Togo  : l'opposition et le pouvoir dans la rue, le bras de fer se poursuit

Les manifestations programmées, hier 20 septembre, par les politiques au Togo ont démarré en trombe, autant pour soutenir les réformes introduites par le gouvernement que pour demander le départ immédiat du chef de l'Etat. Et malgré les blessés de la veille, les manifestants battaient encore le pavé ce matin du jeudi 21 septembre.
Manifestation en soutien au président Faure Gnassingbe, le 20 septembre 2017 à Lomé, la capitale du Togo.

Les manifestations prévues au Togo hier se sont tenues et continuaient  ce jeudi 21 septembre. Les militants du parti au pouvoir, l'Union pour la République (Unir) et de l'opposition (unie pour l'occasion) se sont mobilisés très tôt au courant de cette matinée.

Du côté de Unir, la démarche est claire : soutenir le projet de révision constitutionnelle introduit par le gouvernement et voté par ses parlementaires la veille, en l'absence de l'opposition. «Je ne sais pas ce que veut l'opposition. Ils voulaient des réformes. On en fait. Ils demandent maintenant le départ du président. C'est de la blague. Nous marchons ce matin pour encourager le président dans sa démarche afin qu'il sache que le peuple le soutient», commentait un jeune fonctionnaire du Port autonome de Lomé, lors des manifestations du 20 septembre.

Du côté de l'opposition, des dizaines de milliers de militants s'étaient rassemblés un peu partout sur l'étendue du territoire national. Des sources proches de l'opposition parlent de 25 localités au total. Sur les pancartes, les opposants affichent le but de leur initiative : le départ immédiat du chef de l'Etat, Faure Gnassingbé.

«Sur quelle base ?», rétorque le ministre de l'Administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales, Payadowa Boukpessi. «Nous disons unanimement qu'il est important d'opérer des réformes pour mieux enraciner notre démocratie. Mais dès lors qu'au lieu du jeu démocratique des élections, des gens commencent à dire qu'il faut que le président parte, cela soulève des questions. Sur quelle base un président élu pour cinq ans et dont le mandat court jusqu'en 2020 devrait-il partir ?», déclare-t-il.

L'opposition, elle, justifie son point de vue en se référant à la Constitution de 1992 qui stipule qu'«en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats ». Et donc plus rien n'est possible en dehors du départ du président, clame l'opposition.

Un mort et des blessés

Comme on pouvait s'y attendre, les manifestations de l'opposition ont dégénéré en plusieurs endroits du pays. Des informations font état de plusieurs blessés dans diverses localités dans le nord où des manifestants se seraient écartés des itinéraires fixés avec les autorités. Comme à Sokodé, à Bafilo ou encore à Mango où même un enfant de 10 ans a perdu la vie et où il y a eu des coups de feu.

«Alors que les manifestations de ce 20 septembre à l'intérieur du pays se sont globalement déroulées dans le respect des modalités fixées, la ville de Mango où les manifestations n'ont pas été prévues, a été le théâtre de violences provoquées par les partisans du PNP», confie dans un communiqué le ministre de la Sécurité et de la protection civile, le colonel Damehame Yark.

«Plus grave encore, des tirs d'armes à feu ont été effectués à partir des rangs des manifestants du PNP et le bilan est lourd : un enfant de 10 ans a été tué, dix personnes blessées dont quatre par fusils de chasse et six par armes de guerre», continue le ministre. Selon lui, les auteurs des coups de feu ont été identifiés et sont recherchés «activement» afin qu'ils répondent de leurs actes.

Ce matin encore, les manifestations se poursuivaient des deux côtés. Mais compte tenu du bilan de la veille, les inquiétudes ont augmenté quant aux risques de violence. Des voix s'élèvent déjà pour appeler à d'autres alternatives afin d'éviter les violences inutiles.

Un autre moyen que la rue

Pour certains comme Aubin Kodjovi Thon, président du mouvement politique Nouvelle vision (NOVI) et candidat déclaré à l'élection présidentielle de 2020, «le peuple a déjà gain de cause pour ses marches et manifestations». Kodjovi Thon croit qu'une autre démarche est envisageable pour arriver au but recherché, en suggérant aux leaders de l'opposition de «négocier diplomatiquement» avec le chef de l'Etat Faure Gnassingbé qui «a déjà senti la chaleur du mécontentement de la population, pour qu'il ne se présente plus aux élections de 2020, même si la Constitution lui donne droit».

Concernant le pouvoir, le président de NOVI a déclaré que «même si vous gouvernez bien selon vos évaluations, acceptez que le peuple, à un moment donné, sera fatigué de voir la même famille aux commandes pour plus de 50 ans, ou il aura besoin d'une autre option que le leadership des Gnassingbé. Vous ferez de même que le peuple, si la famille d'Aubin Kodjovi Thon était au contrôle ». Selon lui, éviter la violence doit être une priorité.

Gerry Taama, président du Nouvel engagement togolais (NET) et ancien candidat à l'élection présidentielle, pense quant à lui qu'il faut suspendre le processus de révision pour s'atteler au code électoral. Autre moyen, «discuter sérieusement du code électoral tout en suspendant le processus en cours», ajoute-t-il.

Du côté de la société civile, la recherche d'un compromis reste la chose la plus importante. « Il ne sert à rien de dépenser l'argent du contribuable pour organiser un référendum. Je suis d'avis avec plusieurs analystes que la réforme du système électoral est tout aussi importante que la révision de la Constitution, laquelle doit comporter des dispositions importantes sur la Ceni», explique Mohamed Madi Djabakate, président du Conseil d'administration du Centre pour la gouvernance démocratique et la prévention des crises (CGDPC).

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