Il ne s'agirait pas d'un choc entre civilisations, mais d'une guerre contre le terrorisme, une nouvelle rhétorique qui vise à rassurer les pays musulmans après une campagne présidentielle américaine où le président élu a rappelons-le, multiplié les attaques contre les musulmans Il n'empêche que cette nouvelle position de la Maison Blanche ne signifie pas un soutien total de Washington dans cette guerre « Les nations du Moyen-Orient ne peuvent pas s'attendre à ce que le pouvoir américain écrase cet ennemi pour eux. Les nations du Moyen-Orient devront décider de quel genre d'avenir elles veulent... Les nations musulmanes doivent-être prêtes à assumer le fardeau », nuance Trump.

Partenariat, mais avec partage des risques

Ce sera donc aux pays musulmans de veiller « à ce que les terroristes ne trouvent aucun sanctuaire sur leurs sols ». En plus des champs de batailles, les président US a exhorté les pays musulmans à combattre le terrorisme sur le terrain financier. Un front qui aura droit à sa propre structure de lutte contre les canaux financiers des groupes terroristes, le Centre de ciblage du financement du terrorisme. Une entité qui sera présidé conjointement par Washington et Riyad et qui compte déjà sur l'adhésion de l'ensemble du Conseil de coopération du Golfe.

Une lutte contre le financement du terrorisme qui ne saurait être complet, selon Donald Trump sans isoler l'Iran coupable à ses yeux « d'alimenter les feux du conflit sectaire et de la terreur ». Une dureté de ton envers Téhéran qui devrait mettre sous pression le fraichement réelu, président Rohani, co-artisan des accords sur le nucléaire conclu entre ce dernier et Barack Obama. Un discours qui pourrait également être interprété comme un signe d'apaisement avec Riyad, après les critiques adressées par Donald Trump à l'égard de l'Arabie Saoudite lors de la campagne présidentielle ou encore par le soutien affiché de Riyad à sa rivale démocrate Hillary Clinton.

D'un autre côté, cette main tendue de Washington à Riyad, ne signifie pas une reconduction du pacte alliant les deux pays fruit de la rencontre entre le président américain Franklin Roosevelt et le Roi Abdulaziz fondateur royaume Wahhabite, résumable en pétrole contre protection militaire. En témoigne les propos de Donald Trump : « Roi Salmane, votre père serait tellement fier de voir que vous continuez son héritage et tout comme il a ouvert le premier chapitre de notre partenariat, aujourd'hui, nous commençons un nouveau chapitre ». Une nouvelle donne qui date depuis le deuxième mandat de l'administration Obama, qui n'a jamais accepté les demandes saoudiennes d'intervention militaire US à grande échelle en Syrie et qui s'était contenté d'apporter un soutien diplomatique, logistique et d'intelligence dans la guerre lancée par Riyad au Yémen. Contrairement à son prédécesseur, Trump n'aura pas hésité à lancer des frappes de missiles contre les forces de Bachar en Syrie ou d'autoriser un raid meurtrier des forces spéciales américaine au Yémen.

Une doctrine militaire US en gestation

Un début de mandat « guerrier » et une hostilité affichée à l'égard de Téhéran qui semblent avoir rassuré Riyad. Il n'empêche que le gouvernement saoudien et ses alliés du CCG embourbés dans une guerre vendue comme rapide contre les Houtis au Yémen ont pris conscience de l'urgence à faire baisser la « dépendance » des pays de la région à l'assistance militaire occidentale, notamment américaine. En témoigne, les investissements soutenus de Riyad dans la mise en place d'un complexe militaire en Arabie Saoudite, mais aussi dans des pays alliés comme le Maroc.

Cet appel à une « autonomie militaire » lancé par le président américain concerne également les nations musulmanes d'Afrique, dont une partie est en prise à Boko Haram entre l'Afrique de l'Ouest et Centrale. Là où les pays du Sahel sont en prise à une myriade de groupes qui se revendiquent d'Al Qaïda ou de l'EI. Des conflits dont l'intensité a considérablement baissé depuis les deux dernières années mais où les groupes terroristes ont fait preuve de résilience et ont réussis à maintenir une capacité de nuisance non négligeable.

Là où la lutte contre Boko Haram est largement supportée par le Nigeria, le Cameroun et le Tchad épaulé par des « conseillers militaires » occidentaux. Le support occidentale est beaucoup plus important sur le front sahélien où hormis le Tchad qui dispose d'une armée en état de combat, le reste des pays de la région peinent à assurer un contrôle réel de leurs territoires respectifs obligeant la France et l'Onu à intervenir lourdement dans la région. S'y ajoute une présence américaine plus discrète formée par les fameuses missions SOF, dont l'Africom a fait son fer de lance sur le continent.

Une nouvelle doctrine militaire qui est actuellement en cours en Afrique de l'Est, où les forces spéciales américaines multiplient les missions de combats. Des opérations menées dans ce que le commandement américain pour l'Afrique désigne comme Grey Zones, situées notamment en Somalie. Le continent compte à ce jour, le deuxième contingent d'unités spéciales américaines (tous corps d'armées confondus) hors des Etats-Unis après le Moyen Orient. Une guerre discrète et de basse intensité qui emploie de plus en plus moyens militaires et de renseignement et dont les opérations restent très peu documentées, notamment en termes de pertes civiles occasionnées lors de ces missions

Amine Ater

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