Au Mali, Macron va-t-il endosser le boubou de chef de guerre ?

«Je viens sans doute de vivre le plus beau jour de ma vie politique», lançait François Hollande à la foule surexcitée qui l’acclamait sur la Place de l’indépendance à Bamako après le déclenchement de l’opération militaire «Serval». Quatre années plus tard, Emmanuel Macron consacre sa première visite sur le continent aux militaires de la force devenue «Barkhane». Va-t-il endosser les habits de chef de guerre ou va-t-il rompre avec la politique de son prédécesseur ? C’est la question qui taraude tous les cercles de réflexion africains.
Ibrahima Bayo Jr.

Avec Jean-Yves Le Drian à ses côtés, Emmanuel Macron ne sera pas perdu dans ce grand Sahel pour son premier déplacement en Afrique. L'ancien ministre de la Défense qui connait les dossiers sécuritaires dans cette région sur le bout des doigts au point d'être surnommé « l'Africain », fera sans doute office de guide de la délégation qui passera en revue les troupes françaises de l'opération Barkhane sur la base militaire de Gao.

En 2014, Barkhane a pris le relais de l'opération Serval lancée en 2013 sous le mandat de François Hollande pour repousser les colonnes de jihadistes qui s'étaient emparées du nord Mali en 2012 après le reversement d'Amadou Toumani Touré. Les 4.000 hommes de Barkhane qui ont pris le relais, surveillent une zone composée de cinq pays avec le soutien des 12.000 hommes de l'ONU.

Malgré cette task-force antiterroriste, le Mali, base de repli ou nid d'essaimage des jihadistes vers les pays du Sahel, est devenu un mouroir pour les soldats des forces étrangères et maliennes régulièrement visés par des embuscades et des attaques terroristes. Les soldats français y ont perdu 17 de leurs éléments depuis le déclenchement de l'opération Serval.

Le plus beau jour de la carrière d'Hollande...

Le pays d'Ibrahim Boubacar Keïta, à la peine pour concrétiser l'accord de paix de juin 2016 et restructurer son armée, s'est résolu à constater l'inefficacité des forces françaises qu'il avait appelées au secours pour le débarrasser de la menace terroriste. Une partie nord de ce pays grand comme deux fois la France est contrôlée par des jihadistes surarmés qui lorgnent la prise de guerre que pourrait constituer Bamako. Autant dire que les Maliens vont scruter à la loupe, les premiers pas d'Emmanuel Macron dans lesquels ils voient peut être arriver la délivrance.

Dans son discours sur la place de l'Indépendance de Bamako, le « grognement » de Serval a été « le plus beau jour de la vie politique » de François Hollande. Pour son successeur à l'Elysée, cela pourrait n'être que le lancement de sa « carrière militaire » et pourrait enfiler en Afrique, le boubou de chef de guerre et assurer le service après vente d'Hollande.

Et les premiers symboles lancés par le nouveau locataire du palais de la Rue du Faubourg St-Honoré sont peut-être révélateurs de cette ligne de continuité. Tout de suite après la passation de pouvoirs, c'est juché sur un « Command car » qu'Emmanuel Macron a arpenté les Champs-Elysées avant de rendre visite à des soldats blessés au Mali dans un hôpital militaire en région parisienne.

Macron en boubou de guerre pour le "service après vente" de Serval

C'est sans doute le signe que les problématiques sécuritaires notamment la lutte contre le terrorisme seront érigées au rang de priorité du quinquennat Macron. Le retrait des troupes françaises du « bourbier malien », outre les craintes de partition du Mali, serait un aveu d'impuissance qui ternirait le prestige de l'armée française. De plus, Emmanuel Macron se voit réussir là où son prédécesseur a échoué à repousser les jihadistes qui sèment la terreur dans la région.

Néanmoins en Afrique, ce premier déplacement d'Emmanuel Macron est perçu comme un indice de plus de la poursuite de la politique africaine de la France de Hollande, qui a sacrifié la promotion de la démocratie sur l'autel du tout sécuritaire. Embarquée dans une démonstration de force militaire avec le remplacement de la force « Licorne » par les Forces françaises de Côte d'Ivoire (FFCI), les interventions en Centrafrique et au Mali, la politique africaine de la France a été jugée « surmilitarisée » et « inefficace » au détriment d'une aide véritable au développement comme le soulignait en 2015, un rapport de la Commission des affaires étrangères du parlement français.

Et pourtant, l'arrivée d'un homme neuf en plus d'être jeune, aurait peut-être pu être une excellente occasion d'accélérer le réarmement de l'armée malienne et l'activation de la force du G5 Sahel encore renvoyée aux calendes grecques afin de réussir une des missions de Serval : transférer aux Africains, la gestion de leur propre crise. Pour l'heure, cette clairvoyance prend les allures d'un grand mirage dans le désert sahélien.

Emmanuel Macron se prépare à passer en revue les troupes à la base militaire française de Gao, là où l'avait précédé en janvier dernier, François Hollande venu les galvaniser. Le successeur ôte le boubou militaire de son prédécesseur et s'apprête à l'enfiler. Un signe de continuité ? Encore un de plus, diront certains.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaire 1
à écrit le 20/05/2017 à 20:07
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J'ai rarement lu un article aussi malhonnête. Les troupes françaises sont parvenues à éviter au Mali un désastre absolu qui aurait ensuite embrasé les pays voisins : leur "inefficacité " est donc toute relative ! L'auteur de cet article ne serait-il...

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