Kabila et Al-Sissi font front contre l'«ingérence étrangère»

Officiellement, le président congolais n’y aura fait qu’une escale technique. Mais au petit matin de ce 22 avril, c’est bien sur la pointe des pieds que Joseph Kabila a embarqué de l’aéroport international de Bangboka à Kisangani, en direction du Caire, où il a rendu une visite d’Etat à son «frère», le général Abdel Fattah Al-Sissi. Au-delà de la poignée de main et des sourires pour les caméras, les deux hommes se préparent à faire bloc contre les ingérences étrangères.
Ibrahima Bayo Jr.

Le samedi 22 avril 2017 à Kisangani, l'aéroport recevait un passager VIP plutôt inhabituel. Discrètement, la silhouette de Joseph Kabila s'est engouffrée dans l'avion présidentiel qui allait s'envoler en direction de l'Egypte. Le jour même, le président congolais est reçu en grande pompe au Palais d'Héliopolis par le président Abdel Fattah Al-Sissi.

Energie, défense, sécurité, diplomatie et la carte des "ingérences"

Lors de leur entretien, les deux hommes ont abordé des sujets de coopération entre les deux pays notamment, l'énergie, la défense et la sécurité, la diplomatie, et des projets de développement communs. Mais la visite a aussi été l'occasion pour les deux chefs d'Etat de jouer la carte de l'«ingérence étrangère».

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« L'Egypte a toujours été avec nous, à nos côtés, dans le domaine de la diplomatie, de la défense de ce principe [de non-ingérence], que ce soit au niveau des Nations Unies, de l'Union africaine », a lancé le président congolais au cours de la conférence de presse conjointe.

La relance était trop belle pour ne pas être saisie.

« J'ai exprimé au président Kabila notre conviction qu'il est important de faire avancer la communauté internationale afin de soutenir les efforts visant à vaincre ces groupes, ainsi qu'à mettre en place des mécanismes efficaces pour mettre un terme à l'exploitation illégitime des ressources naturelles de la RDC », a répondu le président égyptien.

Au-delà de cet échange d'amabilités, une question reste toutefois posée. Que va chercher Joseph Kabila au bord des eaux du Nil ? Réponse : du soutien ! Depuis ces derniers mois, le chef de la diplomatie congolaise, Léonard She Okitundu, a entamé un périple dans les capitales européennes et africaines pour appuyer son lieutenant qui fait face à la colère de la rue et de l'opposition, depuis l'expiration de son second et dernier mandat, le 19 décembre dernier.

Un club des autocrates en soutien à Kabila

Léonard She Okintundu a été porteur d'un message au Gabon d'Ali Bongo, en Guinée-Equatoriale de Teodoro Obiang Nguema et au Tchad d'Idriss Deby Itno. Le président congolais semble vouloir créer une sorte de «club des autocrates» contre ces présidents africains qui ont tous la particularité de s'être maintenus au pouvoir en dépit d'élections contestées ou dénoncées comme irrégulières.

Un club qui lui sera efficace dans son projet sibyllin de retarder le plus possible l'hypothétique organisation des élections générales, prévues fin 2017 et pendant lesquelles son successeur devrait être désigné. En effet, Joseph Kabila n'aura pas de mal à recueillir le soutien de son «club». Les chefs d'Etat qui le composent ont peur que le cas Kabila -s'il venait à être forcé de quitter le pouvoir- ne déclenche une vague de démocratisation dans une Afrique centrale où la règle est de s'accrocher à son fauteuil.

En l'état actuel des choses, le soutien du «grand frère» Al-Sissi est d'une portée stratégique pour Joseph Kabila. Le président égyptien est le premier -et à l'heure actuelle le seul - président africain reçu par le président américain, Donald Trump. A Paris, Bruxelles, Londres et Washington, on récrimine le régime Kabila et dénonce la nomination d'un nouveau Premier ministre en violation de l'accord de la Saint-Sylvestre.

Avec Al-Sissi comme bouclier, la carte des ingérences étrangères, auprès d'un président américain qui veut limiter les interventions -diplomatiques et militaires- à l'étranger, éloignerait de Joseph Kabila la menace du glaive américain. Reste à savoir si la stratégie portera ses fruits.

Ibrahima Bayo Jr.

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Commentaires 2
à écrit le 25/04/2017 à 11:46
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Le président égyptien est le premier -et à l'heure actuelle le seul - président africain reçu par le président américain, Donald Trump. comment ce dernier que vous appellez "fruit de la démocratie" choisi t il de recevoir en premier un non fruit de l...

à écrit le 24/04/2017 à 17:55
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Une bonne analyse qui mérite petit commentaire. Kabila & Cie, sont de quel siècle ? Comment peuvent-ils demeurer invalides voire malvoyants alors que TRUMP est le fruit des élections pour ne pas dire RESPECT de la Constitution US ? Comment son diplom...

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