Nigéria : Buhari en croisade contre les pétroliers

Acculée par la baisse du prix du baril, l'administration Buhari a lancé un nouveau front, cette fois judiciaire, contre les opérateurs pétroliers présent au Nigéria. Ces derniers sont accusés d'avoir exporté illégalement 17 milliards de dollars entre 2011 et 2013
Amine Ater
La guerre semble être déclarée entre le Nigéria et les pétroliers opérant sur son territoire. L'administration Buhari accuse les exploitants d'avoir exporté illégalement pas moins de 17 milliards de dollars de brut entre 2011 et 2013

Le Nigéria vient de se lancer dans ce qui s'annonce comme un marathon judiciaire face aux grands groupes pétroliers qui opèrent sur son territoire. Le gouvernement accuse certains opérateurs d'avoir exporté illégalement l'équivalent de 17 milliards de dollars de brut entre 2011 et 2014. Un premier procès a démarré fin septembre dernier à Lagos avec Total E&P Nigeria Limited, Nigeria Agip Oil Company et Chevron dans le box des accusés. Ces entreprises auraient, selon Abuja, exporté illégalement en 3 ans 57 millions de barils vers les Etats Unis, d'une valeur de 12,7 milliards de dollars. Une 1ère audience qui a été essentiellement consacrée à l'étude des demandes de non-lieu présentées par Total et Chevron, qui ont été rejetés par la Cour.

Lutte d'influence

Ce bras de fer entre l'administration Buhari et les opérateurs pétroliers a débuté sous fond de lutte contre la corruption. En effet, au lendemain de l'élection de Muhammadu Buhari, ce dernier avait prononcé une interdiction d'entrée aux eaux territoriale nigérianes à l'encontre de 113 tankers accusés d'exporter du pétrole non déclaré. Une mesure qui a été suivie par des audits confiés à des entreprises américaines visant à comparer le nombre de barils déclarés à l'exportation au Nigéria avec les quantités déclarées à l'importation dans les ports américains, chinois et norvégiens. Une manière de comparer les ordres de grandeurs entre les quantités déclarées à la source et celles réceptionnées par les destinataires. Des audits qui ont conforté les soupçons des autorités, en statuant que la baisse enregistrée dans les caisses de l'Etat était en grande partie due à la non-déclaration ou la sous-évaluation des exportations de brut. Suite aux conclusions des auditeurs, le gouvernement nigérian a décidé dans un premier temps d'attaquer Total, Agip et Chevron. Un procès qui devrait être suivi d'une procédure judiciaire à l'encontre de Shell. D'ailleurs, près de 11 opérateurs pétroliers en cours d'identification devraient également être poursuivis. Selon l'AFP, Abuja requiert 245 millions de dollars de dommages et intérêts rien que pour le groupe français Total. La partie civil réclame également à l'encontre de l'ex-entreprise publique 21% d'intérêt/an sur les impayés jusqu'au remboursement total de la somme.

Guerre civile et économique

Un bras de fer judiciaire sous fond de chute de la production pétrolière estimée à 21,5% (41.300 barils par jours). Un déficit qui s'explique en partie par les attaques perpétrées par des groupes rebelles dans la région pétrolifère du Delta (Sud du pays). Des attaques qui visent principalement des installations off-shore et des pipelines, entraînant le Nigéria dans une crise économiques accentuée par la chute des prix du baril de pétrole dont les revenus représentent 75% des recettes de l'Etat. Une récession qui survient, rappelons-le, en plein effort de guerre, vu que le Nigéria mène des opérations militaires sur plusieurs fronts, notamment contre Boko Haram, les groupes rebelles du Delta ou encore contre la piraterie qui touche les zones pétrolifères.  S'y ajoute, la lutte contre la corruption initiée par Buhari, suite à son élection qui vise principalement ses anciens opposants. Ce bras de fer avec les pétroliers pourrait représenter à termes, un épouvantail pour les investisseurs intéressés par le Nigéria, sachant que, selon des déclarations faites à l'AFP, certains opérateurs comme l'Italien Eni Agip perçoivent cette accusation comme un moyen de pression pour négocier les échelonnements et paiement de dettes contractées par l'Etat.

Amine Ater

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