Tunisie : levée de boucliers contre la loi controversée sur la réconciliation nationale

Pour Béji Caïd Essebsi, le président tunisien, c’était un moyen de réconcilier un pays qui construit l’après-Ben Ali. Mais la loi controversée, adoptée par le Parlement et qui accorde l’amnistie aux hommes d’affaires en connivence avec l’ancien régime, a déclenché une levée de boucliers au sein de l’opposition, de la société civile et des réseaux sociaux.
Ibrahima Bayo Jr.
L'ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi.
L'ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi. (Crédits : Reuters)

Les avocats tunisiens sont furieux du vote de la loi controversée sur la réconciliation. Dans un communiqué au vitriol, le Conseil de l'ordre des avocats a vivement rejeté le vote, ce jeudi 14 septembre, de la loi sur la réconciliation.

Loi adoptée, polémique ouverte

Au sein de la société civile comme de l'opposition, on dénonce également un enrayement du processus de transition démocratique post-Ben Ali. Des réactions suscitées par le vote à une écrasante majorité de la loi sur la réconciliation nationale.

Ce jeudi, après une séance de débats parlementaires particulièrement houleuse, le projet porté à bout de bras par le Président Béji Caïd Essebsi a été adopté par 117 députés sur les 217 votants. De quoi faire passer le texte, mais aussi déclencher une vive polémique.

Tout de suite après le vote, un communiqué de l'Ordre des avocats tunisiens avait lancé un appel aux députés à «corriger une erreur monumentale ». «Cette loi consacre l'impunité de ceux qui ont volé les biens publics et aidé les corrompus à mettre la main sur les richesses du pays. Ceci pourrait encourager d'autres à faire la même chose , indique le communiqué de l'Ordre des avocats.

Pourquoi donc cette loi suscite-t-elle la polémique et l'indignation ? Le projet de loi dit de la «réconciliation nationale» circule dans les couloirs de l'Assemblée nationale depuis 2015. Pour apaiser les envies de revanche à la suite du régime Ben Ali (1987-2011), le gouvernement de Beji Caïd Essebsi a initié un projet de loi.

Une amnistie qui passe mal

Dans sa première mouture, le texte prévoyait de troquer une amnistie générale des hommes d'affaires et fonctionnaires de l'ancien régime accusés de corruption contre un rapatriement dans les caisses du Trésor tunisien, des sommes litigieuses. Face à la polémique, cette amnistie ne concernait plus que les fonctionnaires condamnés pour corruption administrative ou pour des délits de pots-de-vin.

Près de 2 000 fonctionnaires de l'ancien régime seraient concernés par cette loi. Mais au sein de l'opposition et de la société civile, l'incompréhension domine. Pour les observateurs, cette loi sanctionne les fonctionnaires, dont les exécuteurs d'ordre plutôt que les donneurs d'ordre.

Pour les opposants au texte, la loi relève plus d'une «indulgence» envers des hommes d'affaires dont les réseaux ont été constitués sous l'ancien régime que de la réconciliation nationale, notamment pour les victimes de la répression du régime.

Lors du dernier remaniement ministériel, plusieurs hommes d'affaires sous l'ancien régime ont fait leur entrée dans l'équipe gouvernementale. Pour les victimes, ce rapprochement rappelle des pratiques que l'on croyait révolues.

Ibrahima Bayo Jr.

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