Condamnation d’Hissène Habré : le verdict qui fait trembler certains présidents africains

A qui le tour ? En condamnant Hissène Habré à la perpétuité pour crimes contre l’Humanité, la Chambre spéciale africaine de Dakar ouvre une brèche pour l’application de la compétence universelle en Afrique. Dans les couloirs des palais présidentiels, la perspective fait trembler des chefs d’Etat encore en exercice. Bien au-delà, la psychose gagne également d’ex-responsables de gouvernements occidentaux.
Ibrahima Bayo Jr.

C'est le premier procès dans le monde où un ex-chef d'Etat est traduit devant la juridiction d'un pays étranger. C'est justement en cela que la portée juridique de la sentence a fait trembler dans les couloirs des palais présidentiels du Continent. Plus besoin désormais d'attendre qu'un juge international use de sa compétence universelle pour punir un dictateur aux mains sanguinolentes.

La première application de la compétence universelle ouvre la brèche

La Chambre spéciale africaine a usé, pour la première fois sur le Continent, de cette compétence pour condamner définitivement Hissène Habré à la perpétuité pour crimes contre l'Humanité, crimes de guerre et crimes de tortures. Près de 30 années après son exil au Sénégal, Hissène Habré l'ex-président tchadien (1982-1990), va passer le reste de sa vie dans les geôles sénégalaises, alors que le Tchad pense à son extradition.

Hasard de calendrier ou ironie de l'Histoire. Pendant qu'on attendait le verdict de la Chambre africaine, le procès de l'ex-président burkinabé Blaise Compaoré s'ouvrait avant d'être reporté au 4 mai 2017. Cocasserie ultime, ce dernier a pris la nationalité ivoirienne depuis son arrivée à Abidjan.

Au-delà de la réparation du préjudice aux victimes, la condamnation à perpétuité d'Hissène Habré ouvre la voie à une jurisprudence qui pend comme une épée de Damoclès sur la tête des chefs d'Etat africains dont certains sont encore au pouvoir. Dans un contexte de dissidence africaine contre l'acharnement de la Cour pénale internationale (CPI), la Chambre africaine pourrait ravir la vedette à l'institution de Fatou Bensouda.

Vers le remplacement de la CPI par une juridiction africaine?

Mieux encore, en attendant l'entrée en fonction effective de la cour africaine des droits de l'Homme, la parade d'installer des chambres spéciales au sein des tribunaux d'un pays pourrait s'avérer décisive pour rendre la justice dans des crimes de sang et même au-delà.

La chambre africaine spéciale peut même se saisir des dossiers africains de l'institution basée à La Haye et permettre à l'Afrique de juger (ou acquitter) des chefs d'Etat accusés d'avoir du sang sur les mains. Cette perspective pourrait faire vaciller des fauteuils de chefs d'Etat qui s'estiment confortablement installés dans le confort de leurs palais présidentiels.

La Chambre africaine pourrait se saisir d'enquêtes ouvertes par la CPI et qui visent des pays comme la Centrafrique, le Mali, la Côte d'Ivoire, la Libye, le Kenya, le Darfour, la République démocratique du Congo, l'Ouganda, le Burundi ou le Gabon.

Exilés respectivement en Côte d'Ivoire et en Guinée-Equatoriale, Blaise Compaoré du Burkina et Yahya Jammeh de Gambie pourraient alors voir resurgir des cadavres sortis des catacombes de leur régime. Le couteau est à double tranchant puisque la Chambre spéciale pourrait également poser le quitus de sa compétence universelle pour poursuivre de hauts responsables de gouvernements occidentaux qui se seraient rendus coupables ou complices de crimes sur le Continent.

La bronca contre la CPI s'estomperait et l'on ne pourra reprocher à une juridiction africaine de ne poursuivre que des Africains. Les pourfendeurs ne pousseront pas le ridicule jusque-là.

Ibrahima Bayo Jr.

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