Kenya : à quoi joue Raila Odinga avec le boycott de la présidentielle du 26 octobre ?

Une annonce à l’emporte-pièce dans la continuité de la crise post-électorale. Après plusieurs hésitations, l’opposant Raila Odinga a annoncé son retrait de la présidentielle qui devait être organisée ce 26 octobre, après l’invalidation par la Cour suprême du scrutin initialement organisé le 8 août dernier. Mais cette nouvelle manœuvre est-elle profitable dans la stratégie du leader de la National Super Alliance ou sera-t-elle du pain bénit pour son rival Uhuru Kenyatta ?
Ibrahima Bayo Jr.

«Dans l'intérêt des Kényans, de la région et plus largement du monde, nous estimons que le mieux sera que la National Super Alliance (NASA) soit absente de l'élection présidentielle prévue pour le 26 octobre 2017».

Un boycott pour un nouveau report

Surprenante mais prévisible, c'est par cette annonce que Raila Odinga, le chef de la NASA a annoncé, lors d'une conférence de presse, ce mardi 10 octobre à Nairobi, son retrait de la présidentielle du 26 octobre.

L'opposant de 72 ans a exhibé à la fin de son point de presse d'une trentaine de minutes, une lettre signée de sa main adressée à Wafula Chebukati, le président de la commission électorale kényane. A deux semaines du nouveau scrutin, le rival historique d'Uhuru Kenyatta, le président sortant, justifie son retrait par le fait que les réformes réclamées au sein de la commission électorale n'ont pas été opérées.

«Nous sommes arrivés à la conclusion que l'IEBC n'a pas l'intention d'entreprendre les changements au niveau de ses opérations et de son personnel pour garantir que les illégalités et irrégularités qui ont conduit à l'invalidation du scrutin du 8 août ne se reproduisent pas », justifie l'opposant qui ne mène plus campagne depuis quelques jours déjà.

Le scrutin du 8 août dernier invalidé pour «irrégularités et illégalités» imputées à la Commission électorale, la Cour Suprême -qui avait émis le verdict- avait demandé l'organisation d'un nouveau scrutin. Le gouvernement avait même rallongé son budget annuel de 100 millions de dollars pour la tenue du vote, le 26 octobre prochain.Avec l'annonce de Raila Odinga qui réclame la tenue de l'élection à une date ultérieure, que va-t-il se passer ensuite ?

La bouderie électorale, nouveau sport favori de Raila Odinga

 Le corps électoral est déjà convoqué pour le 26 octobre. La balle est donc dans le camp de la commission électorale, qui, en décidant d'accéder à la demande de «Jakom» -surnom d'Odinga signifiant «tribun»-, peut gagner du temps pour se laver des accusations toujours niées, mais jamais démenties à son encontre, au risque d'être taxé de faible.

A contre-courant, l'IEBC peut suivre l'exemple de la présidentielle 2016 à Sao-Tomé-Et-Principe où malgré la présence d'un seul candidat au second tour, après le boycott de son rival, le second tour a porté au pouvoir Evaristo Carvalho. Un scénario d'une élection sans Raila Odinga et qui serait du pain béni pour Uhuru Kenyatta qui a du mal à digérer, sa «victoire volée» selon ses partisans, par la Cour Suprême. Ce serait un énorme lot de consolations pour Kenyatta que de prolonger son bail au State House, sous réserve que son rival «ne fasse pas du bluff».

A l'analyse, Raila Odinga nous a habitués à son sport favori : la contestation électorale. Après avoir dénoncé le verdict des présidentielles de 2007 contre Mwai Kibaki, de 2013 contre Uhuru Kenyatta en reprenant les mêmes arguments de la fraude, l'opposant se découvre un nouveau passe-temps de substitution : la bouderie électorale !

Mais cette fois-ci, plutôt que de se faire le ténor qui met en musique la contestation, son annonce risque de susciter chez des Kényans, à la peine avec une économie qui subit les contrecoups de ce remake de présidentielle, au mieux l'agacement, au pire la crainte des violences de la crise post-électorale de 2007. Sans doute Agwanbo («Le mystérieux») devrait tenter de percer le secret de ce proverbe massai : «La gourmandise provoque l'oubli».

Ibrahima Bayo Jr.

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