Togo : une marche de la "colère" pour un jeudi sous haute tension

Après la marche d'hier mercredi 04 octobre 2017 dont le but était de donner un ''ultime avertissement'' au pouvoir, l'opposition togolaise enchaîne aujourd'hui jeudi 05 octobre 2017 avec la marche dite de ''la colère''. Récit d'une crise politique qui atteint son paroxysme.

La journée d'hier mercredi 04 octobre 2017 a été marquée par une nouvelle mobilisation de l'opposition togolaise. Rassemblée dans son intégralité comme depuis quelques semaines, l'opposition est encore descendue dans les rues un peu partout sur toute l'étendue du territoire. Portés par l'objectif d'adresser un ultimatum au pouvoir en place, des milliers de militants dans plusieurs grandes villes du pays étaient dans les rues, fanions à la main pour la plupart, habillés à l'effigie de la multitude de partis politiques de l'opposition, pour réclamer notamment « le retour à la constitution de 1992 dans sa version originelle, l'effectivité du droit de vote de la diaspora togolaise, la révision du cadre électoral, la libération des personnes arrêtées lors des manifestations précédentes des 19 août, 6 et 7 - 20 et 21 septembre 2017 ».

Contrairement aux craintes qui avaient précédé la mobilisation, à en croire le ministre togolais de la sécurité et de la protection civile, le colonel Damehame Yark, les manifestations se sont généralement déroulées sans heurts. Il a déploré quelques barricades posées par endroit par certains manifestants sur certaines routes, des casses dans les salles de classes à Vogan (intérieur du pays) et des tentatives de délogement des élèves à Sokodé (centre du pays). Il y a pourtant d'autres sources qui ont dénoncé dans la soirée d'autres incidents à l'intérieur du pays où des manifestants auraient été bloqués à Sokodé, ville d'origine de Tikpi Atchadam, président du Parti national panafricain (PNP) ou encore à Kara, ville d'origine de Faure Gnassingbé réputé être pourtant son fief où on dénonce une intimidation musclée des forces de l'ordre.

Guerre de chiffres

Les manifestations de ce 04 octobre, si elles revêtent pour l'opposition une forme particulière, c'est parce qu'elles constituent une reprise par rapport à celles des 20 et 21 septembre derniers qui ont semblé moins fortes, précise-t-on dans la coalition. On parle de plusieurs dizaines de milliers de Togolais à travers tout le pays. Des chiffres rapidement contestés par le ministre togolais de la sécurité. Dans son bilan, Damehame Yark a avancé le nombre de 7.000 manifestants.

Un chiffre loin de la réalité selon l'opposition qui en veut pour preuve les vidéos des manifestations. « Il vaut mieux en rire. Je laisse la presse lui répondre et nous aurions préféré qu'il investisse toute son énergie à assurer la sécurité des Togolais, à faire en sorte que les manifestants non seulement manifestent en sécurité et qu'ils rentrent chez eux en sécurité aussi. Ce qui n'est pas le cas », a déclaré Brigitte Adjamagbo-Johnson, première responsable de la coalition de l'opposition. Elle a précisé qu'ils ont des informations à ''vérifier'' toutefois, qu'après la dispersion des manifestations, des manifestants auraient essuyé des gaz lacrymogènes sur le chemin de retour. « J'aurais aimé qu'il assure la sécurité des manifestants. Je suis en train d'essayer de faire la lumière pour avoir davantage de précision », a-t-elle ajouté en donnant rendez-vous ce jeudi 05 octobre 2017 dans les rues, au ministre Damehame Yark.

La Cedeao, l'UA et l'UNOWAS en soutien à Faure Gnassingbé ?

Les positions de la communauté africaine dans la crise togolaise font l'objet d'une polémique. Pour certains opposants, président en exercice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) et beau-frère du président de la commission Alain Marcel de Souza, on peut en imaginer aisément le soutien reçu par Faure Gnassingbé de la part de l'institution régionale. Mais celui de l'Union africaine (UA) ou du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'ouest (UNOWAS) a semblé surprendre l'opposition togolaise.

Les trois institutions internationales ont appelé à une rapide organisation du référendum auquel s'oppose l'opposition. Pour elles, « c'est une étape importante pour mettre le Togo en conformité avec les normes démocratiques reflétant les meilleures pratiques en Afrique de l'Ouest ». Elles ont dit « prendre acte de l'adoption du projet de loi constitutionnelle visant à modifier les articles pertinents de la Constitution togolaise » et invitent l'opposition togolaise « à saisir cette occasion pour faire avancer les réformes constitutionnelles » tout en lançant un appel « à poursuivre le dialogue sur cette question importante de manière pacifique, conformément aux aspirations légitimes du peuple togolais... et à faire preuve de retenue afin de préserver la paix et la cohésion dans le pays car le Togo est leur patrimoine commun ».

Pour l'opposition, la position de ces trois institutions est pour le moins ambigue. « Je pense que c'est un communiqué qui ne traduit pas une position très claire. De deux choses l'une. Soit ces institutions demandent qu'on aille au référendum et dans ce cas, il n'y a plus de dialogue ou elles demandent qu'on aille au dialogue pour voir dans quelle mesure donner satisfaction au peuple. C'est un communiqué qui n'est pas du tout clair », fait remarquer Brigitte Adjamagbo-Johnson, qui poursuit et dénonce qu'ils constatent « une incohérence qui ressemble à un parti pris que l'on cache mal. Nous constatons par la même occasion que le représentant spécial des Nations Unies signe un communiqué qui est en contradiction avec ce que son patron demande depuis New York ». Elle fait allusion à Mohamed Ibn Chambas dont le patron Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, a appelé la semaine dernière à un dialogue pour prendre en compte les préoccupations du peuple togolais. « Ce que nous nous attendons, c'est que la communauté internationale soit aux côtés du peuple, qu'elle appelle franchement, comme le Secrétaire général des Nations Unies l'a fait à travers son porte-parole, au dialogue pour donner satisfaction au peuple », a rappelé Adjamagbo-Johnson qui a aussi indiqué qu'elle souhaiterait que « la communauté internationale prenne toute la mesure de la profondeur de ce mouvement et qu'elle prenne position en faveur du peuple qui aspire à vivre dans un pays démocratique, à l'alternance et à en finir avec 50 ans de règne d'une seule famille ». Selon elle, l'opposition est prête pour le dialogue.

La marche de "la colère''

Après la marche de ce mercredi 04 octobre 2017 dont le but était de donner un ''ultime avertissement'' au pouvoir, l'opposition enchaîne aujourd'hui jeudi 05 octobre 2017 avec la marche dite de ''la colère''. Tikpi Atchadam a déjà indiqué que l'opposition comptait faire sortir toute la population de Lomé pour mettre fin au pouvoir de Faure Gnassingbé. Dans le pays, une sensation de peur est palpable. Mais Damehame Yark a appelé à une marche pacifiste. « J'espère que la marche de demain que l'on a annoncé comme celle de la colère sera pacifique, puisqu'on a entendu certains dire que demain il faut chauffer le sol parce que c'est une marche dite de colère. J'espère que les responsables vont jouer leur rôle d'organisateurs », a souligné le ministre.

Heureusement ou malheureusement, contrairement à ce que certains médias internationaux ont pu annoncer, l'internet pour cette fois-ci n'a pas été coupé, même si on a noté quelques perturbations.

Coïncidant avec la date anniversaire de la révolte populaire du 5 octobre 1990, laquelle avait contraint le président Gnassingbé Eyadema à accepter le multipartisme, ce jeudi est très symbolique pour l'opposition et décisif pour le pouvoir en place.

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