Ces Africains qui se rêvent en Macron

L’élection d’Emmanuel Macron à la présidence française a de quoi inspirer en Afrique. Sa jeunesse ainsi que sa fulgurante ascension politique en marge du système traditionnel ont autant fasciné sur le continent où ce parcours relève presque de l’impossible. Pourtant, il y en a beaucoup qui en ont rêvé et d’autres qui essaient encore de tenter le coup dans bien des pays. S’il est vrai qu’il faut attendre encore longtemps avant de voir un «Macron» africain réussir, l’effet induit par cette élection présidentielle française sur le continent est galvanisant, surtout auprès de ceux qui espèrent encore bousculer les habitudes politiques.

Il n'est pas interdit de rêver ! C'est en substance ce qui résume la réponse d'une large partie des Africains à la question de savoir si le coup de maître que vient de réaliser le nouveau président français peut se réaliser en Afrique. C'est en effet, l'un des aspects les plus passionnants du débat qui a émergé sur le continent, dès la consécration d'Emmanuel Macron, confirmée à l'issue du scrutin du dimanche dernier.

Au-delà des interrogations sur les enjeux africains de l'arrivée d'un nouveau locataire à l'Elysée, les réactions, particulièrement sur la toile, ont vite fait d'essayer de transposer cette expérience française sur les réalités africaines. Il est vrai que l'élection d'un jeune président de 39 ans, encore inconnu il y a moins de cinq ans dans les arcanes politiques de son pays et surtout sa victoire en dehors du système politique traditionnel, a de quoi séduire à tous les égards. «L'élection d'Emmanuel Macron est une inspiration pour la jeunesse Africaine !», commente Kaka Touda Maman Goni, un acteur de la société civile nigérienne qui s'enthousiasme que «cela doit convaincre la jeunesse africaine qu'il est temps de se mobiliser et de se battre pour notre affirmation sur la scène politique, économique et culturelle».

Au delà de la fascination donc, il y a des leçons à tirer pour les Africains qui ne se sont pas fait prier pour en faire leurs choux gras. Dans un continent où, pour des raisons culturelles et sociétales, assumer un poste de responsabilité obéît le plus souvent à des considérations d'âge, il est inutile de rappeler que la maxime de Voltaire selon laquelle «la valeur n'attend point le nombre des années », prend tout son sens, surtout pas en politique. C'est du reste pour cette raison, entre autres, que dans bien des constitutions africaines, un âge minimum est requis pour pouvoir exercer certaines hautes fonctions de l'Etat. Généralement, c'est à partir de 40 ans qu'il est possible, par exemple, de prétendre à la magistrature suprême, ce qui constitue un premier handicap. D'ailleurs, les premiers commentaires qui ont suivi l'élection française ont été de rapporter l'âge du jeune Macron à la moyenne de celle des chefs d'Etat africains. Ce qui évidemment prête à sourire et avec un brin d'ironie, mais qui a tout son sens. L'une des «punchlines» qui ont fait fureur est celle qui montre, par exemple, que certains présidents africains étaient déjà en poste pendant que Macron était encore enfant !

Réalités africaines, un sérieux obstacle ?

L'âge donc, mais pas seulement, puisqu'il y a aussi le poids du système ! Ils sont en effet beaucoup de jeunes à avoir tenté par le passé l'aventure sans pourtant réussir à ce jour, et cela pour diverses raisons. Il y a certes le manque de moyens, mais aussi des ambitions aussitôt sacrifiées, volontairement ou non. Mais dans la plupart des cas les tentatives ont été aussitôt happées par le système. A ce sujet d'ailleurs, ce n'est pas le propre des présidents africains, mais de la classe politique, puisque dans la plupart des pays du continent, ce sont presque les mêmes têtes qui s'agrippent aux partis au pouvoir, comme à ceux de l'opposition. Il est difficile dans ces conditions d'espérer un renouvellement, et à plus forte raison, un rajeunissement de la classe politique.

A ces arguments s'ajoutent d'autres encore, mais moins crédibles, que mettent en avant certains analystes, comme le manque d'engagement politique des jeunes. Ce qui à l'épreuve des faits souffre de contradictions, tant ces derniers temps l'opinion africaine est enflammée par des débats politiques plus que tout autre sujet. Il est vrai qu'accéder à des postes de responsabilité politique est encore un blocage persistant. Mais sur la scène politique, surtout s'il s'agit de mobiliser ou de débattre, on ne saurait reprocher à la jeunesse africaine un déficit d'action.

