Aide au développement : en attendant Macron, l’héritage africain de Hollande

Les engagements de l’Agence française de développement en Afrique ont enregistré une progression de 25% l’année dernière, suite notamment aux décisions prises par François Hollande pour accroître la contribution de la France en matière d’aide publique au développement. L’organisme français entend renforcer ses interventions pour les prochaines années avec la priorité accordée au continent, même s’il va falloir attendre les décisions que prendra le nouveau président français. Emmanuel Macron s’est engagé à renforcer le financement de la France en Afrique, mais à une échéance plus longue que celle fixée par le président sortant.

Le nouveau président français fera-t-il mieux que son prédécesseur en matière d'aide publique au développement, destinée au continent africain ? Emmanuel Macron s'est certes modestement engagé à accroître la contribution de la France, notamment en Afrique. Mais en attendant la prise de fonction et les mesures que ce dernier annoncera, François Hollande peut bien inscrire le résultat enregistré sous son mandat en la matière, comme un point positif de son bilan africain.

Ce n'est pas explicitement dans les comptes, mais les résultats annuels que vient de publier, ce jeudi 11 mai,  l'Agence française de développement (AFD) font en filigrane honneur à François Hollande. Selon les chiffres présentés par Rémy Rioux, directeur général de l'AFD, le montant des engagements de l'agence ont atteint un record de 9,4 milliards d'euros en 2016, soit une hausse 13%  par rapport à 2015. Cette hausse de l'aide française a particulièrement profité à l'Afrique, avec près de 4 milliards  d'engagements en 2016, soit un bond de 25%.

L'Afrique, cible prioritaire de l'aide française

«L'Afrique, toute l'Afrique, est une priorité de l'Agence», n'a pas manqué de relever Rémy Rioux. L'AFD a en effet en annoncé que 50% de ses engagements financiers ont été orientés vers le continent qui concentrent également 84% des moyens budgétaires accordés par l'Etat  français. «Dans sa nouvelle stratégie, l'Agence considère l'Afrique comme un tout. Du Maroc à l'Afrique du Sud, du Sénégal à Djibouti, avec ses dynamiques régionales, sans séparer le nord du sud du Sahara», a souligné l'AFD qui rappelle d'ailleurs que de 2010 à 2016, c'est quelque 22 milliards d'euros qui ont été engagés en Afrique.

Cette dynamique est appelée à se poursuivre puisque selon l'Agence, en janvier 2017 au Sommet de Bamako, le président de la république a pris un engagement encore plus ambitieux pour l'AFD particulièrement pour ses interventions en Afrique. Ainsi, sur les cinq prochaines années, 23 milliards d'euros seront engagés pour le continent.

L'alliance stratégique entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) scellée en décembre dernier, va également permettre d'accroître le montant de l'aide publique au développement et donc permettre à la banque de développement française de renforcer ses activités. «A l'international, elle se traduit par des outils communs, comme le fonds d'investissement dans les infrastructures de 600 millions d'euros, dont la création a été annoncée récemment par les deux directeurs généraux au Burkina Faso», a mis en exergue le communiqué publié par l'Agence à la suite de la présentation des résultats.

L'héritage africain de Hollande

Dans son bilan de fin de mandat, Un quinquennat pour la France et pour les Français, François Hollande n'a d'ailleurs pas manqué d'inscrire son empreinte en matière d'augmentation d'aide française au développement. Le soutien à cette aide a atteint  9,4 milliards d'euros en 2017, soit 17% en 3 ans, a mis en avant l'AFD. Le rapprochement de celle-ci avec la CDC afin d'augmenter la capacité d'octroi de prêts de 50 % porte aussi sa marque.

Le président sortant finit donc son mandat sur une bonne note pour l'Afrique, surtout que ses premières années d'exercice ont été marquées par la baisse de la contribution française comme l'ont dénoncé plusieurs ONG françaises, mais aussi internationales. La donne semble avoir changé à partir de 2015, année où, «à la demande du Président de la République», l'AFD affirme avoir nettement augmenté le volume de ses financements et étendu son champ d'intervention conformément aux objectifs de la communauté internationale, notamment pour ce qui est des Objectifs de développement durable (ODD) et l'Accord de Paris.