C'est du reste ce dont témoigne le débat passionnant sur la possibilité de voir émerger des «Macron» en Afrique. Dans le contexte actuel, cela ressemble bien à de la fiction politique. Mais l'effet induit dans le débat a de quoi faire espérer. Surtout qu'il y a ceux qui ne cachent désormais plus leurs ambitions de profiter de ce vent de renouveau politique qui souffle un peu partout dans le monde, pour faire comme Renzi, Trudeau et surtout Macron.

Ils s'y voient déjà ou presque...

Dans le pas de certains de leurs aînés, notamment le Malien Moussa Mara, le Sud-africain Julius Maléma et bien d'autres, de nouvelles figures apparaissent sur la scène continentale avec un peu plus d'audience que par le passé. La liste est loin d'être exhaustive et il est difficile de savoir encore s'ils pourront aller jusqu'au bout. Mais il n'empêche: ils constituent des cas d'école et vont devoir porter le flambeau lors des prochaines consultations prévues les prochains mois et où il va bien y avoir un souffle du cas Macron...

Au Mali par exemple, le député Amadou Thiam est à suivre. A 32 ans seulement, il est depuis 2015 le président de l'Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba), une formation créée il y a juste quelques années, mais qui dispose déjà de 9 députés au sein de l'Assemblée nationale où le jeune député occupe le poste de deuxième vice-président.

Il y a quelque temps, il a fait sensation en décidant le retrait de sa formation de la majorité soutenant le président IBK, ce qui lui a permis d'étendre un peu plus son aura politique. S'il ne s'est pas encore décidé à se présenter, nul doute qu'il se rêve d'un destin national à la «Macron». Il était d'ailleurs l'un des premiers acteurs politiques à saluer l'élection du nouveau président français.

«Cette victoire électorale est un signal fort qui intervient après l'élection d'autres acteurs hors du champ politique traditionnel en qualité de chefs d'Etat. Cette élection est d'autant plus significative que Monsieur Emmanuel Macron s'est fait élire à l'âge de 39 ans», s'est réjoui de Amadou Thiam.

Plus explicite encore, il n'a pas manqué d'ajouter que «cette élection est un formidable signal d'espoir. Le résultat du scrutin doit servir à inspirer nos populations déçues de leur système politique à se mobiliser pour réaliser ce que d'autres peuples ont réussi chez eux».

Au Cameroun, c'est un autre OPNI (Objet politique non identifié) qui veut aussi s'essayer à la «Macromania». Son nom : Thomas Cabral Libii, un juriste et journaliste de 37 ans qui a décidé de se présenter à l'élection présidentielle de 2018.  «L'exploit de Macron donne à réfléchir, ça donne à se dire qu'une nouvelle page politique doit être ouverte au Cameroun en 2018», avait-il déclaré à un média local, avant même la victoire d'Emmanuel Macron pour justifier sa décision. S'il est difficile de parier un kopeck sur sa candidature, il a déjà réussi à provoquer le débat et a suscité une vraie sympathie auprès de potentiels électeurs. C'est déjà ça...

Diane Rwigara veut aussi tenter sa chance au Rwanda. A 35 ans, cette femme d'affaires veut se présenter comme candidate indépendante à la présidentielle d'août prochain, où elle n'entend pas faire de la figuration. Si elle a de qui tenir -son père ayant été l'un des poids lourds du FPR de Paul Kagamé- elle ne manque pas d'ambitions et surtout de plans d'action. L'ambition, mais aussi l'audace pour la jeune femme qui va pourtant devoir compter sur beaucoup plus que cela pour survivre au système politique rwandais.

En attendant l'effet Macron

La liste est loin d'être exhaustive. Ce qui confirme qu'il y a bel et bien un air de «Macromania» sur le continent. Surtout que la demande est là, si l'on se réfère aux différents commentaires et avis postés ici et là. Les initiatives éclosent également. Ces derniers temps d'ailleurs, il y a comme un vent d'espoir qui souffle sur le continent. Certains dirigeants atypiques ont pu se faire élire à la tête de leur pays en faisant abstraction des procédures traditionnelles, comme c'est le cas avec Patrice Talon ou Adama Barrow. Rien de Macron dans leur ascension politique, mais cela prouve que les choses sont en train de changer en Afrique. Avec la montée des mouvements sociaux qui arrivent à bousculer l'ordre des choses et parfois à faire chuter des dirigeants, comme au Burkina avec le «Balai citoyen» ou au Sénégal avec «Y'en a marre», le moins que l'on puisse dire, c'est que l'espoir est permis. Bien des jeunes ont déjà réussi dans le monde des affaires avec des parcours singuliers. Alors pourquoi pas en politique... ?

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Commentaire 1
à écrit le 08/05/2017 à 18:25
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Et les Magrébins! Eux non! Par contre les autres Asiatiques, Hispaniques etc il sont laissés pour compte à la TV dans les reportages, dans la presse écrite.

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