C'est ce qui explique certainement le rebond significatif enregistré en 2016 pour l'aide française, même si son niveau est encore loin des 0,7% de leur PIB que les pays développés ont annoncé depuis belle lurette vouloir consacrer au développement.

Selon un rapport publié le 11 avril dernier par l'OCDE, l'aide au développement a certes atteint un sommet en 2016, avec une hausse de 8,9% par rapport en 2015, pour s'estimer à quelque 142,6 milliards de dollars. Mais parallèlement, l'aide bilatérale en faveur des pays les moins avancés a diminué de 3,9%. L'Afrique a ainsi vu le montant des aides reçues diminué de 0,5%, en raison notamment de la réorientation d'une partie de l'enveloppe consacrée par certains pays à l'aide publique, aux dépenses destinées aux réfugiés.

Les promesses de Macron

La France ambitionne donc d'accroître ses engagements pour les prochaines années dans le sillage des instructions données à l'AFD en 2015, avec comme objectif principal d'accroître son activité de 60% d'ici 2020 pour atteindre près de 13 milliards d'euros par an. Les résultats enregistrés en 2016 montrent que la trajectoire de croissance est engagée. Sauf qu'avec le départ de Hollande, il va falloir attendre pour voir ce que décidera son successeur à l'Elysée.

Emmanuel Macron n'est certes pas Donald Trump, son homologue américain dont l'arrivée au pouvoir a soulevé une vague d'inquiétudes en raison de ses déclarations sur l'efficacité de l'aide publique que son pays accorde aux pays en voie de développement. Des inquiétudes justifiées au vu des premières mesures prises par l'Administration Trump qui a drastiquement, et dès la première année, charcuté le budget de certaines agences américaines ou de l'ONU, intervenant justement dans l'aide au développement.

Le nouveau président français s'est certes engagé à renforcer l'aide accordée au continent africain, ce qui a l'air de rassurer malgré que son programme électoral ne contenait que des professions de foi assez vagues, contrairement à celui de certains de ses anciens adversaires comme Jean-Luc Mélenchon ou même Marine Le Pen. La candidate malheureuse du Front national avait en effet promis que si elle était élue, elle ferait en sorte que la France concrétise son engagement en matière de parts de son revenu à affecter à l'aide au développement, au même titre que certains pays européens qui ont déjà atteint les 0,7% de leur PIB comme convenu.

En matière d'aide française au développement, Emmanuel Macron ne manque pas aussi d'ambitions avec certes des objectifs plus géostratégiques pour son pays. «La France a perdu sa place depuis 10 ans en matière de politique de développement, en particulier par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni. Il faut retrouver une ambition mondiale dans ce domaine», lit-on dans son programme électoral. Lui aussi a promis d'ailleurs de renforcer les moyens d'action de l'AFD avec plus de contrôle, mais aussi la recherche de plus d'efficacité.

«Cette aide doit être plus efficace et plus diversifiée qu'aujourd'hui. Elle doit se concentrer sur l'Afrique sub-saharienne, le Sahel, le Maghreb, les pays en crise et l'espace francophone. Un meilleur équilibre doit être trouvé entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale qui transite via des fonds internationaux. Les secteurs essentiels de l'aide doivent être fléchés en priorité : éducation, santé, promotion des femmes, développement durable. A côté des prêts, les dons gérés par l'Agence française de développement doivent être augmentés et mieux contrôlés». Emmanuel Macron

Pour parvenir à cette fin, le nouveau président français envisage de proposer une consultation avec la société civile française en vue de mettre au point une révision de la loi de programmation de l'aide au développement, notamment pour établir une trajectoire d'augmentation vers les 0,7% à atteindre entre 2022 et 2030, en fonction toutefois «des marges budgétaires».  Il s'est en ce sens engagé à ce que son Premier ministre réunisse chaque année le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), créé en 1998, afin d'assurer le suivi de la trajectoire vers les 0,7% fixée dans le cadre de la loi de programmation.

Il ne s'agit que d'engagements de campagne électorale certes, mais c'est aussi un argument qui pourrait donner raison à ceux, nombreux sur le continent, qui ont accueilli favorablement l'arrivée de Macron à l'Elysée. En attendant les actes et surtout que l'Afrique puisse enfin s'en sortir de sa dépendance à cette aide au développement, dont l'efficacité, en dépit des montants engagés, fait aujourd'hui plus que jamais débat.

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